Souffle la liberté

30.

Je m'avançais sur le plateau. Les spectateurs étaient installés dans les gradins et sur le plateau lumineux, se trouvait un homme en costume strict, bleu. Il arborait un sourire avenant et m'accueillit par un baise main. Je souris timidement. D'un geste, il m'invita à prendre place dans un fauteuil en cuir rouge à ses côtés. Je m'exécutais en essayant de ne pas paraître trop maladroite. 

- Alors, c'est vous, l'inconnue du château, l'inconnue du Choix ou l'inconnue du peuple, me demanda-t-il avec un sourire. 

Je me demandais si c'était vraiment une question. Mon coeur battait fort et je pris quelques secondes pour me rendre compte que c'était à moi de parler ! 

- Euh... 

Je me raclais la gorge. 

- Je suppose, finis-je par déclarer, piteusement. 

Il parut déçu par ma réponse et je rougis. 

- Détendez-vous, mademoiselle Daubriac, reprit-il en me tendant un verre d'eau. 

 Je le saisis d'une main tremblante mais n'en bus pas une gorgée. Me détendre ? Il se croyait drôle, lui ? Comment pouvais-je me détendre, ici, sur ce plateau, alors que j'étais scrutée par tout un peuple ! 

- Pouvez-vous, vous présentez brièvement, me demanda-t-il. 

- Oui, bien sûr. Alors... euh... 

Je ne savais pas quoi dire. Je fouillais désespéramment dans mes souvenirs quelque chose qui pourrait me résumer, mais rien ne venait ! Je me sentais vide... 

- Vous devriez commencer par votre nom, me fit-il remarquer avec un sourire contrit. 

Un rire secoua l'assistance. Cela me glaça. Je me mordis la lèvre et tournais la tête vers le prince,assis au premier rang. Il me fit signe de parler, de développer. Je reportais mon attention sur le présentateur. 

- Vous avez raison, tentais-je de sourire. Je m'appelle Magnificence Daubriac, j'ai 18 ans et je suis désormais candidate au Choix. Je viens de la caste des Gris Anthracites, donc des mineurs. Avant de venir ici, je descendais dans les mines pour extraire du charbon. Et vous, vous pourriez vous présenter ? 

Un nouveau rire.Je me tournais de nouveau vers Son Altesse. Il arborait un petit sourire et hocha la tête pour me dire que j'étais dans la bonne direction. Le présentateur rit. 

- Tout le monde me connait, habituellement, s'esclaffa-t-il.  

Je le regardais, surprise. Tout le monde ? Je rougis, encore. Je venais de montrer l'étendue de mon ignorance. Il se présenta comme Magnus Fidge, le présentateur de "Bienvenue à Ehiropa" depuis 20 ans. Je lui tendis ensuite la main, avec un sourire, en déclarant que j'étais enchantée de le rencontrer. Il fut pris au dépourvu et s'esclaffa en me serrant la main. 

- Moi de même, mademoiselle, moi de même, s'exclamait-il en me serrant vigoureusement les doigts. 

Il y eut de nouveaux rires mais je ne ressentis plus l'agressivité de la première fois. C'étais différent.... Bienveillant ? Pas tout à fait... En fait, je ne savais pas vraiment quelle émotion était traduite par ce rire, spécialement calme, mousseux, et déferlant doucement autour de nous. Le prince semblait ravi, il souriait et articula "bien" de manière silencieuse. Cela me détendit un peu. C'était pas trop mal pour l'instant.. Et presque agréable.... 

- Il paraît que vous vous êtes sauvée devant le prince d'Asianie alors qu'il vous invitait à danser, auriez-vous une raison à nous donner, demanda-t-il. 

Oups... Tout semblait désormais glissant autour de nous. Et j'allais tomber en beauté... Je rougis. Je sentais la foule assise très attentive à mes futurs justifications. Je pris une profonde inspiration.