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Assise dans la bibliothèque, près du prince, je lisais un petit livre d'un auteur qui m'était totalement inconnu. Il parlait de politique et me plaisait beaucoup par les valeurs qu'ils transmettaient. 

- On a progressé dans les sondages, s'exclama brusquement son Altesse royale en couvrant mon ouvrage de son magazine. 

J'y jetais un coup d'œil intéressée. Ah...C'est fameux sondages ! Ils avaient lieux toutes les semaines et à chaque nouveau résultat, le dernier était éliminé de la course au trône. Drastique ! Étonnement, les semaines passaient et je restais encore et toujours en lice... 

Je regardais les photos s'étalant sur la double page du centre du magazine. On m'y voyait à une remise de prix, auprès d'orphelins, à une inauguration... Je multipliais les apparitions publiques, les photos, les sourires, les robes... Je scrutais mon visage. Je n'avais plus rien de la jeune fille introvertie et pleurnicharde, de la pauvrette... Je ne me serais même pas reconnue ! Mon cœur se serra face à cette constatation... Où es-tu, Magnificence, me demandais-je à moi-même. Je passais le doigt sur mon image... Était-ce réellement moi ? ... J'étais comme étrangère à moi-même... 

- Je viens de dépasser Aimée-Rose, sourit-il. Ecoute, "Le prince en titre vient de dépasser en popularité la princesse de La Rochefoucauld. Son atout principal semble, avec étrangeté, résider en la personne de Magnificence Daubriac. Il a tant fait pour elle, c'est comme un tuteur, peut-on entendre de la bouche des uns. Il n'est pas prétentieux et à le cœur d'aider une autre à lui prendre son trône, a-t-on déjà vu cela, s'exclament les autres."

Il me sourit. 

- Je passe devant "la bonne samaritaine", rit-il. 

Je lui souris simplement. Je n'appréciais pas quand il utilisait le surnom dont l'avait affublé ses détracteurs mais il aimait le rappeler. Aimée-Rose était populaire parce qu'elle se souciait réellement des plus pauvres. Avant même de se présenter au Choix, elle descendait dans la rue pour nourrir les affamées... D'où le sobriquet ridicule ! 

- Notre stratagème fonctionne à merveille, déclara-t-il en récupérant son magazine. 

Je me figeais... Notre stratagème ? ... Mon sourire s'effaça lentement alors que les mots s'imprimaient dans mon esprit. Stratagème... N'était-ce que cela finalement ? Une stratégie ? Pas une amitié, non, une stratégie ?! Je sentais les larmes me monter aux yeux alors qu'un douleur sourde se développait dans ma poitrine. L'horrible expression tournait en boucle dans ma tête, détruisant le bouclier de mes certitudes. Après tout ce que nous avions fait... Stratagème ! Après tant d'effort.... Stratagème ! Après avoir partagé tant de choses ... Stratagème... Après...STRATAGÈME ! Je me mordis violemment la lèvre en contemplant l'air passif du prince, plongé dans sa lecture. Il était aveugle au cataclysme que ses mots venaient de provoquer en moi. Je voulais hurler de douleur. 

- Ne sommes-nous pas amis, demandais-je finalement, d'une voix passant du désespoir à la colère en passant malheureusement par le gémissement. 

Il leva enfin ses magnifiques yeux clairs sur moi... 

- Ne posez pas de questions stupides, rétorqua-t-il en levant les yeux au ciel. 

Ah ! Maintenant j'étais un stratagème stupide ! De rage et de désespoir, je poussais en cri aigu avant de quitter la pièce, sous le regard ébahi de tout le monde, et du prince compris. 

De manière surement prévisible, c'est dans les écuries que je trouvais refuge. Assise sur le fumier dans le box d'une jument sombre, je ruminais ma colère. Mais qu'as-tu bien pu croire ma pauvre Fifi, me giflais-je mentalement. Une amitié avec le prince ! Dans quel monde vis-tu ? Tu n'es sûrement pas assez bien pour sa royale altesse ! Je jetais une poignée de foin par terre avant d'un saisir une nouvelle et de réitérer le même manège. Pourquoi cela me faisait-il si mal ? Quelqu'un pouvait-il me l'expliquer ? Et c'est ce qui m'énervait le plus ! Je m'énervais d'être énervée et déçue par son comportement... Énervant ! Je soufflais lorsque soudain j'entendis mon nom être crié. C'était sa voix. Dans les écuries. Mon cœur fit un bond et je me fis la plus petite possible. Les pas se dirigèrent directement vers ma cachette et son visage m'apparut. Il me sourit. 

- Trouvé, s'exclama-t-il comme un enfant jouant à cache-cache. 

Je ne souris même pas. Il soupira et vint près de moi. A ma grande surprise, il s'assis à même le sol. Je le dévisageais. Le prince s'était assis dans le crottin... Il me regarda simplement. 

- Qu'as-tu, chuchota-t-il en me prenant la main, je ne comprends pas.

Je retirais ma main de l'étreinte chaude des deux siennes. Je ne voulais pas qu'il soit comme cela avec moi. 

- Nous ne somme pas amis, dis-je sur un ton amer comme pour le tenir éloigné.  

Il me regarda et pris mon affirmation pour une question. 

- Je vous ai déjà demandé de cesser vos questions stupides, soupira-t-il à son tour. 

Je secouais doucement la tête. 

- Est-ce seulement si difficile pour vous de penser que nous pourrions être amis, me lamentais-je tout en m'agaçant.  Et notez que j'ai dit "pourrions" car je suis totalement consciente que ce n'est pas le cas et... 

Il éclata brusquement de rire ce qui me vexa davantage. Je me fustigeais mentalement devant l'air affligé que devait arborer mon visage. 

- Alors c'était ça ! 

Il saisit fermement mon visage entre ses deux mains. Leur chaleur se propageait dans chaque pore de ma peau... 

- Me demandez si nous sommes amis est stupide, Magnificence, pour la simple raison que si ce n'était pas le cas, je ne m'assiérez pas dans un box remplis de crottins simplement parce que vous y êtes. Je ne suis pas passionné par les détails scatologiques, je suis intriguée par vous. 

Je restais silencieuse face à cette révélation. Le prince se redressa et me tendit la main pour m'aider. Je la saisis, le rouge aux joues. 

- D'ailleurs, puisque vous semblez douter de notre amitié, ce que je trouve en soi vexant, je vous propose de m'appeler Ewen, lorsque nous somme seuls. En société, cela resterait malheureusement inconvenant. 

J'en étais totalement abasourdie. Il voulait que je l'appelle ... Ewen ?! 

- Euh... Vous êtes d'accord, me demanda-t-il, brusquement hésitant. 

Je hochais doucement la tête. 

- Oui, .... Ewen, soufflais-je en savourant la prononciations des syllabes de son prénom comme on savourerait un met délicat et rare. 


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