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Je n'avais pas pensé que ma seule sortie d'entre ses murs susciteraient un tel déchaînement. Je fus rapidement entourée de gens tentant de me parler, me toucher... Ils se bousculaient, criaient.. Soudain, un soldat de la garde se dressa devant moi, leur demandant de reculer, de se calmer, j'étais là pour eux, rien que pour eux, mais ils devaient se calmer où je ne rentrerai jamais vivante. Deux autres gardes accoururent pour lui prêter mains fortes. Je restais surprise. 

- Carlos, m'écriai-je brusquement en saisissant brusquement le bras d'un des gardes. 

Il se tourna vers moi avant de mes saluer solennellement. Je lui demandais comment il était arrivée là, depuis quand était-il garde royal ? Il sourit. 

- Je suis là pour vous protéger, Votre Majesté. Pour Laïa. 

Mon coeur se serra brusquement. Pour Laïa... 

- Permettez-moi de vous dire qu'elle serait fière de vous, Votre Majesté. Vous êtes le plus beau soleil de notre nation. Vous avez dignement entretenu sa mémoire. Où qu'elle soit, elle doit être heureuse de vous voir briller enfin aux yeux de tous comme aux siens. 

Il me salua de nouveau... Laïa... Serait-elle vraiment heureuse de me voir ainsi ? De me voir reine ? Je revoyais son ai jovial, ces grands yeux bleus plongeaient dans les miens. Notre chance qu'elle disait... Je souris tristement. Une chance... Aujourd'hui, je n'en étais plus certaine... 

Sans tergiverser davantage, j'ouvris mon sac et sortis des victuailles. J'avais pris des petites pains et le valet portait à mes côtés un plat froid tandis qu'Ewen, une capuche cachant ses traits fins, portaient des denrée également. Je m'avançais et tendis un morceau de pain en leur expliquant que c'était pour fêter le couronnement. Le silence se fit brusquement. Cette immobilité... Je ne m'y étais pas attendu. Soudain, un petite main saisit le pain et un enfant m'adressa un large sourire. 

- Merci, Votre Majesté, je meurs de faims. 

Il prit une large bouchée et je souris avant de lui ébouriffer les cheveux. Un homme s'approcha enfin, d'autres suivirent. Je me retrouvais donc à distribuer mes victuailles, serrer des mains, embrasser des enfants, essuyer des larmes, et je tentais de faire cela de mon mieux, sans me départir de mon sourie que j'espérais bienveillant. Certains me suppliaient de les sortir de cette misère. Je leur assurai que je ferais au mieux. Mais très vite, les échauffourées commencèrent. Nous n'avions pas suffisamment à manger pour les milliers de gens venus pour mon couronnement... Je me fustigeais mentalement, je n'y avais pas pensé ! Je me précipitai vers le lieu le plus proche d'où provenaient des cris. 

- Cessez, criais-je de toutes mes forces, tentant de m'interposer alors qu'Ewen me retenait par le bras. 

Je dus les sommer à plusieurs reprises de s'arrêter pour obtenir un résultat. Je m'approchais d'un jeune homme et d'une jeune femme, penauds, qui gardaient la tête baissés face à moi. Je leur demandais de se relever. Ils s'exécutèrent et me saluèrent de leur mieux. Sans réfléchir, je les morigénais. N'avaient-ils pas honte de se battre ainsi alors qu'ils étaient du même peuple ? Ne devraient-ils pas s'entraider ? 

- Vous ne le savez peut-être pas, Votre Majesté, mais la faim... Elle peut vous amener aux pires folies. 

J'en restais muette. Je n'avais pas à manger pour tous... 

- Je suis désolée de ne pouvoir tous vous donner de quoi vous sustenter, murmurais-je piteusement. Je n'ai pas de quoi vous nourrir... Je vous ai donné tous ce que nous avions... 

La jeune homme se leva alors et sortit un bout de pain de sa poche en me disant que je le lui avais donné tout à l'heure. C'est pour cela qu'ils se battaient tous les deux. Il me le tendit alors. 

- Je n'en suis pas digne, reprenez-le, s'exclama-t-il brusquement. 

J'en fus surprise et reculais. Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Il insista. Je secouais la tête. Mais il devait manger pour vivre ! Il continua d'insister et je finis par le prendre. Il avait ce regard contrit que Damien avait lorsque je le morigénais autrefois. Je souris. Et, sans attendre plus longtemps, je rompis le pain et en tendit la moitié à chacun. Ils le saisirent en souriant. 

- Je ne peux pas vous donner plus, mais je peux le partager entre vous, murmurais-je. 

J'entendis alors derrière moi la voix d'un enfant. 

- Tien, tu n'as qu'à prendre la moitié du mien, toi aussi. 

Je me retournais pour le voir partager son pain avec une vieille dame. Et brusquement, tous se mirent à donner une moitié à leur voisin, cherchant même ceux qui n'avaient pas pour rompre à leur tour le pain. J'en restais toute surprise. Ewen me chuchota que décidément, je savais y faire avec eux. Je haussais les épaules. J'avais juste voulu les aider, c'est tout. 

- Alors comme ça, il paraît que la reine est de sortie, entendis-je alors. 

Je souris en reconnaissant la voix si familière. Papa ! Je lui sautais au cou alors qu'il me réceptionnait maladroitement. Il rit en m'embrassant sur le front. Papa... Il me fit reculer pour mieux me contempler. Je voyais dans ses yeux cette fierté liquéfiée et je sentis mes yeux s'humidifier à mon tour. Il me prit les mains avec émotion. Sa fille, une reine... Je lui souris. 

- C'est étrange ma fifi... Tu es partie, tu étais mon bébé, tu m'es revenue jeune femme et aujourd'hui, je te retrouve reine. 

Il me serra contre lui. Damien râla alors que je l'ignorais et je me reculais pour le serrer contre moi à son tour. Il sourit. Je sortis alors le gâteau que j'avais précieusement emballée pour lui. Il cria de joie et le partagea avec papa et maman. Papa s'excusa alors de leur retard, ils avaient bien sûr reçu l'invitation royale mais les centaines de personnes sur les routes venues assistés à mon couronnement les avaient ralentis. Ils avaient bien cru ne jamais pouvoir rentrer dans l'église à temps. Heureusement, ils n'avait rien manqué de cet instant crucial. Je leur souris simplement, leur proposant de  rentrer au château. Damien s'écria alors qu'ils avaient visité la si belle capitale d'Ehiropa décorée pour mon couronnement. Ces yeux brillaient d'excitation et je sentis mon cœur se gonfler de joie. Il glissa sa main dans la mienne en me narrant ses découvertes tout en faisant de grands gestes. Papa renchérissait de temps en temps, Maman rappelait certains détails et Ewen expliquait la construction de la ville par ses Ancêtres. Je ne pouvais alors empêcher mon sourire de s'agrandir à chaque instant. 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant