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Cela faisait plusieurs jours que le renvoie d'Alice avait été officiellement prononcé. "La grande clémence de sa Majesté...", j'en étais dégoûtée. C'était par pur égoïsme que la jeune fille avait été sauvée ! Et cela me révoltait ! Pourtant, je ne pouvais rien faire... C'était désolant ! 

Je descendis dans les cuisines pour voir la jeune Alice et Gauzeline. L'apprentie cuisinière partait aujourd'hui. Elle n'avait nulle part où aller... Personne ne voudrait plus l'embaucher ! Je les rejoignis derrière les cuisines où une voiture attendait. Alice ne pleurait pas mais toute sa peine et sa peur était visible dans la posture de son corps. Gauzeline la serrait dans ses bras. Quand elle me vit, elle m'adressa un pâle sourire. Alice monta dans la voiture après nous avoir adressé un petit signe de la main. 

- C'est la fille de ma sœur, morte lors de l'accouchement, une hémorragie, pleura la cuisinière en me saisissant l'avant bras. Que va-t-elle devenir maintenant ? Je devais la protéger... 

La voir ainsi me fit mal. Mon cœur se serrait jusqu'à en devenir douloureux.... Les larmes me venaient... Aimée-Rose disait qu'avec un peu de chance, elle mendierait dans les rues... 

La voiture s'éloignait sans-même avoir de destination et la jeune fille de 18 ans, comme moi, partait subir un futur tout aussi inconnu. Je serrais les poings et brusquement courus pour rattraper la voiture. 

- Arrêtez, hurlais-je. Arrêtez. 

Je faisais de grands gestes. Finalement, l'automobile se stoppa et le chauffeur vint me trouver en râlant. Je l'ignorais pour courir vers la portière que j'ouvris en grand pour faire ressortir l'adolescente. Pas question qu'elle parte ainsi ! Je rentrais avec elle dans les cuisines et la fit asseoir alors que je me laissais tomber sur une chaise également. 

- Oh, mademoiselle, s'écria Gauzeline, vous allez encore avoir des ennuis avec le roi ! Vous ne pouvez pas.. 

Je haussais les épaules. 

- Et si je la cachais dans ma chambre, proposais-je sans beaucoup d'espoir. 

- Vous êtes insensée, me répondit quelqu'un dans mon dos. 

Je fis volte-face pour me trouver face au prince. Il me toisait sèchement, avec un air blessé et méprisant. Les bras croisés, le regard dur, il était appuyé contre la porte des cuisines. Je pinçais les lèvres. 

- Qu'elle remonte en voiture immédiatement, ordonna-t-il. 

Je me relevais pour me placer devant elle, écartant les bras, la protégeant de mon corps alors que le blond s'approchait, menaçant. Je refusais de bouger alors qu'il me saisissait violemment le poignet. 

- C'est quoi votre problème, m'écriais-je en le frappant de toutes mes forces pour qu'il me lâche. 

Il se recula, offensé par ma question brutale. Je n'y avais certainement pas mis les formes, énervée par son comportement. Depuis plusieurs jours, il avait ce regard qui me mettait hors de moi, ce comportement navrant... Je croisais les bras à mon tour et nous nous toisâmes avec colère. Mais où était le problème ? 

- Vous êtes sensés être de mon côté, gronda-t-il, fâché lui aussi. C'est MA mère qui est la victime ! 

J'en fus estomaquée. De son côté ? C'était quoi cette blague ? 

- Je ne comprends pas, balbutiais-je, réellement ébranlée. 

Il leva les yeux au ciel, froissé. Les traits de son visage était fermé comme jamais je ne les avais vu. Durs, implacables... 

- MA mère a manqué de mourir à cause de cette jeune fille, et vous, vous devriez comprendre que nous ne pouvons pas laisser cela impuni. Mais comme toujours, il faut vous faire remarquer, mademoiselle la bonne samaritaine qui pardonne. MA mère aurait pu mourir, qu'attendiez-vous de moi ! Que je la remercie ! 

Il faisait de grands gestes alors que sa colère éclatait. J'en restais sans voix. 

- Votre mère n'est pas morte, tentais-je de le calmer. Elle.. 

Il secoua la tête. 

- Elle aurait pu, mademoiselle Daubriac, elle aurait pu, crâcha-t-il. 

Je voyais la douleur dans ses traits et cela me frappait. Mon cœur battait fort... 

- Et même si c'était le cas, qu'est-ce que ça changerait d'exécuter Alice, murmurais-je d'une voix que je souhaitais apaisante. 

Derrière cette complaisance affichée, je contenais une colère et une douleur sourde qui me vrillait l'estomac. Derrière cette voix apaisant se trouvait un ouragan contenu difficilement par des stratagèmes compliqués à gérer. 

- J'aurais obtenu justice, fulmina-t-il. 

Cela me mis hors de moi. Alors c'était çela la justice pour lui ? Oeil pour oeil, dent pour dent, mort pour mort ?Je saisis le couteau abandonné sur le plan de travail derrière moi et me jetais sur lui. Il bascula en un cri. Je me trouvais désormais assise au dessus de lui, furieuse, appliquant brutalement contre son cou la lame de mon arme. Il déglutit difficilement alors que toute sa détresse et son étonnement se lisaient dans ses yeux. Mes mains tremblaient. 

- Magnificence, tenta-t-il en posant sa main sur la mienne, ne...ne vous mettez pas dans un état pareil, il... 

L'image de Laïa, morte, ses yeux sans vie, hantait désormais mon esprit. 

- Si je vous tue, demandais-je alors que des larmes coulaient sur mes joues, est-ce que cela fera revenir Laïa ? 

Il se tut, éberlué. Puis, il caressa doucement ma main armée de son pouce. 

- Je n'ai pas tué Laïa, chuchota-t-il. Magnificence... 

- Silence, hurlais-je, complètement hors de contrôle pour moi-même. Vous êtes responsable car vous faîtes parti de ceux qui ont décidé que sa naissance la condamnait à la mine, à un travail harassant, à la mort dans ce coup de grisou... VOUS ETES RESPONSABLE ! 

Je sentis une main sur mon épaule mais c'était une perception presque imperceptible à travers le brouillard de mon esprit. J'étais énervée, j'étais attristée, j'étais rageuse...j'étais vengeresse !  

- Alors, Votre Altesse, insistais-je alors que les larmes dévalaient la pente de mes joues maquillées pour tomber sur le costume du prince, est-ce que si je vous tue, aujourd'hui, elle reviendra ? 

Je fermais les yeux et me mordis la lèvre inférieure pour contenir les sanglots qui menaçaient de m'emporter dans leur tourbillon salé. Je pris une profonde inspiration avant de me redresser, de jeter le couteau aux pieds du prince qui s'asseyait difficilement. J'essuyais mes larmes d'un revers de la main brutal avant de tirer Alice et Gauzeline dans mes appartements. J'avais un problème à régler. Et j'en avais désormais la solution. 



Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant