Souffle la liberté

52.

Point de vu Ewen 

Tremblant, j'entre dans la chambre sombre. Elle est recroquevillée à même le sol. Immobile. Je déglutis difficilement et avance vers elle. Comme à chaque fois, je m'assois près d'elle. Et elle ne bouge pas. Cela fait sept jours aujourd'hui. Sept jours que Travis est mort. Et elle aussi. A l'intérieur. 

- Je t'ai apporté des fleurs, murmurais-je en les déposant à ses pieds. 

Je me racle la gorge. 

- Et le livre aussi. On va sans doute le finir aujourd'hui. Si tu veux. 

Pas de réponse. Je déglutis. J'ouvre doucement le livre et commence ma lecture. Comme à chaque fois. Je lis. Encore, encore et encore. Mais cette fois je ne pense pas à ça. 

- C'était le livre préféré de Mère, confiais-je finalement. J'aurais aimé que tu l'aimes aussi. Je sais que le médecin a dit de te changer les idées mais... J'avais envie de te le dire. Même si tu t'en fous. Après tout, tout le monde s'en fou. Personne ne veut jamais savoir qu'elle est le livre préféré du Roi ou de la Reine. Ou même du prince. On s'en fou ! Le monde entier s'en fou ! Ce qui intéresse les gens c'est l'argent qu'il y a dans les caisses, ce à quoi il va servir, ce à quoi il ne va pas servir ! Ce qui compte c'est la politique interne, la politique externe ! Les autres, ce qui les intéresse c'est le pouvoir ! Le pouvoir ! Tout le monde parle des mines fermés, du chômage, des échauffourées, de la merde partout dans le pays ! Mais qui parle encore du Roi ! de la Reine ! De leur livre préféré, de ce qu'ils étaient au-delà de la politique ! Tout le monde s'en fou ! Tout le monde se fou que le prince, ou plutôt, l'ex-prince, n'ait plus ni parents, ni famille, ni amis, ni compatriotes, ni biens ! Quand ils ont su qui j'étais... Ils m'ont jetés dans les cachots, Magnificence ! Tu le sais ça ! Ils voulaient m'envoyer dans les galères ! J'étais coupable ! Mais coupable de quoi bon sang ! Je n'ai jamais voulu tuer personne, je n'ai jamais voulu faire de mal à personne ! J'ai étudiais toute ma vie en vu de rendre mon peuple heureux ! Je voulais leur offrir la prospérité ! Je voulais... 

Une larme glissa sur ma joue. 

- Je les hais ! Je les hais tous ! 

Je lançais le livre à travers la pièce. Les larmes coulaient sur mes joues et je retenais à grand peine mes sanglots. Finalement, pris de remord, je me levais pour reprendre mon livre. Mère... Père... Aimée-Rose... Je me tournais vers elle. Elle ne bougeait pas. Comment pouvait-elle .... ? 

- TOI AUSSI JE TE HAIS ! Je te hais d'être si égoïste ! Tu te fous de ma douleur, de ma solitude ! Je n'ai plus rien ! Plus rien ! Ni Père, Ni mère, ni cette si adorablement exaspérante amie qu'était Aimée-Rose, quoi que je dise... JE SUIS SEUL ! Totalement seul puisque tu m'abandonnes ! Je te hais de t'aimer si fort ! Parce que je t'aime, Magnificence ! Je t'aime mais tu t'en fous ! Je t'aime tellement ! Mais je peux pas te dire ça, hein ? Parce qu'il te l'a dit avant et que si je te dis ça... Alors tu vas être malheureuse, tu vas penser à cet idiot de Travis qui est mort en te disant ça ! Je suis condamné à t'aimer en silence parce qu'un autre à décider d'en faire ses derniers mots ! C'est ça... Je suis tellement bête, tellement bête ! J'aurais dû te dire je t'aime tous les jours ! Chaque seconde passée à tes côtés aurais dû être ponctuée par mes "Je t'aime". Mais à quoi ça m'avance de t'aimer ?! Tu ne m'aimes pas toi ! Tu ne m'aimes pas ! Tu te fous de ma douleur ! De ma souffrance ! Et de mon amour ! 

Je me laissais glisser le long du mur, secoué de sanglots. Je posais ma tête entre mes bras et pleurais. 

- Je suis si seul... Joshua, ton père, aurait dû les laisser m'emmener aux galères. Ou même m'exécuter. Ah mais tu ne le sais pas, ça non plus ! Tu ne le sais pas ! Tu ne sais pourquoi j'ai échappé à ce sort infâme ? Hein ? C'est toi qui m'a sauvée ! Même après leur avoir crié ta haine, le peuple t'aime et te donne raison. Et pour te dédommager de toutes les souffrances qu'ils t'ont infligés, il m'ont exempté des galère. Super argument, merci Joshua ! Merci ! C'est marrant ça... Tu me sauves et m'abandonnes en même temps ! Tu me sauves des galères mais tu me laisses seul à me morfondre ! Me morfondre et prier pour que tu sortes de ta torpeur ! Me morfondre et pleurer les miens ! 

Je me tus, à bout de souffle. Que faire maintenant ? Que faire de ma solitude ? J'avais mal à la gorge de trop sangloter. Mes yeux me piquaient d'avoir trop coulés. Je me sentais tellement vide... 

- Je peux pas vivre si seul... 

J'essuyais mon nez coulant sur ma manche et reniflais. J'entendais encore la voix de ma mère... "Ewen, n'essuie pas ton nez ainsi ! C'est dégoûtant mon petit ! Va-te changer !" Je sentais sa main m'ébouriffant les cheveux. Je me souvenais de mon père et des courses d'équitation, des sauts d'obstacles... "Pense bien ton cheval comme ton Père, Ewen, et ne laisse jamais se travaille à ton écuyer. Tu entends, Mon Fils ?". Je déglutis et secouais mes cheveux avec mes mains. 

- Je veux mourir.... Je me sens si inutile... Si seul... Si... 

Ma respiration se coupa nette. Deux bras venaient de m'enlacer tendrement. Mon cœur se mit à battre plus fort dans ma poitrine. Je.. Elle... 

- Je suis là maintenant, murmura une voix douce que je connaissais si bien. Pardonne moi... Je ne te laisserais plus... Alors reste avec moi... Reste avec moi, Ewen... 

Je me redressais doucement et rencontrais ses grands yeux sombres que j'aimais tant. Ils brillaient de larmes. 

- Magnificence... 

Elle hocha doucement la tête et essuya tendrement les perles salées qui coulaient sur mes joues. 

- Ne pleure plus... Je suis là maintenant ... Je suis là... 

Je la serrais tout contre moi. Magnificence... 

- Tu n'es plus seul Ewen... Je resterai toujours avec toi... 

Sentir son corps tout contre le mien, l'entendre à nouveau me parler, la voir ainsi... Je fondis de nouveau en larmes... Elle était revenue ! Elle était revenue ! 

- Tu es revenues avec moi... Magnificence... 

Elle plongea son regard larmoyant vers moi en secouant la tête. 

- Non... Je suis revenues pour toi.. Ewen... pour toi...