La carte des garçons était plutôt bien faite et leurs indices faciles à deviner. Nous jouions à la deuxième manche depuis plus d'une heure déjà et nous avions trouvé trois des cinq symboles. Pour l'un d'eux, il avait fallu escalader un petit arbre dans un parc mais Frazer avait réussi sans problème.
Pendant que je faisais le guet, il était monté avec aisance et souplesse et avait repéré le bout de papier coincé entre deux branches.
- Ce n'était pas très malin, avait-il remarqué, le vent aurait pu souffler sur le mot. Heureusement qu'il n'est pas fort ce soir.
Selon la carte, le quatrième se trouvait à l'opposé d'où nous étions, dans le petit quartier de pécheurs aux maisons colorées.
- A gauche, indiquai-je en regardant la carte.
- Quel est l'indice ? S'enquit Frazer
- « Puisse le poisson rouge vous être favorable ». Si je décrypte, ça donne quelque chose comme : Vous cherchez une maison rouge avec un étalage de poisson. Et si on remarque qu'ils ont substitué poisson rouge à sort, que sort correspond à dehors, on pourrait en déduire que notre indice se trouve dehors ?
- Je suis bluffé ! s'exclama-t-il.
- Bah, il faut bien qu'il y ait des gens intelligents pour rattraper un peu les autres ! ris-je.
- Oui, c'est ça ! Ironisa-t-il. En attendant, quand tu seras devant ton assassin, dis-lui : Selon la polyptote utilisée par Molière dans la scène V de l'Acte II des liaisons dangereuses, vous ne pouvez pas me tuer ! Je suis sûre que ce sera très efficace.
- Heureusement, rétorquai-je, tu as pris soin de vérifier que le taux de criminalité était peu élevé, délicate attention. Et, pour ta gouverne, les liaisons dangereuses n'a pas été écrit par Molière et c'est un roman, pas du théâtre.
- Tu chipotes, comme d'habitude, sourit-il. Tu chipotes alors qu'il est une heure du matin, qu'on est fatigués et qu'on cherche un symbole bizarre !
- Et quand on sait qu'on prend l'avion pour l'Espagne demain à huit heures du matin, je me demande pourquoi je ne suis pas restée dans mon lit pour dormir un peu !
- Parce que tu aimes le danger, répliqua Frazer avec malice. Et tu aimes jouer, sinon on n'en serait pas là, oh non, tu serais chez toi à passer des vacances ennuyeuses et soporifiques !
- Qui n'est pas attiré par le danger ? demandai-je.
- Personne, concéda-t-il. C'est le goût du risque qui crée la passion, et la passion le plaisir. Comme les individus recherchent le plaisir, ils aiment le danger. Aussi simple que ça. Quoi que, manger une glace au yaourt, c'est un vrai plaisir et ce n'est pas franchement mortel... Bah, je ne sais pas. Peut-être faut-il un peu des deux, une association de piquant et de simplicité, une alternance entre les certitudes et le doute.
- Entre le bien et le mal, continuai-je. C'est étonnant de voir comment les gens évoquent le diable aussi vite que Dieu. Une rupture amoureuse ? Hop, on veut tuer celui/celle qui a pris notre place. D'un autre côté, on prie Dieu qu'il nous rende notre amour.
- Etrange en effet, murmura Frazer. Alors, on est encore loin de Boccadasse ?
- Non, quand on aura longé cette rue, on y sera.
En effet, quelques minutes plus tard nous entrions dans le quartier de pêcheur fort calme en raison de l'heure tardive. Je regardai les bâtiments et cherchai lequel était le plus rouge, mais dans la nuit, la tâche s'avérait compliqué puisque les couleurs s'effaçaient pour donner des nuances rougeâtres et grisâtres. Je pointai la lampe torche de mon téléphone sur chaque crépit, observant aussi ceux qui semblaient être une poissonnerie.
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90 jours ensemble
Romance""Lorsque Frazer m'a proposé de jouer, j'ai d'abord dit non. Comment pouvait-il croire que je l'accompagnerai en Croatie tout l'été, juste parce que les dés en avaient décidé ainsi? Puis oui. Parce que c'était fou, incroyable, irréel. Parce que ça...