Lorsque Julien ouvrit la porte, je remarquai qu'il avait les traits tendus et l'air inquiet.
- Il s'est passé quelque chose ? Demanda-t-il précipitamment. C'est Camille ?
- Non, le rassurai-je, elle va bien. C'est Frazer et Théo, ils se sont battus.
- Oh, lâcha-t-il.
- Tu n'as pas l'air très étonné, remarquai-je.
- Non, mais toi si. Tu sembles toute chamboulée. Entre.
Il me céda le passage et je me rendis compte que c'était la première fois que j'entrais chez Julien et Théo. La villa, aussi grande que celle des Ponti, était pourtant très différente. Les choses semblaient anciennes et extravagantes mais pourtant étaient assorties avec goût.
Julien me mena dans ce qui semblait être un salon et me demanda si je voulais quelque chose.
- Ça va, merci, souris-je.
- Tu es sûre ? Ma mère a fait des chaussons aux pommes, ils sont excellents !
- Eh bien... Souris-je, d'accord.
Il repartit, me laissant seule parmi les coussins et revint peu après avec une assiette pleine de ces petites viennoiseries.
- Alors dis-moi, reprit-il en s'asseyant à côté de moi, que s'est-il passé ?
- Je ne sais pas, j'étais sur la plage avec Théo quand Frazer a débarqué pour me montrer son plan de voyage.
- Ah, oui, il m'a parlé de ça ! Continue.
- Alors après me l'avoir montré, Théo a émis l'idée qu'il était... Disons, Jaloux.
- Du grand Théo, soupira Julien. C'est pour ça qu'ils se sont battus ? Tu devrais être contente, ça veut dire qu'ils tiennent à toi...
- Non, ce n'est pas pour ça. Frazer a parlé d'une certaine Tina. C'est là que tout a commencé.
Le visage de Julien changea radicalement d'expression et son sourire disparut. D'un coup, il semblait tout comprendre.
- Où est Théo ?
- Je ne sais pas non plus. Je suis partie après leur avoir dit ma façon de penser... Ils ont dû rentrer chacun de leur côté. Ou aller faire un tour, dis-je en haussant les épaules.
- Non non.
Il se leva précipitamment.
- Qui est Tina ?
- C'est une longue histoire. C'était la copine de Théo l'année dernière. Il en était dingue. Désespérément amoureux. Elle était...
Il garda le silence quelques instants.
- Il l'aimait comme on regarde un ciel étoilé. Avec une passion infinie qui nous laissait tous avec une sensation d'insatisfaction. A côté d'eux, nos propres petites amourettes paraissaient molles et inutiles.
- Je vois, dis-je. Qu'est-ce qui a changé ?
- Je ne peux pas t'expliquer. Je n'ai pas le droit, je suis désolé.
J'étais frustrée. Je sentais que je venais de toucher un point sensible, un élément important dans la tragédie qui avait ruiné l'amitié de Théo et Frazer. Mais plus j'avais des réponses plus les questions se multipliaient.
- Quoi qu'on te dise en tout cas, sache que ce n'est pas tout blanc ni tout noir. Personne n'est parfaitement innocent dans une histoire.
- D'accord.
- Je suis désolé. Il faut que je parte retrouver mon cousin. Quand on parle d'elle, il passe dans un mode de destruction automatique et on n'est jamais vraiment sûre de ce qu'il va faire.
- Tu veux que je t'accompagne ? Je n'ai rien de mieux à faire de toute façon, je ne sais pas où est Frazer et ses parents sont à l'hôpital.
- Pas de soucis.
Nous sortîmes et commençâmes à marcher le long de la côte. L'avantage, c'est qu'ici, il n'y avait pas grand-chose dans les environs, si ce n'était des plages, des petites grottes et des rochers. Toute civilisation était à dix kilomètres de là, dans la petite ville où nous étions hier. Pour y aller, il fallait prendre un bus qui passait toutes les heures, appeler un taxi, ou se faire conduire par quelqu'un qui avait le permis. Peu probable donc que Théo soit allé là-bas.
Pourtant le bord de plage était vide. Au bout d'une heure, nous avions écumé une bonne partie de la côte et étions remontées jusqu'au début des villas résidentielles. Je ne m'étais jamais baladée aussi loin.
- Je ne sais pas où il est, soupira Julien. De toute façon, le temps que je revienne, il aura eu le temps d'assassiner quelqu'un dix fois, s'il en avait envie.
- Très optimiste, remarquai-je.
Il s'assit sur un rocher.
- Désolé. C'est juste... Il me fait du souci des fois. Il a un an de moins que moi et je me sens un peu comme responsable de lui, tu vois. Surtout depuis que son père s'est barré. Sa mère ne joint plus vraiment les deux bouts. Ce que Théo ne t'a sûrement pas dit, c'est que la belle villa était à son père. Ma tante n'a plus rien.
- Ça doit être tellement compliqué...
- Et de voir mes deux meilleurs amis depuis l'enfance se déchirer comme ça depuis un an, c'est insupportable. Tu ne les as jamais vu avant. On était invincible, avec Dan, Mallory et Camille. On traînait toujours ensemble. Et nous trois ne nous quittions pas. C'était comme avoir deux frères, mais en mieux. Et maintenant, ils se parlent par coups de poings et se jettent des regards glaciaux.
Il soupira.
- Si l'on part en voyage tous les quatre, j'ai peur de ce qui pourrait arriver. Je connais assez bien Frazer et Théo pour savoir que cette expérience peut amener à deux types de fin : Soit un tel voyage leur fait oublier leur rancune, soit ils ne feront que se crier dessus pendant dix jours. L'affaire est à double tranchant.
- Je ne sais pas quoi te dire. Moi aussi j'aimerai que tout ça cesse. Quand j'ai accepté le jeu de Frazer, je ne savais pas où je m'étais les pieds. Sinon, crois-moi, j'y aurai réfléchi à deux fois.
- Tu n'as pas de chance, acquiesça-t-il. D'habitude, les vacances des riches en Croatie sont plutôt calmes. Enfin, on s'est quelque fois fait choppé pour détention d'alcool et vol de gâteaux mais ce sont ce genre de petits trucs qu'on considère presque normal. Cette année, c'est le drame. Entre Camille, le divorce de ma tante et la dispute entre Frazer et Théo, notre clan n'a jamais été plus divisé...
Nous continuâmes à parler quelques temps jusqu'à ce la nuit qui venait de tomber nous rappelle que la marche qu'on devait effectuer pour rentrer chez nous était encore longue et qu'on devrait s'y mettre.
- Tu m'enverras un message si Théo est rentré ? Demandai-je.
- Bien sûr, sourit-il.
- Au fait, murmurai-je doucement, j'ai une question depuis tout à l'heure.
- Vas y.
- Est-ce que tu crois qu'il peut y avoir un après Tina dans la vie de Théo ?
- Pour être tout à fait honnête, Lucie, je n'osais pas aborder le sujet avec toi, mais puisque tu me poses la question : Je ne sais pas. J'ai peur que tu perdes beaucoup. Il n'est pas sans risque de sortir avec quelqu'un qui pense encore à avant...
- Je sais.
Pourrais-je être ce après dont il avait besoin ? A quel prix ?
VOUS LISEZ
90 jours ensemble
Romance""Lorsque Frazer m'a proposé de jouer, j'ai d'abord dit non. Comment pouvait-il croire que je l'accompagnerai en Croatie tout l'été, juste parce que les dés en avaient décidé ainsi? Puis oui. Parce que c'était fou, incroyable, irréel. Parce que ça...