55 - Inquiétudes

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Après avoir raccroché avec Clément, je me sentis nauséeuse. Il m'avait appris que Etienne, son ami que nous avions rencontré au café, avait commencé à voir Julie à son retour de voyage. Ils étaient repassés par Grenoble, et quand leur route s'était croisée à nouveau, ils avaient un peu été victime d'un coup de foudre.

- Ils sortent ensemble ? Avais-je demandé, étonnée.

- Oui, depuis trois petites semaines, je crois, avait-il répondu.

J'avais senti un creux dans mon cœur, comme un petit coup de massue. Je n'étais même pas au courant des histoires d'amour de ma meilleure amie. Pire encore, j'avais complètement oublié de lui envoyer le moindre message depuis que j'étais partie avec Frazer. Avait-on pu s'éloigner autant ? Comment allions nous réagir à la rentrée, qui n'était que dans trois semaines ?

Mais le pire était à venir.

- Tu as dû entendre ce qu'il s'est passé en France, avait prudemment énoncé Clément.

- Bien sûr, avais-je soupiré.

- Julie avait décidé de rendre visite à Etienne à Toulouse. Elle devait aller chez lui trois ou quatre jours, je ne sais plus. Tout s'est très bien passé jusqu'à ce qu'ils décident d'aller au cinéma...

- Non ! avais-je hurlé. Ne me dis pas que ?

- Je ne sais pas, je ne sais pas, avait-il répété. C'était il y a une heure. Je les ai inondés de messages, aucun des deux ne m'a répondu... Ça ne veut rien dire, mais j'ai peur...

S'était ensuivi une conversation dramatique où l'un tentait de rassurer l'autre en vain. Quand, au bout de vingt minutes, je lui fis promettre de m'appeler dès qu'il aurait des nouvelles, j'avais du mal à respirer.

A présent assise dans le couloir, je fixai avidement mon téléphone, Frazer et Théo me regardant avec suspicion et inquiétude.

- Parle nous Lucie, chuchota Frazer. Que s'est-il passé ? Qui est Clément ?

Je lui racontai tout, notre rencontre au café, l'attirance entre Etienne et Julie, puis le cinéma.

- Oh Lucie... Soupira Frazer en passant une main dans mes cheveux. Tout ira bien un jour, je te le promets. Pour l'instant, il faut espérer et prier.

- J'ai l'impression que l'espoir est vain, que cette fois on ne pourra pas compter dessus. D'abord nous, puis mes amis. C'est comme si tout s'acharnait, tu comprends ? Une spirale infernale de violence, contre laquelle on ne peut pas lutter et qui engloutit nos vies sur son passage. S'ils ne s'en sont pas sortis, que vais-je faire ?

J'ai tant et tant prié pour vous les garçons. C'était un cauchemar de tous les instants. Je revoyais les portes se fermer, Julien me crier de courir... Puis tout était noir, et alors que le calme se faisait au loin, le vacarme rugissait dans ma tête. Je ne savais pas comment vivre en sachant que vous étiez peut-être en train de mourir.

Je ne veux pas revivre ça Frazer, pas encore. Je ne veux plus sentir cette éternelle attente qui, dans ses sombres quarts d'heure, nous trace les traits du pire, pleurai-je.

- Quoiqu'il arrive Lucie, tu m'auras toujours avec toi, pour toi.

Il jeta un coup d'œil à Théo.

- Tu NOUS auras toujours. Quand on a traversé le feu sans se brûler, on peut aussi résister au grand froid. Ensemble.

J'acquiesçai. Il avait raison. De toute façon, tant qu'il n'y avait pas de réponse négative, il y avait toujours de l'espoir. Je n'aurais jamais dû l'oublier.

Les heures passèrent difficilement. L'équilibre instable que j'avais tenté de trouver ici s'était effondré. Il n'en restait plus rien. Bientôt, on rentrerait en Croatie. On reverrait Camille. Peut-être que revenir me ferait du bien. Peut-être aussi que Julie et Etienne allaient bien.

Finalement, au bout de trois heures à se lamenter en silence, les garçons me convinrent d'aller nager trois quart d'heures à la piscine.

- Ça te fera du bien, plaida Frazer. Ton esprit sera occupé et ton stress en parti évacué.

A contre cœur, j'avais accepté. Il était quinze heures, et l'endroit était bondé. Des gamins criaient de partout, les vestiaires étaient sals et trempés, les casiers ne fermaient pas à clefs... Quant aux douches, elles étaient froides.

- Super, pestai-je.

Je plongeai dans l'eau malgré tout et commençai une première longueur. Au début, mes mouvements étaient secs et agacés, puis, au fur et à mesure du temps qui s'écoulait, mon corps s'adaptait à l'eau, et tout me paraissait plus simple et plus souple. Pour l'une des rare fois depuis quelques jours, je n'avais plus rien d'autre à l'esprit que ma respiration et mes longueurs. 1,2,3. Encore. 1,2,3.

Depuis combien de temps nagions nous ? Longtemps, à en croire mes muscles et mes bras. Mais mon cerveau me criait de ne pas m'arrêter. A la fin de mon quarantième aller-retour, je jetai un coup d'œil aux garçons. Frazer s'était assis sur le rebord, les jambes ballantes dans l'eau. Lorsqu'il croisa mon regard, il me sourit.

- Toujours pas fatiguée ?

- Non. Tu jettes déjà l'éponge ?

- J'ai fait trente-cinq allers-retours. Je suis littéralement épuisé.

Je souris et cherchai des yeux Théo.

- Théo nage encore un peu, me devança Frazer.

- Bon, je crois que je vais sortir attendre avec toi.

- Sage décision.

Alors que je sortais, il me tendit ma serviette, louée au centre aquatique. Théo nous rejoignit quelques minutes plus tard, l'air fatigué mais satisfait.

- Je suis mort, s'exclama-t-il.

Nous nous rendîmes aux vestiaires où je récupérai mon téléphone. Loin de l'eau, tout me revenait.

- Alors, des nouvelles ? S'enquirent les garçons.

Je consultai mes messages et retint mon souffle en leur tendant l'écran.

- Oui...

/ NDA : Bon, ça faisait un mois que je n'avais pas publié.. J'avais perdu un peu l'inspiration, mais nouvelle année = nouvelle motivation !" 

90 jours ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant