Après la crise de ce midi, l'ambiance avait été tendue toute l'après-midi. Frazer et Julien n'avaient pas encore réglé leur différend, Théo avait comme d'habitude une animosité certaine pour Frazer, et moi, dans tout ça, je tentai du mieux que je pouvais de les traîner de rue en rue, leur montrant les bâtiments à voir et les fontaines à contempler, tout en sachant qu'ils ne m'écoutaient pas. Adorable.
Ce n'est que vers dix-huit heures que l'ambiance générale redescendis d'un cran. Assis sur les marches d'une église, nous assistions à un théâtre de rue carrément comiques. Les acteurs parlaient italiens mais leurs mimes et leurs masques nous permettaient de comprendre l'histoire générale et de rire à tous le côté burlesque des situations.
Ça n'avait rien d'une tragédie classique qu'on allait voir à l'opéra, rien d'une farce ennuyante racontant l'histoire de deux héros mythologiques. C'était la vie réelle, pleine de quiproquo entre une femme mariée qui espionnait son mari sur Snapchat, une fille de bonne famille qui tombait amoureuse d'un gamin de banlieue.
Les acteurs en faisaient trop. Et juste assez. C'était cette disproportion de la réalité, cette dislocation des rapports normaux qui rendait la pièce carrément vraie. Parce que si l'on n'exagérait pas sur les traits de caractères des personnages qui nous entoure, si on mimait une copie conforme de la réalité, quel intérêt de jouer du théâtre ?
Tout autour de la place, des marchands de glaces attiraient les clients avec leurs parfums plus extravagants les uns que les autres et leurs cornets féeriques. Lorsque la pièce fut finie, les garçons proposèrent d'aller en goûter une. Malheur. Théo et Frazer étaient incapables de se décider sur le glacier à tester.
- Je soutiens que celui-là a l'air meilleur, dit Frazer, résolu.
- Tu parles. Ils proposent des choses plus originales dans celui-là, se défendit Théo.
- Très bien, on n'a qu'à faire un concours de glaces, proposa Frazer. Celui qui gagne choisit son partenaire pour le jeu de ce soir.
- Quel jeu ? intervins-je.
- C'est une surprise, dit malicieusement Frazer.
- Ah, cette fameuse surprise... grogna Théo.
- Alors, tu joues ? l'invita Frazer.
- Bien sûr.
Il se tapèrent dans la main. Ah l'égo masculin... J'avais pourtant l'impression que ce jeu représentait bien plus que de simples glaces...
Nous allâmes au premier stand, celui sur lequel Théo avait misé. Il était tenu par un homme d'une quarantaine d'année qui se vantait de proposer cinquante-cinq parfums de glaces différent, dont des trucs carrément étranges : camembert, tomate, poivre vert...
Les garçons me forcèrent à essayer les pires parfums qui soient : bacon fumé, piment d'espelette, camembert et courgette.
Les goûts étaient drôles pour certains, affreux pour d'autre. Par exemple, n'aimant pas les courgettes, le fait qu'il y ait une texture de glace n'arrangeait rien. C'était même encore pire. Comment pouvait-on manger ça ?
- Eh Théo, je crois que tu vas gagner avec ton parfum courgette, elle a l'air d'adorer, se moqua Frazer.
- C'est innovant, se défendit-il, pas comme fraise, framboise, vanille.
- Oui mais là, renchérit Julien, il faudrait me payer très cher pour que je prenne une deuxième bouchée de celle au camembert !
Je ris.
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90 jours ensemble
Romansa""Lorsque Frazer m'a proposé de jouer, j'ai d'abord dit non. Comment pouvait-il croire que je l'accompagnerai en Croatie tout l'été, juste parce que les dés en avaient décidé ainsi? Puis oui. Parce que c'était fou, incroyable, irréel. Parce que ça...