90 jours ensemble

24 - Stupeur

L'hôpital croate était tout aussi déprimant que ceux français. Des murs blancs, une atmosphère de désinfectant couvrant mal les microbes qui se baladent réellement, comme ces sourires des infirmiers qui dissimulent les morts qu'on entraîne en silence à la morgue chaque jour.

Les infirmiers m'avaient posé un tas de questions auxquelles je n'avais évidemment pas su répondre. Heureusement, m'avaient-ils affirmé, ses jours n'étaient pas en danger. De toute façon, après un rapide examen, une ambulance l'avait transporté sur le champ vers le centre hospitalier le plus proche.

J'attendais maintenant depuis un peu plus de quarante minutes quand j'entendis des pas précipités. Je levai les yeux du journal que je lisais de travers depuis tout à l'heure et poussai un soupir de soulagement. C'était Frazer.

Il courut vers moi et me prit dans ses bras.

- Pardon, pardon, pardon ! murmura-t-il. Comment va-t-elle ?

- Je ne sais pas. Ils l'ont emmené en salle de réanimation. On doit rester ici jusqu'à ce qu'un médecin vienne nous voir.

- Quand j'ai reçu un coup de fil de l'hôpital, nous avons accouru aussi vite que nous pouvions, mais mon père et ma mère étaient sur la plage, j'ai dû aller les prévenir. Je suis vraiment désolé. Tu as bien géré. Que s'est-il passé ?

- C'est plutôt moi qui devrait te poser la question, soulignai-je. Les médecins n'ont pas parlé d'un cas isolé... Enfin bref, je n'en sais trop rien. Nous riions comme des folles quand elle s'est mise à avoir une quinte de toux qui l'empêchait de respirer. C'est tout... Alors j'ai appelé les urgences et me voilà.

Il s'assit sur le siège à côté de moi et fixa le vide quelques instants.

- Nous aurions dû te le dire plus tôt, expliqua-t-il. Je m'en veux pour ce qui est arrivé aujourd'hui. Ce n'était pas prudent de ne pas t'avoir prévenu.

- Dis-moi. De toute façon, je pense avoir ma petite idée.

Il soupira.

- Je sais. On ne voulait pas te le dire comme ça. Il y a trois ans, Camille a développé un cancer. Des poumons.

- Elle fumait ? Je ne comprends pas. Ce genre de trucs n'arrive pas aux adolescents !

- C'est ce qu'on s'est dit aussi. Mais il y avait une sorte d'anomalie génétique. Quelque chose comme ça. Un nom bien compliqué que les médecins utilisent au lieu de dire : maladie incurable.

- Je suis désolée.

- Moi aussi. Nous pensions vraiment que faire sortir un peu Camille lui ferait du bien.

- C'est là que vous étiez hier, j'imagine ? compris-je.

- Oui. Elle a eu ce genre de crise dans la nuit. Il a fallu l'amener à l'hôpital. Les urgentistes lui ont donné de quoi soulager les maux. On pensait être à peu près tranquille, étant donné que les crises n'ont lieu en général qu'une fois par mois, voire toutes les deux semaines...

- Mais ça n'a pas été le cas.

- Non.

- Est-ce qu'elle va... ?

- Oui. Elle a failli y passer à la fin de l'été dernier. Depuis, son état ne fait qu'empirer...

- Je ne sais pas quoi te dire, bafouillai-je.