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Je me tenais devant ma coiffeuse, simplement vêtue d'un peignoir de soi, ivoire. Je fixais intensément mon reflet... Ma peau était pâle, mes yeux profonds mais il n'y avait plus aucune trace des cernes violacés que j'avais pris l'habitude de voir sous mes orbites... Mon visage était plus rond. Mes joues creuses étaient désormais adorablement rebondies. Mon visage émacié, criant au monde la famine et la détresse des mineurs, était devenu la preuve de l'abondance manifeste du palais royal.

Je pris une profonde inspiration. Ce n'était pas le moment de penser à cela. Mes entrailles se tordaient à l'idée de l'importance que revêtait cette soirée... J'y jouais l'avenir de tout un peuple...Je déglutis difficilement. 

La porte s'ouvrit avec fracas et le prince fit son entrée. Par pure réflexe, je croisais les bras sur ma poitrine, consciente d'être bien peu habillée.  Ewen me sourit et introduisit une grande rousse dans la pièce... Elle portait de petite lunette dorée qui s'accordait parfaitement à sa robe gris perle. L'inconnue me sourit avec bienveillance. 

- Madame Lefrançois, je vous présente Magnificence Daubriac. Je vous la confie. Elle doit resplendir tout particulièrement ce soir. 

Son ton était ferme, royale. Je dévisageais sans retenue la nouvelle venue. Ces yeux verts me détaillèrent en retour. 

- Je suis enchantée, déclarais-je finalement, alors que la jeune femme plongeait dans une révérence gracieuse. 

Ewen m'adressa un clin d'œil en déclarant qu'il s'agissait de la plus grande styliste de la capitale et que, la future reine méritait le meilleur. Je secouais la tête, un demi sourire sur les lèvres, le cœur battant plus fort dans ma poitrine. Madame Lefrançois incita le prince à quitter les lieux avant de se tourner vers moi. Elle me sourit en passant ses doigts squelettiques dans mes cheveux sombres. Ses yeux brillaient, pleins de promesses. Je souris en fermant les yeux... J'étais en confiance.... 

La rouquine s'activa longuement pour un résultat qui m'éblouit. J'étais.... Vraiment belle. Je sentis ma gorge se nouer... Papa... Damien... Ils auraient tellement aimer me voir dans une telle tenue, me contempler, me soutenir ! Et moi aussi ! Je me sentais brutalement au bord des larmes... La robe d'un bleu très clair me ceintrait la taille, accentuant ma silhouette menue. Mes cheveux relevés étaient ornés d'un diadème des plus élégant... Je posais mes doigts sur mon reflet... Fifi ?! ... 

Je secouais la tête et papillonnais des yeux pour ravaler mes pleurs. Le temps des larmes était révolu ! Magnificence prenait son destin en main ! Je me fixais à travers le miroir, déterminée, avant de détourner la tête. 

J'étais prête ! 

Madame Lefrançois fit entrer Ewen et je lui souris sincèrement. Il ouvrit de grands yeux et je me mordis la lèvre inférieure. 

- Vous... Vous êtes... 

Il déglutit avant de reprendre, cessant de bégayer. 

-Vous êtes merveilleuse... mademoiselle Daubriac. 

Mademoiselle ! Je ne dis rien, me souvenant parfaitement de lui avoir demandé lors de notre première entrevue réelle de ne jamais m'appeler "mademoiselle" par pitié... 

- Tu es belle, Magnificence, chuchota-t-il en s'approchant pour me prendre la main. Tu es parfaite. 

Il m'embrassa sur le front. Le contact de ses lèvres me surpris et je serrais davantage sa main dans la mienne... Mes yeux se fermèrent un cour instant alors que ma respiration se stoppa nette. 

- Nous y allons, demanda-t-il. 

Je hochais la tête et c'est main dans la main que nous gagnâmes la salle de réception. Je le laissais me guider... 

Je nous stoppais. Je tournais sur moi-même. C'était là... A cet endroit précis que j'étais arrivée la première fois, apeurée, honteuse... Je me baissais, dans un état second, et posais mes doigts sur le sol froid... ICI. Je tentais de maîtriser mon rythme respiratoire qui s'emballait, près à jouer les sprinteurs. Je me redressais soudainement et époussetais ma robe. Je n'étais plus la même. 

- Tu vas bien, me souffla la voix du prince, pleine de compassion. 

Je hochais ferment la tête et m'approchais des hommes sensés m'annoncer. 

- Annoncez Mademoiselle Magnificence Daubriac, déclarais-je d'une voix plus ferme que je ne l'aurais cru possible de toute ma vie. 

- Assurément, murmura-t-il avec déférence, plongeant littéralement dans une révérence approfondie. 

Je me détournais de cet homme, que j'aurais reconnu entre mille pour son air hautain et méprisant à mon arrivé, pour me focaliser sur la salle de réception que j'apercevais déjà en contrebas. Je souris... Quelques marches et j'y serais... Mais je n'avais plus rien du petit agneau dans la fausse au loup, maintenant, j'étais capable de hurler avec leur élégance, moi aussi. Je descendis la première marche et... 

Son bras ?! Il n'était plus sous le mien... Son contact rassurant venait de m'être enlevé... Je me tournais vers lui, restait sur le pallier... Il me contemplait fièrement. 

- Vous ne venez pas avec moi, demandais-je alors que je sentais la panique monter. 

Le prince secoua la tête avec un petit sourire. 

- Vous n'avez jamais si bien porté votre nom, Magnificence. Il est temps de leur montrer car ce soir, c'est votre entrée. 

Je déglutis difficilement, la gorge brutalement devenue sèche. Mon entrée... Je fermais les yeux alors que mon cœur battait fort dans ma poitrine... Il était temps. 

Je descendis les marches comme dans un rêve, concentrée et heureuse. Je me tenais seule face à eux tous mais... La vérité, c'est que je n'avais jamais était seule. Je portais avec moi toute ma caste, prête à la défendre et à la montrer comme elle était. Fière et méritante ! Une caste de mineurs ! 

Dès que mon pied toucha le sol de la salle de réception, je me trouvais encerclée par un essaim de courtisans, commentant ma tenue, me félicitant pour mon bon goût, simplement prêts à tout pour obtenir mes faveurs. Je tentais de les contenter lorsqu'Ewen arriva, les faisant fuir d'un signe de la main. Je le remerciais. Il me sourit. 

- N'oublions pas notre objectif, nous rappelais-je à demi-voix. Nous avons invité les grands propriétaires des mines du pays afin de les sensibiliser à la misère des mineurs. Mais nous ne devons pas oublier qu'il s'agit surtout d'hommes à la botte du roi qui se contentent d'exécuter ses ordres. Notre principal objectif reste donc Sa Majesté. Mais avec un peu de chance, dès aujourd'hui, quelque chose pourrait changer. 

Il hocha la tête. Aujourd'hui, quelque chose allait changer, j'en étais certaine ! 

Suivant mon plan, j'abordais les propriétaires et me montrais aimables. Certains me regardaient avec mépris, d'autres, avec admiration... Je devais commencer par la deuxième catégorie ! Eux, seraient plus enclin à m'écouter en début de soirée... Cibles verrouillées ! 

Après une longue discussion avec Monsieur Talbot et Monsieur Derozerais, ainsi qu'une très longue valse avec un gentil danseur dont j'avais oublié le nom, je fus alpaguée par Aimée-Rose qui m'entraîna dans un coin. 

- Les colombes, chuchota-t-elle. 

- Comment..., commençais-je. 

Mais Ewen m'informa qu'il l'avait mise sur le coup, elle avait des informateurs partout. Nous la suivîmes donc plus loin. 

- Ils ont écris à ton père. Il a reçu leur lettre il y a deux jours. Je n'en sais pas plus. 

Elle avait tout débiter d'un trait, surveillant les alentours du coin de l'oeil. Le prince nous fit signe de le suivre. C'est avec surprise que je le vis nous guider dans la bibliothèque. Il souleva une plaque de lambris et une trappe s'ouvrit dans le sol. J'en restais pantoise... 

- C'est le bureau secret de mon père, expliqua le jeune homme comme s'il s'agissait d'une évidence. 

J'en restais comme deux ronds de flan... Un bureau secret ?! Incroyable ! C'est d'une pression dans le bas de mon dos que le prince m'invita à descendre. Je lui agrippais la main... Je devais avouer que les découvertes à venir me faisaient peur.... 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant