31- Héros d'un soir

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Allongée sur un transat près de la magnifique piscine de l'hôtel, je regardai à travers les baies vitrées le ciel se décliner lentement. Il était un peu plus de vingt-deux heures mais je me sentais encore en forme comme s'il était midi.

Je scrutai les alentours du regard. Théo, consciencieux, faisait des aller-retour dans la piscine depuis un peu plus d'une demi-heure. Au début, je m'étais amusée à compter puis au fur et à mesure j'avais décroché au profit d'autre sources de concentration. Mais approximativement, il devait en être à son vingt-cinq eme, ou quelque chose comme ça.

C'était désolant de voir que, dans un hôtel de riche, les parents ne faisaient pas plus attention aux enfants que dans n'importe quel autre endroit. Des gamins couraient dans tous les sens, plongeaient, sautaient, s'éclaboussaient, tandis qu'on imaginait facilement un petit groupe d'adultes réunis quelques salles plus loin autour d'un café moulu et de biscuits hors de prix en train de comploter sur une affaire mondiale.

C'est à ce moment, alors que Théo en était à son trentième aller-retour et que la piscine allait fermer dans un quart d'heure que l'horreur se produisit. L'ambiance battait son plein, la réunion devait être conséquente vu la dizaine de gamins qui couraient et gesticulaient en tous sens, ôtant le paisible calme qu'était censée procurer l'eau. D'ailleurs, nous vîmes quelques personnes âgées prendre leur clic et leur clac et s'en aller. Tant pis pour elle. Moi, je trouvais que le bonheur de ces gamins était beau à voir. Il était normal. Ils étaient normaux, à crapahuter en s'éclaboussant. Il n'y avait pas de : « Si tu me détruis, je détruis ton empire immobilier » ou « si tu m'aides, ton fils deviendra président de la Lituanie ». Non, il y avait juste un rapport cause conséquence « Si tu m'éclabousses, eh bien... Je t'éclabousse ». Jusqu'au moment où un petit d'environ une dizaine d'année qui jouait au soldat avec des copains glisse sur le rebord de la piscine, et tombe raide, la tête tapant fort contre le rebord. Le petit sombrait et personne ne semblait réagir puisqu'il y avait des cris et des battements de pieds de partout, jusqu'à ce que Frazer, qui discutait avec moi du témoignage du vieil artiste, remarque quelque chose d'étrange à la surface.

Enlevant son tee shirt, il courut comme un dératé les cinq mètres qui nous séparaient du garçon qui se noyait et plongea pour tirer le corps de l'eau. L'intervention n'était pas passée inaperçue, tous les gamins et les touristes présents fixaient maintenant Frazer hors d'haleines, attendant avec impatience la suite des éléments.

Quand Frazer eut posé le corps inanimé sur le sol de la piscine et ordonné à tous ces gamins d'arrêter brailler, je me précipitai vers eux. Le pouls du gamin était faible mais il s'entendait. Je commençai à paniquer. Pouvait-il mourir sous l'eau, juste comme ça, juste sous nos yeux ? Etonnement, Frazer restait plutôt calme.

- Lucie, appelle les secours tout de suite, dit-il. Mon téléphone est dans la poche de mon... Eh merde !

Il n'avait pas pensé à enlever son short.

- Je vais à l'accueil ne t'inquiète pas.

Je détalai, sous les regards interrogateurs des gens qui voulaient des réponses mais qui étaient inefficaces et me dirigeai vers le standardiste qui était au téléphone. Pas moyen d'attendre qu'il ait fini de commander les pancakes pour le petit déjeuner de demain. Je lui arrachai le téléphone des mains et lui demandai de composer les urgences. Il y avait eu une noyade. Il paniqua complètement.

- Una annegamento ?

- Drowning! Drowning! A little boy ! hurlai-je.

Il se dépêcha d'appeler les secours et me tendit le combiné. Heureusement, comme en Croatie, l'homme parlait un bon anglais. Je détaillai ce qu'il s'était passé, sans pour autant pouvoir décliner l'identité du garçon noyé.

90 jours ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant