18 - Vous avez tout faux

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Depuis que Frazer et moi avions parlé de ce qu'on voulait voir bouger dans le monde, je passai mes après-midis à chercher une solution pour effectivement réagir. Et croyez-moi, ce n'était pas évident. On s'était souvent découragé, comprenant à quel point changer les choses n'étaient pas si faciles.

Un soir, alors que nous étions allongés sur la plage, un paquet de chamallow entre nous deux, Frazer s'était penché vers moi et avait dit :

- Il ne faut pas qu'on laisse tomber Luce. Tout le monde abandonne un jour ou l'autre. Il faut qu'on soit ceux qui ne lâchent rien. Après tout, on ne va loin que jusqu'au bout.

Il avait raison. On ne pouvait juste laisse tomber parce que c'était compliqué. Alors j'avais redoublé d'effort, Frazer aussi, et soudain l'idée était venue.

J'étais entrée en trombe dans la chambre de Frazer deux minutes plus tôt et il me regardait à présent avec de grand yeux étonnés. Il était torse nu mais je le remarquai à peine tellement j'étais obnubilée par la nouvelle que j'allais lui annoncer.

- Et si on faisait une vidéo ? m'enquis-je.

- Une vidéo ? Comme une sorte de propagande ? réfléchit-il.

- Ce mot parait bizarre, mais quelque chose qui montre que tous les clichés et préjugés qu'on a ne sont pas vrais. Quelque chose qui fasse vraiment bouger les choses. Imagine, des millions de personnes pourraient y voir.

- Luce ! Tu es géniale ! s'exclama-t-il.

Il se leva pour me serrer dans ses bras. Son étreinte était puissante et loin d'être désagréable...

- Laisse-moi mettre un t-shirt, je te rejoins sur la terrasse dans cinq minutes, sourit-il.

J'acquiesçai et sorti de la chambre, le souvenir du câlin de Frazer trottant toujours dans ma tête. Il était si beau, si intelligent, si encourageant... Mais il ne tomberait jamais amoureux de moi. Triste réalité.

J'étais toujours dans mes pensées quand j'entendis une main passer dans mon dos.

- Lucie ? Ça va ? Dit Frazer. Tu semblais triste.

- Oh ! Non, non. Je réfléchissais juste. Alors, comment on procède ?

- Il faut mettre ensemble les gens qui doivent être ensemble, peu importe les apparences. Parler à des handicapés, filmer des choses normales, des rires, des jeux. N'importe quoi qui prouverait aux gens qu'ils sont sympas et comme nous. Ensuite, il faut faire des témoignages, filmer des riches qui aident les pauvres, mais aussi des pauvres qui aident des riches.

- C'est trop compliqué, me désespérai-je, on n'arrivera jamais à faire ça ici.

- On n'a qu'à ne pas le faire ici, sourit-il malicieusement.

J'ouvris de grands yeux. Que voulait-il dire par là ?

- Comment ça ?

- Ce n'est pas parce qu'on est en Croatie qu'on est obligés de rester en Croatie. Le monde nous offre des dizaines d'opportunités. La question est : Est-ce que tu es prête à inspirer les gens à travers le monde entier ?

- On n'est jamais prêt pour ça, ris-je.

Frazer appela son père qui arriva sur la terrasse deux minutes plus tard.

- Qu'est-ce qu'il y a garçon ?

- Papa. Tu m'as toujours demandé ce que je voulais faire de ma vie. Lucie et moi, on a un projet. On veut changer le monde.

Il rit. Cette réaction ne me surprit point, si on m'avait dit ça moi aussi, j'aurai peut-être rit. Pourtant, nos motivations étaient très sérieuses.

- Et en quoi consiste ce projet exactement ?

- On veut prouver aux gens qu'ils se trompent. Qu'ils ont tout faux. Mais pour ça, on ne peut pas rester ici.

- Vous êtes fous. C'est hors de question, vous n'avez que seize et dix-sept ans. Et où est-ce que vous voudriez aller ?

Frazer traça un itinéraire avec son doigt.

- En Angleterre. En Espagne, en Italie. En Pologne. En Norvège. En Turquie. Grâce à ça, on aurait un échantillon du monde.

- Frazer, c'est inconscient. Est-ce que vous avez au moins construit quelque chose de solide ?

- On le fera.

Il ne semblait pas convaincu. En même temps, comment le pouvait-il ?

C'est ce moment que choisis Valérie pour débarquer.

- Laisse-les voir de quoi ils sont capables. Après tout, le voyage forge la jeunesse.

- Très bien, vous avez deux semaines pour me proposer un itinéraire détaillé de tous ce que vous allez faire. Et vous ne partirez pas plus de dix jours.

- Marché conclu, dit Frazer en serrant la main de son père avec une assurance déconcertante.

Je regardai Frazer comme s'il était fou. Ses parents n'accepteraient jamais.

- Est- ce que tu es prête à tout oser ? me demanda-t-il. La vie n'est rien si l'on reste au bord de cette plage trois mois.

- Alors partons, tranchai-je. Donnons à tous ces vieux un moyen de croire que la jeunesse peut changer les choses. Donnons-nous les moyens de changer le monde.


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