Mes doigts pianotaient sur l'accoudoir du fauteuil tandis que mes yeux scrutaient le visage de Mr Levy. Il était tendu et soucieux. Son calme apparent s'était changé en une angoisse profonde, muette et froide. On n'avait pas grand-chose de mieux à faire que d'attendre.
Chaque minute passée me rendait plus nerveuse encore. Les secondes s'égrenaient avec une lenteur immobile qui m'agaçait. L'attente, c'était le pire. L'action encore, ça passait. On se sentait puissant, on avait l'impression de pouvoir changer les choses. Mais l'attente, la passivité face à la mort, ça rendait fou.
Mes jambes tremblaient. Et si je ne les revoyais plus jamais ? Qu'allais devenir ma vie sans eux ? Ça avait été le plus révélateur et le plus fantastique je n'aie jamais passé. Rentrer chez moi, reprendre ma routine habituelle, retourner au lycée en voyant que Frazer manquait à l'appel... Ce serait trop dur.
- Tu veux un gâteau ? Proposa l'ambassadeur pour alléger l'atmosphère.
Je refusai d'un signe de tête.
- Mon estomac est trop noué pour ça. Pourquoi ça prend autant de temps ?
- Ça ne fait que trois minutes, soupira-t-il. On devrait avoir les résultats d'ici cinq à dix minutes.
Je poussai un long soupir.
- C'est horrible.
Il ne répondit rien. Qu'y-avait-il à dire, de toute façon ?
Le temps passa. Je respirai, tant bien que mal, me rattachant au fait que 4/5 des chances étaient avec nous. C'était beaucoup. Pas assez certes, mais il fallait bien croire en quelque chose.
C'est votre foi qui vous sauvera, disait-on.
Un carillon retentit, me faisant sursauter. C'était le téléphone.
Il décrocha précipitamment et le colla à son oreille, les sens en alertes.
Pendue à ses lèvres, je tentais de décrypter les émotions qui se peignaient sur son visage. D'abord, j'entrevis le doute. Ses yeux se plissèrent légèrement, comme s'il n'était pas bien sûr de ce qu'il entendait. Et puis enfin, ce que je n'attendais plus arriva. Son visage se fendit d'un large sourire, plus immense encore que celui du joker.
On avait gagné. Ils avaient réussi. Je me levai brusquement et me mis à bondir dans la pièce. L'ambassadeur me considéra avec gentillesse et amusement et après avoir raccroché, annonça :
- La mission a été une réussite. Notre équipe a pris les terroristes par surprise. Mais ça n'aurait pas été suffisants sans l'intervention d'un valeureux garçon qui a profité du brouhaha et de la cohue pour récupérer l'un des pistolets et tirer sur le pied du premier terroriste. C'était dangereux et un peu inconscient certes, mais il n'y a pas eu de morts et ça nous a grandement aidé.
- Oh mon dieu merci ! Où sont-ils à présent ? Y-avait-il mes amis ?
Le téléphone sonna à nouveau, nous interrompant. Mr Levy décrocha, écouta quelques secondes et me le tendit, l'air heureux.
- Un jeune garçon pour toi.
J'attrapai le téléphone, à la fois soulagée et anxieuse.
- Allô ? murmurai-je.
- Lucie ? chantonna une voix que je connaissais bien.
- Frazer ! m'écriai-je. Tu vas bien ?
- Oui bien sûr, et toi ?
- Tu rigoles, c'est toi qui est retenu en otage plus de huit heures, et tu me demandes si je vais bien ?
- Je t'aime, chuchota-t-il. Je me suis inquiété pour toi.
Quelqu'un toussota derrière lui.
- Ecoute, c'est une ligne officielle et c'est un peu l'horreur par ici. Je ferai mieux d'aller aider. Mais d'abord sache que Théo va bien.
- Et Julien ?
- Il.. ll a pris une balle dans le tibia. Les médecins l'ont transporté d'urgence à l'hôpital. Je ne sais pas si... Il faut continuer d'espérer.
Je me mordis la lèvre. Derrière lui, j'entendais un brouhaha ininterrompu d'hommes qui beuglaient en polonais. Ca devait être la panique.
- Lucie, je vais y aller. Mais on se voit très vite ! Je t'aime ! susurra-t-il avant de raccrocher.
Je redonnai le petit appareil noir à l'ambassadeur et m'assit, les jambes pantelantes. J'avais envie de pleurer de bonheur et de tristesse.
- Tu devrais aller dormir un peu, me conseilla l'ambassadeur. Maintenant que tu sais que ton petit ami va bien. Quant à ton autre ami, celui qui a été transféré à l'hôpital, on m'a dit que sa blessure n'était pas mortelle. Son pronostic vital n'est pas engagé.
- Quand pourrais-je les voir, vous croyez ?
- Nous avons organisé leur rapatriement vers Varsovie. Ils devraient être ici aux environ de midi.
Midi ! C'était dans quatre heures !
- Allez, va dormir un peu.
Malgrè mes protestations, retrouver mon lit fut merveilleux et en enfouissant ma tête dans les coussins, je me rendis compte à quel point j'étais fatiguée et à bout. Dix minutes après, je dormais..
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90 jours ensemble
Romance""Lorsque Frazer m'a proposé de jouer, j'ai d'abord dit non. Comment pouvait-il croire que je l'accompagnerai en Croatie tout l'été, juste parce que les dés en avaient décidé ainsi? Puis oui. Parce que c'était fou, incroyable, irréel. Parce que ça...