9 - Rencontre avec les parents

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Je regardai mon téléphone. Il était midi moins cinq. Ma valise était bouclée, il n'y avait plus qu'à attendre. Assise sur le rebord de mon lit je décroisai et recroisai les jambes à répétitions pour refouler le stress qui m'envahissait de plus en plus. Lorsque je m'étais réveillée ce matin, c'était comme si je m'étais enfin rendu compte de l'étendue de la stupidité de ce pari.

Frazer ne m'avait même pas appelé. Ma mère était convaincue que je partais pour donner des cours. Julie tenait à tout savoir dans les moindres détails. Mais dans quoi donc m'étais-je engagée ?

Le carillon de la sonnerie retentit tout d'un coup et je me levai d'un bond. C'était maintenant. J'avais encore le choix. Je pouvais tout plaquer et décider que je n'y allais pas. Rester chez moi. Vivre un été paisible avec ma meilleure amie et les séries télévisées.

Ou partir à l'aventure. Prendre des risques. Allez chez Frazer. J'avais encore le choix. Mais le choix avait été fait depuis déjà bien longtemps. Depuis que j'avais tiré les dés.

Je descendis dans l'entrée, tirant ma valise derrière moi, mis mes sandales et rejoignis ma mère qui discutait avec les parents de Frazer. Je ne les avais jamais vu, c'était la première fois que je les rencontrai.

Mme Ponti était grande et élancée avec des cheveux chocolat et une beauté remarquable. Incontestablement, Frazer avait hérité sa beauté de sa mère. Son père en revanche était un peu plus trapu. Il portait un costume trois pièces gris et noir qui lui donnait un air rigide et ne le rajeunissait certainement pas.

Quand elle me vit, Mme Ponti me claqua la bise sur les deux joues avant de m'adresser dans un grand sourire :

- Lucie, quel plaisir de te rencontrer. Frazer ne m'avait pas dit que tu étais aussi jolie !

C'est parce qu'il ne me trouve pas vraiment belle, voulus-je répondre. Au lieu de quoi, je me contentai de répondre :

- C'est infiniment gentil de votre part de m'héberger cet été. Par ailleurs, où est Frazer ?

- Il avait un impératif, expliqua Mr Ponti. Il nous rejoindra à l'aéroport.

Sa femme leva les yeux au ciel. Intéressant. Je me demandai quel genre d'impératif Frazer pouvait bien avoir mais je n'eus pas l'audace de demander plus d'informations. Par contre, ce que je savais, c'est que j'allais passer une heure et demi en voiture, seule, avec ses parents... Ça, ce n'était pas très cool.

Après quelques minutes de conversation futile, nous décidâmes tous d'un accord tacite qu'il était temps de partir. Je serrai ma mère dans mes bras tandis qu'elle me murmurait quelques dernières recommandations et règles de politesse que je ne devrais pas oublier là-bas. De toute façon, j'avais une feuille dans mon sac qui récapitulait tout.

Mr Ponti mis ma valise dans le coffre et je montai à l'arrière, franchement mal à l'aise. J'allais tuer Frazer dès qu'il arriverait.

- Alors Lucie, commença Mme Ponti alors que nous roulions, es-tu déjà allez en Croatie ?

- Non madame, répondis-je, c'est la première fois ! Je suis très contente d'avoir cette opportunité.

- Oh ! s'esclaffa-t-elle, tu peux m'appeler Valérie. Et pas besoin de me vouvoyer, ça me fait me sentir vieille.

- Noté, Valérie.

- Et puis, ajouta-t-elle, c'est nous qui te remercions. Frazer est lamentable à l'école. Il a grand besoin d'aide, et vous semblez être une fille charmante.

Je compris tout de suite ce que le compliment voulait dire. Une fille charmante dans sa bouche résonnait plutôt comme quelqu'un de sage et bien élevée. Une fille dont Frazer ne voudra pas, qui ne le distraira pas. Super.

- Pas comme cette... Comment déjà ? se rappela Mr Ponti. Tiana ? Tatiana. Ah oui voilà, Tatiana.

Les deux soupirèrent en même temps.

- Oh, se lamenta Valérie, cette fille est une vraie petite peste.

Je souris malgré moi à l'entente de cette phrase.

- Elle est égocentrique, cupide et superficielle. C'est à croire que ses parents l'ont lavé dans du rouge à lèvres quand elle était petite !

Je ris.

- Et Frazer, comment est-il au lycée ?

- Bien.

- Bien ? s'étonna Mr Ponti.

Je ne savais pas vraiment quoi répondre. C'était un terrain glissant.

- Oh, Raphael, Grogna Valérie, ne la met pas mal à l'aise comme ça.

Je remerciai silencieusement Valérie et plus personne ne parla durant une bonne partie du trajet. Ca m'allait bien ainsi, j'écoutai la musique se répandre à travers l'air confiné tout en regardant l'immensité du paysage qui défilait autour de nous.

Au fur et à mesure qu'on se rapprochait de Lyon, mon ventre se nouait.

- Je viens de recevoir un coup de fil de Camille, dit tout d'un coup Valérie. Ils seront en retard.

- Sérieusement ? Ronchonna Raphael. Combien de temps ?

- Je ne sais pas. Elle m'a dit que le rendez-vous avait pris plus de temps que prévu, qu'il y avait des complications.

A l'entente de ce mot, je vis Mr Ponti frissonner et regarder gravement sa femme. J'étais perdue. Qui était Camille ? Et où étaient-ils ?

- Nous sommes arrivés, lança enfin Raphael en se garant sur le parking de l'aéroport, cinq minutes plus tard.

Nous sortîmes de la voiture et j'aidai Valérie à porter ses bagages. La pauvre avait pris tant de sacs, elle ne devait pas connaître la limitation traditionnelle à vingt-trois kilos ou s'en fichait terriblement. Je penchai pour la deuxième option.

Le hall de l'aéroport était empli de voyageurs qui gesticulaient dans tous les sens, certains complètement paniqués d'autre au contraire beaucoup trop calmes. Je n'avais jamais pris l'avion de ma vie, et tout cela me paraissait aussi inconnu et compliqué qu'une équation du cinquième degré. Je ne crois d'ailleurs pas qu'on puisse résoudre de genre d'équation. Peu importe.

- On va attendre ici, décida Mr Ponti en désignant des sièges libres près du comptoir d'enregistrement de nos bagages.

Je m'assis à côté de la mère de Frazer et continuai de regarder autour de moi. Quelqu'un avait dit un jour que si l'on analysait la situation, elle paraissait tout de suite moins effrayante. J'analysai donc la situation. J'étais coincée dans un aéroport immense rempli de gens bizarres entre deux parents qui me prenaient pour une petite fille sage et sérieuse qui allait donner des cours de soutiens, j'attendais ici Frazer, l'amour de ma vie, et cette mystérieuse Camille. J'allais m'envoler pour la première fois vers un endroit inconnu avec une famille inconnue. Non, ça n'avait rien de rassurant. Celui qui avait établi cette théorie n'était visiblement pas un génie...


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