10.

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Le Grand Jour. L'enterrement. C'était aujourd'hui. Je portais une robe noire et marchais au milieu de ma famille vers le cimetière. Je n'avais pas retrouvé le collier. Il fallait dire que je ne l'avais pas beaucoup cherché. Je ne le porterais pas ! Papa me tenait la main pour m'assurer son soutien. J'avais la démarche hésitante d'un zombie. La cérémonie se passa au ralentie, comme dans le brouillard. La cercueil alla trouver sa place sous la terre. Et lorsqu'on me demanda de dire quelques mots, je restais totalement silencieuse. Que devais-je dire que nous ne savions pas déjà ? Je n'étais même pas capable d'articuler le moindre mot. Alors que tous partait, je restais immobile devant la pierre tombale. Mon père m'embrassa affectueusement sur la temps avant de me laisser seule.

- Pardonne moi d'avoir dit que je te détestais, chuchotais-je.

C'est la seule chose que je dis. Je restais immobile et silencieuse à contempler d'un air absent la stèle de granit. Je me sentais vide depuis la crise de larmes quelques jours plus tôt. J'aurais aimé pouvoir détester Laïa pour avoir fait de moi son ombre... Mais je ne pouvais pas car cela m'avait tellement arrangé jusqu'ici. Et puis, j'avais été totalement consentante. D'un autre côté, je voulais la détester pour m'avoir abandonnée... Car une ombre sans corps n'existait pas... Sans elle je n'étais rien. Et j'avais bien été forcée de le réaliser. Mais la vérité c'est que j'avais aimé Laïa, comme une sœur. Et que je préférais tellement ne rien ressentir plutôt que d'être dévastée par la douleur de sa perte couplée avec la nostalgie, l'amitié et la colère. Tous ces sentiments contradictoires m'avaient laissé vidée de toute énergie. J'étais vide.

- Il faudrait rentrer maintenant, il pleut, fit remarquer une voix à mes côtés.

Je tournais la tête avec une lenteur exaspérante. Je n'avais même pas sentis la pluie, perdue dans la sécheresse de mon intériorité. Travis déposa une veste sur mes épaules.

- Allez, viens, murmura-t-il en m'entraînant par les épaules.

Je le suivis mollement. Il me guida vers la sortie du cimetière. Soudain, il se stoppa. Il me fallut deux bonnes minutes pour le réaliser et deux autres pour le regarder. Pas avec surprise, non, juste le regarder, sans réaction particulière.

- Tu te souviens du jour de notre rencontre, me demanda-t-il subitement.

Je plongeais mon regard las dans ses grands yeux inquiets. J'avais l'impression de voir la scène se rejouer dans la couleur claire de ses prunelles. Travis prit mon visage entre ses mains. Nos nez était si proche qu'ils se touchaient presque. Nos souffles se mélangeaient et je sentais l'haleine mentholé du jeune garçon me caresser la peau.

- J'avais promis que je te protégerai, tu te souviens ?

Je hochais simplement la tête. Oui, je m'en souvenais. Comment oublier ?

- Je tiendrais cette promesse, Fifi, assura-t-il. Toujours.

Il déposa un baiser sur mon front et je mes yeux s'agrandirent de stupeur quand ses lèvres entrèrent en contact avec ma peau glacée. Mes lèvres formaient un "oh" muet. Il me sourit avant de m'entraîner vers la sortie du cimetière. Nous marchâmes en silence vers chez moi. Son bras était passé autour de ma taille et il me soutenait nonchalamment.

Une voiture luxueuse et brillamment nettoyée était stationnée sur le chemin. L'homme en sortant semblait totalement perdue. Nous voyant arriver, il se précipita vers nous.

- Excusez-moi mais je vous prie d'avoir l'obligeance de m'aider !

Travis et moi nous regardâmes, complètement estomaqués. Personne ne parlait comme cela ici, surtout à des personnes de notre caste. L'homme avisa nos foulards gris anthracite autour de nos cous et pinça légèrement les lèvres.

- Vous voulez ....

Il soupira.

- Je crains ne pas trouver mieux que vous ici, déplora-t-il avec un regard de mépris sur nos foulards.

Ah ! Voilà une attitude plus courante... Je notais son foulard couleur acier.

- Je cherche Mademoiselle Dauriac, la connaissez-vous ?

J'ouvris de grands yeux hébété. Il cherchait... Impossible !

- Oui, je la connais, dis-je avec un air des plus surpris. C'est moi.



Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant