22.

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J'avais fini par me coucher et trouver le sommeil après avoir sagement avalé ma soupe. Et ce fut un claquement de porte qui me réveilla en sursaut. Je me redressais et... Non ! Je me frottais les yeux pour être sûre de ne pas halluciner... Il était devant moi, dans ma chambre de si bon matin, le prince d'Ehiropa ! Un couinement surpris m'échappa et il sembla rougir. 

- Je... Pardonnez-moi, j'ai frappé mais personne ne répondait... Et vous ne devriez plus être au lit à cette heure... Je... Je vous attends dehors ! 

Il ressortit précipitamment comme s'il venait d'être témoin de quelque chose de terrible, peut-être même d'incestueux. Je me levais rapidement, jetant mes couverture au bout du lit et courant vers la salle de bain. Sans vraiment réfléchir, je me préparais et enfilais un pantalon et un tee-shirt, un vêtement banal dans la caste des Anthracites. Je frappais trois petits coups à la porte et il revint. Il me détailla des pieds à la tête et fronça le nez. 

- Vous ne pouvez pas sortir comme ça, déclara-t-il. Ou est votre suivante ? 

Je haussais simplement les épaules. 

- Je met ce que je veux, rétorquais-je, vexée devant ce froncement peu flatteur. 

- Mademoiselle Daubriac, cela ne siait en rien à votre rang, s'offusqua-t-il. Vous représentez la patrie et vous avez par conséquent le devoir de vous habiller correctement ! De cela dépendra l'image de nos ennemis et de nos alliés ! 

- Oh, n'exagérez pas, me rebiffais-je. Tout le monde se fiche de ma tenue ! 

Il leva les yeux au ciel. 

- Détrompez-vous, tout le monde regarde votre tenue ! Les journalistes vont la détailler, les jeunes femmes se l'arracher, les petites filles l'admirer et vos ennemis vous jalouser ! C'est un détail qui peut vous attirer la sympathie comme la haine ! Une reine mal apprêtée incarne un pays mal tenue, désordonné ! Vous devez être votre pays, Vous devez vivre votre pays, le sentir couler dans vos veines, peupler vos rêves et vos aspirations,  Mademoiselle Daubriac ! 

J'en restais coi. Il y avait une telle passion dans sa voix. Il le vivait lui, son pays. Cela se sentait dans les vibrations de ses cordes vocales qui vous prenez aux tripes quand il parlait de son pays, son avenir... 

- Ce n'est pas ce que je veux, rétorquais-je. Je me fiche du pays ! Je voulais une éducation, apprendre pour rentrer chez moi et offrir un avenir meilleur à ma famille, à mon petit frère, à ma mère et à Papa ! Vous n'avez qu'à le garder, vous, le trône, si vous voulez vivre votre pays ! Moi je veux vivre une vie meilleure, ça n'a rien à voir avec le pays ! 

Il hocha la tête et posa ses mains sur mes épaules. Je les regardais avant de lever les yeux vers lui. 

- Je vous apprendrais, alors, dit-il. 

J'ouvris de grands yeux surprise. Lui ? Le prince ? Il sourit devant mon air éberlué. 

- Ne soyez pas si étonnée, s'exclama-t-il. Puisque vous ne rêvez pas de me dérober ce pour quoi je vis depuis mon enfance, alors vous n'êtes plus une concurrente. Dans ce cas, je peux vous aider. Mais il faudra faire ce que je vous dit ! 

Je hochais la tête, simplement. Je ne voulais plus être ridicule. Je voulais toucher le savoir du bout de mes doigts. Je souris en pensant aux livres que je pourrais dévorer et la lettre que j'enverrais à ma famille ! Oui, j'allais leur écrire, moi-même ! Moi-même ! J'avais envie de danser de joie. 

- Si vous voulez, en échange, je vous apprendrez ce que je sais, moi, lui proposais-je, pleine de joie. 

Il pouffa. 

- Ne soyez pas idiote, qu'auriez vous réellement à m'apprendre, rit-il en me tapotant la joue. 

Je le foudroyait du regard. Il n'avait pas perdu son arrogance. D'un pas décidé, il se dirigea vers mon dressing et y farfouilla un moment. Je m'approchais et le regardais, deux robes à la main, semblant réfléchir à celle qui conviendrait le mieux. 

- Je présume que vous ne montez pas en amazone, demanda-t-il sans même lever les yeux vers moi. 

Je ne pris même pas la peine de répondre. Poser cette question était stupide. J'entrais dans le dressing à mon tour, saisis un robe mauve que je trouvais plutôt élégante et gagnais la salle de bain pour l'enfiler. Je ressortis et le prince était toujours dans le dressing. Je levais les yeux au ciel. 

- Vous venez, m'impatientais-je en m'appuyant de tout mon corps sur l'embrasure de la porte. 

Il releva les yeux vers moi et garda un moment le silence. Je haussais les sourcils. 

- J'arrive, chuchota-t-il. 

J'attendis quelques minutes. 

- Alors pourquoi vous ne bougez pas ? 

Il secoua la tête. 

- Vous avez raison, déclara-t-il en reposant enfin les robes. 

Il quitta mon dressing et me prit le bras. Il enroula mon bras droits autour du sien et positionna mes doigts de manière délicate. Il me regarda intensément, l'air de me demander si j'étais prête. Je hochais doucement la tête et c'est le cœur battant la chamade que je descendis les escaliers au bras du prince. Il s'arrêta sur le pallier d'où nous dominions le reste des candidats du Choix. Nous étions en retard. 

- Voilà, le prince, entendis-je. 

Les regards se fixèrent sur nous et le silence se fit. Tous nous regardait sans rien dire, la bouche entrouverte et l'air hagard. Inconsciemment, je me rapprochais du prince. Il amorça sa décente et je suivis avec maladresse. Aujourd'hui, les choses commençaient vraiment. 






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