50 - Sans issue

268 23 0
                                    

Je courais sans but, portée par la peur et le brouillard qui s'était épris de mon esprit. Tout autour de moi était noir et inconnu. Depuis que je m'étais enfuie, je n'avais pas arrêté. Combien de temps s'était-il déroulé ? Cinq minutes ? Dix ? Vingt ?

J'avais le souffle court, les joues rouges et les jambes en coton mais rien n'indiquait qu'une issue était en vue quelque part. Tout était silencieux et je me sentais complètement démunie. Maintenant que j'étais hors de danger, que pouvais-je faire pour les aider ?

Je m'arrêtai dans ce qui me sembla être un champ et détaillai dans ma tête la situation.

Je n'avais rien sur moi. Au moment de courir, j'avais laissé mon sac à ma place, n'emportant que ce que contenait les poches de mes vêtements. Que contenaient-elles d'ailleurs ?

La première, rien, si ce n'était quelques mouchoirs usagés et un papier de bonbon. La deuxième, un ticket de bus espagnol. Mon cœur se serra à l'évocation de ce souvenir. Frazer et moi. Frazer... Non. Je ne pouvais pas me permettre d'y penser maintenant. Il fallait être méthodique et réfléchir.

Je continuai à fouiller avec agacement et tombai sur un bout de papier plié en quatre dans la poche de mon jean. Je le défroissai rapidement et tentai tant bien que mal de lire ce qui était inscrit dessus. Il faisait si sombre...

Je tâtonnai à travers le champ à la recherche d'une position mieux éclairée par la lune ou les étoiles. En vain. Mais où étais-je ?

« Cours » avait seulement dit Julien.

C'est ce que j'avais fait. Courir. J'avais traversé la voie au pas de course, longé le quai de gare puis m'étais enfoncée dans une sorte de forêt qui avait abouti à ce champ. Mais maintenant ? Quel était le plan ?

J'étais perdue, complètement perdue. C'était bien beau ce qu'on nous apprenait à l'école, mais honnêtement, à quoi ça allait me servir, là maintenant ?

Le froid m'enveloppait de plus en plus. Rester ici à découvert ne servirait rien. Il fallait que je continue d'avancer jusqu'à une ville, une route, n'importe quoi.

Tandis que je tentais tant bien que mal de régler mon souffle sur mes foulées, j'essayai de me situer. Le trajet entre Cracovie et l'aéroport devait durer une trentaine de minutes. Combien en avions nous passé dans le train avant que celui-ci s'arrête ? Dix ? Quinze ? Quinze, environ.

J'étais donc à mi-chemin entre les deux. Il y avait forcément quelque chose entre, non ? Une périphérie, une zone commerciale... Quelque chose qui pourrait m'aider. Oui, il fallait y croire. Tous les chemins menaient toujours quelque part. Le tout, c'était de persévérer suffisamment pour en voir la fin.

Et de ne surtout pas penser que peut-être, à des centaines de mètres de là, Frazer, Julien ou même Théo s'étaient peut-être déjà fait tirer dessus.

Je courus durant ce qu'il me sembla être une éternité, m'arrêtant quelques fois pour reprendre mon souffle et mes esprits, lorsque j'entrevis les phares d'une voiture. Une route ! C'était une route !

Je ne fus jamais aussi contente de fouler le goudron qu'aujourd'hui. Je n'étais plus dans des bois déserts, j'étais quelque part où il y avait de la vie, de la civilisation.

Plusieurs voitures passèrent à pleine vitesse et m'éblouierent. Je profitai de cette lumière pour sortir rapidement le papier de ma poche et lire ce que c'était.

Mes yeux déchiffraient avec avidité, priant pour que ce soit le plan de la ville de Cracovie et ses alentours que j'avais trouvé dans la journée. Mais ce n'était pas ça. Juste un foutu prospectus sur la villa Italienne que nous avions visité. J'avais envie d'hurler. Pourquoi le destin se liait-il contre moi à ce point ?

90 jours ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant