Nous débarquâmes à l'ambassade seize minutes plus tard, complètement essoufflés. J'abordai un garde et lui demandai ce qu'il se passait et où était l'ambassadeur.
- Il est en réunion. Le consulat de Pologne a reçu un appel de la famille Ponti demandant votre rapatriement en urgence.
- Et Julien ? m'enquis-je.
- Le consulat a téléphoné à l'hôpital. Ils n'ont pas voulu le laisser sortir tout de suite, il prendra un avion dès qu'il sortira et vous rejoindra en Croatie. En attendant, on m'a ordonné de vous prévenir qu'une voiture viendrait vous chercher dans vingt-cinq minutes pour vous conduire à l'aéroport. Dépêchez-vous d'aller emballer vos affaires et d'emporter quelque chose à manger, vous devez être dans le hall d'accueil à dix-huit heures cinquante.
Déconcertés, nous gagnâmes nos chambres à la hâte, des questions plein la tête. Pourquoi un rapatriement si rapide et pressant ? Pourquoi deux jours plus tôt ?
- Tes parents ne t'ont rien dit ? Demandai-je à Frazer.
- Non, rien du tout, répondit-il en finissant de remplir son sac à dos. Et toi ?
Je secouai la tête négativement.
- C'est bizarre.
Nous nous rendîmes ensuite dans la salle à manger où nous trouvâmes un panier repas à notre nom. Je pris le mien et le casai dans mon sac. L'ambassadeur entra à ce moment-là et je faillis le bousculer.
- Désolé les jeunes, entama-t-il, j'ai reçu cet appel urgent, d'où la précipitation. Vos parents ne m'ont pas dit de quoi il s'agissait mais nous vous avons trouvé des places dans un avion qui décollera d'ici une heure et demi. Bon retour chez vous, et j'espère que ce ne sera pas trop grave ! Vous serez toujours les bienvenus en Pologne !
Il nous serra la main de façon à la fois décontractée et conventionnelle et nous le remerciâmes de l'accueil. Cinq minutes plus tard, nous avions pris place dans une voiture noire qui filait à travers Varsovie à une vitesse hallucinante.
A l'aéroport, ça grouillait de monde. Des touristes avec de grosses valises affluaient de partout et nous mîmes plusieurs minutes à trouver notre comptoir d'enregistrement puis la porte d'embarquement. Lorsque nous fûmes enfin dans l'avion, je poussai un soupir de soulagement. Tout était allé trop vite.
Alors que mon esprit était encore plongé dans le parc de Varsovie, le moteur de l'avion vrombissait déjà et les roues s'agitaient sur le tarmac. Quelques instants plus tard, nous étions dans le ciel.
J'ouvris mon sac et en sorti mon pique-nique, affamée.
- Alors, s'enquit Frazer en prenant également le sien, que nous ont-ils préparé ?
Je fus étonnamment surprise de ce que j'avais osé appeler un « piquenique ». Dans un emballage encore chaud se trouvait une part de lasagnes au poulet et aux aubergines. Dans un autre, des carottes râpées à la moutarde. Dans un dernier enfin, deux gâteaux polonais : l'un aux noix et pommes meringuées, l'autre au chocolat.
- La cuisine de l'ambassade va me manquer, s'extasia Théo en découvrant une part de Karpatka, son dessert préféré.
- Moi aussi, renchéris-je. Ce voyage aussi va me manquer, bien qu'il ait été... mouvementé.
- C'est le moins qu'on puisse dire, rit Frazer.
- On repartira un jour ou l'autre, rétorqua Théo. On n'a pas pu visiter la Turquie et le nombre de pays qu'il nous reste à parcourir nous laisse le temps de vivre cinq fois au moins !
Il avait raison. Mais pour l'instant, c'était la Croatie qui nous attendait. D'ailleurs, quatre heures plus tard nous y étions. Il était tard, la zone d'arrivée était plutôt vide ce qui nous permit de repérer rapidement les parents de Frazer. Mr et Mme Ponti nous attendaient, les traits tirés, les yeux creux et cernés. Frazer et moi nous consultâmes du regard. Quelque chose s'était passé. Quelque chose de franchement pas sympa. Et on n'allait pas tarder à savoir quoi...
- Bon voyage les enfants ? demanda Valérie d'une voix abattue. Je suis contente de vous voir.
Nous acquiesçâmes et plus personne ne parla, pas même en voiture, jusqu'à ce que Frazer se rende compte qu'on ne prenait pas le chemin de la maison.
- On ne passe pas par la villa ? s'étonna-t-il.
- Non mon chéri, répondit Valérie en coulant un doux regard dans sa direction. On n'a pas le temps, il faut aller à l'hôpital...
A l'entente de ce mot, mon sang se glaça. Durant tout le voyage, j'avais prié pour que mon intuition ne soit pas réelle, tachant de faire taire cette angoisse sourde qu'un malheur se profilait à l'horizon, et qu'il avait tout à voir avec la sœur de Frazer...
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90 jours ensemble
Romance""Lorsque Frazer m'a proposé de jouer, j'ai d'abord dit non. Comment pouvait-il croire que je l'accompagnerai en Croatie tout l'été, juste parce que les dés en avaient décidé ainsi? Puis oui. Parce que c'était fou, incroyable, irréel. Parce que ça...