Souffle la liberté

16.

J'étais assise parmi les autres candidats du choix. Je me tortillais sur ma chaise, mal à l'aise .... Je me retrouvais coincée entre deux jeunes filles en élégantes robes... Et je me sentais à l'étroit ! Pas que je n'ai pas de place mais autant de monde autour d'une si grande table pour un simple repas... Ce n'était pas habituel pour moi ! Les plats arrivèrent petits à petits, déposant sur leur passage une odeur qui me faisait monter l'eau à la bouche. Je me retenais d'humer à plein poumon l'odeur délicieuse de pain chaud, de sauce odorante et de légumes frais. Je m'enivrais la vue de cette abondance de plats remplis... Jamais je n'avais vu autant de plats ! Et même lors des festivités de mon village il n'y avait pas autant de choix. Je souris distraitement en voyant l'un des nombreux serviteurs servir les convives. Je les laissais déposer dans mon assiette les mets les plus fins en les contemplant, affamée. Mais je me retenais de me jeter sur mon plat, imitant les autres jeunes gens autour de cette tablée. Finalement, le roi tapa trois coups gracieux sur son verre. 

- Je tenais à vous remercier de votre présence ici. Mes enfants, voilà le premier repas que nous partagerons ensemble. J'ose espérer que ce sera le premier d'une longue liste pour la plupart d'entre vous. Et pour l'un, c'est dîner quotidien seront l'habitude d'une vie de futur monarque. Sur cela, je vous souhaite s'apprécier ce repas. 

Il porta alors une première cuillère à sa bouche et tout le monde se saisit de ses couverts. C'était le signal visiblement. Je m'apprêtais à saisir ma fourchette lorsque ... Mais lequel choisir ? Il y avait six fourchettes différents ainsi placée les unes à côtés des autres. Je restais un moment interloquée avant de me ressaisir et d'imiter mon voisin en tentant de prendre un air des plus naturels. Je saisis l'instrument délicat à pleine main et saisit un bon morceau de pommes de terre avant de l'enfourner dans ma bouche. Le gout... Magnifique ! Jamais une pomme de terre n'avait été si bonne ! Je m'empressais d'en saisir un autre morceau...et un autre.... Et pourquoi ne pas goûter cette chose violette trempant allègrement dans la sauce ?  J'en saisis une... qui retomba dans la sauce, éclaboussant la nappe d'un rose pâle délicat. Le petit bruit me fit rougir. Mon dieu... J'en avais oublié la présence des autres tellement l'appel de mon estomac m'avait détourné de toute raison. Je déglutis difficilement et me redressais. Ils mangeaient, tous, mais je remarquais maintenant les regard gênés qu'ils lançaient dans ma direction. Je baissais les yeux sur mon assiette me mordant la lèvre inférieure. Les cliquetis des couverts étaient à peine audible. Je regardais l'élégance avec laquelle ma voisine dégustait son entrée... C'est là que je réalisais l'ampleur de ce qui venait de se passer. Je m'étais moi-même offerte en spectacle à tous ces jeunes gens raffinés. Je sentis les larmes me monter aux yeux. 

Idiote, pensais-je en m'administrant des gifles mentales.  Pas question de continuer comme ça ! Je tentais de saisir la fourchette comme ma voisine le faisait. Puis, j'essayais de saisir un petit légume et... la fourchette tomba dans mon assiette avec un bruit bien sonore. Tous les regards convergèrent dans ma direction mais ils se détournèrent bien vite. Je pinçais les lèvres et déposais ma fourchette sur mon assiette. 

Les plats continuèrent à se succéder, à embaumer et à réveiller mon envie. Mais je ne bougeais pas, me contentant de les regarder et de les dévorer des yeux à défaut de pouvoir le faire réellement. Je n'étais pas capable d'élégance. Et bien je ne mangerais pas ... Je savais bien qu'une telle décision n'était pas viable mais sur le coup, cela me parut la seule chose à faire. Si je ne pouvais pas manger correctement alors je ne mangerais pas ! Et c'est ainsi que le premier repas se déroula, nouvelle humiliation d'une liste qui me paraissait désormais loin d'avoir une fin.