17- Clichés et préjugés

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Sans même que je m'en rende compte, une semaine était déjà passée et notre nouvelle routine s'était petit à petit mise en place. Tandis que le matin, Frazer et moi tachions du mieux que nous pouvions d'être sérieux pendant ses séances de rattrapage, l'après-midi, on allait à la mer voir des amis ou on restait tout simplement tous les deux au bord de la piscine. Honnêtement, c'était les moments que je préférai.

Julien était passé nous voir à plusieurs reprises et les deux étaient même sortis jeudi soir. Ils ne m'ont pas prié de les accompagner, ça devait être ce genre de soirée entre mecs, ils avaient du temps à rattraper. Alors je suis allée tenir compagnie à Camille devant un film.

Camille n'était pas souvent là. Quand elle ne traînait pas avec son groupe d'amies, des filles adorables, Mr Ponti l'emmenait en voiture pour je ne savais où. Et chaque fois qu'ils revenaient de leur petite virée, c'était comme si tous deux avaient pris vingt ans. Ils avaient le visage soucieux et une vague impression de tristesse dans les yeux. Pourtant, dès qu'elle m'apercevait Camille m'adressai son sourire le plus radieux qui aurait pu en tromper plus d'un.

Je n'avais croisé Théo qu'une seule fois, alors que j'allais acheter du pain à la boulangerie d'à côté. Heureusement, s'il m'avait vue, il s'était contenté de m'ignorer. Ou alors mes joues cramoisies l'avait fait battre en retraite...

J'avais réussi à me détacher de Frazer, de façon à ce qu'il ne s'imagine pas que j'étais amoureuse de lui. Je ne savais même pas si je l'étais. Toutes mes belles certitudes s'étaient ébranlés dès lors que j'avais posé les yeux sur Théo.

- Lucie ? entendis-je appeler.

- Oui ?

- Où es-tu ?

- Dans ma chambre !

On était dimanche et je n'avais pas franchement été très active aujourd'hui, profitant d'un jour sans travail pour me reposer. Je croyais que Julien et Frazer étaient repartis en ville tous les deux, mais apparemment non puisque celui-ci entra en trombe et s'assit sur mon lit, les cheveux encore trempés par une précédente baignade.

- Tu es allé à la mer ou la piscine ? Demandai-je en désignant ses cheveux.

- Piscine de Julien. Il organisait un concours de saut avec des amis à nous. J'ai gagné.

- C'est super, grommelai-je.

- Merci, sourit-il, pas le moins du monde déstabilisé par mon manque d'enthousiasme. Ecoute, je suis venu pour te parler du jeu....

- Oui ?

Il sorti de sa poche la même feuille qu'il m'avait déjà montré pendant ce fameux cours d'histoire.

- Qu'est-ce que tu voudrais voir changer dans le monde ? s'enquit-il, faisant référence à l'item n° 3, « Faire bouger les choses ».

Je réfléchis quelques instants.

- Je ne sais pas. Tu me prend au dépourvu.

- Allez quoi, il n'y a rien qui t'indigne ?

Il me fit un clin d'œil.

- Tu aimes rester passive en te contentant de regarder la vie se consumer doucement comme un feu mal alimenté ?

- Qu'est-ce que tu proposes, toi ?

- Je veux battre les clichés et les préjugés.

Je ris. Ca ne lui ressemblait tellement pas.

- Pourquoi tu ris ? s'étonna-t-il.

- Parce que ça ne te ressemble tellement pas...

- Tu vois ? S'exaspéra-t-il, encore un préjugé. Parce que je traîne avec Tatiana, je n'ai aucune conscience humaine ? Bon, à ta décharge, c'est vrai que quand on traîne avec Tatiana, on perd un peu de respect...

Nous partîmes dans un fou rire incontrôlable.

- Alors, qu'est-ce que tu en penses ? m'interrogea-t-il.

- Je ne veux pas que les garçons comme toi ne puissent pas sortir avec des filles comme moi, simplement parce que ça ne se fait pas, qu'on n'est pas dans la même classe sociale . Je ne veux pas qu'on regarde les handicapés comme des incapables, des débiles profonds. Je ne veux plus qu'on laisse tous les droits aux gens riches, comme si être riche nous rendait plus humain.

- Je crois d'ailleurs que c'est le contraire, remarqua-t-il.

- Je ne veux pas... Réfléchis-je.

Ca faisait du bien de s'énerver contre quelque chose et de s'indigner. Mais qu'est-ce qu'on pouvait y changer ?

- Je ne veux pas rester les bras croisés, à attendre d'être vieille pour voir une jeunesse encore plus pourrie que notre génération tenter de rallumer un monde en cendre.

Son visage s'illumina d'un grand sourire.

- Tu vois Luce, je savais que tu avais du potentiel ! 

90 jours ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant