51 - Faites preuve de diplomatie

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Les roues de l'avion grinçaient sur le tarmac. On ne m'avait pas réveillée dans la nuit, si ce n'était pour me dire que l'avion était prêt à décoller. Pas de réveil, pas de nouvelles.

Mon repos s'était accompagné d'un nombre incalculable de cauchemars. Je revoyais tout : Ce vieux train à l'allure effrayante rentrant en gare, la partie de carte, l'arrêt brutal, et puis surtout, le moment où Frazer avait franchi la porte qui le menait vers la mort.

Le bruit sourd du moteur et l'extinction des lumières me fit comprendre qu'on allait décoller. Cette fois, il n'y avait personne pour serrer ma main dans la sienne. J'avais l'impression d'étouffer. Je perdais pied. J'allais débarquer à Varsovie. Ça ne faisait pas partie du plan. Normalement, à l'heure qu'il était, j'aurai déjà dû être à Kayseri, en Turquie. A présent, je comprenais que je n'y mettrai jamais les pieds.

Mon voisin était gros. Il dépassait de son siège pour mon plus grand malheur. Un tout autre jour, ce détail m'aurait peu dérangé mais aujourd'hui, j'avais l'impression que tout, du plus infime détail au plus grand, se liguait contre moi.

A ma droite, l'interprète était assise, fouillant dans son énorme mallette. Ils l'avaient choisi pour m'accompagner jusqu'à la voiture qui m'attendrait à l'aéroport. Sa présence aurait peut-être dû me rassurer. Pourtant, je ne sentais qu'un grand vide surplombé d'une immense injustice. J'étais en vie moi, en sécurité, mais qu'en était-il de Frazer, Julien et Théo ?

Minute après minute, je perdais un peu plus espoir. La prise d'otage semblait s'éterniser. Elle durait depuis plus de six heures maintenant. Que se passait-il ? Pourquoi était-ce aussi long ?

En arrivant à l'ambassade une heure et demi après, ce fut la première question que je posai. Malheureusement, je tombai sur une secrétaire qui ne semblait pas être bien à jour sur la situation...

L'ambassade se situait dans un immense bâtiment moderne de forme plutôt cubique. J'aurai du avoir peur ou au moins me sentir mal à l'aise. Pourtant, rien ne m'importait.

J'attendis dans le grand hall quelques minutes avant qu'un homme arrive et se présente comme l'ambassadeur de France et me sert la main.

- Je suis monsieur Lévy. Bienvenue en France, Lucie, dit-il dans un accent français parfait.

- Avez-vous des nouvelles de mes amis ? Redemandai-je brusquement.

Il haussa un sourcil, visiblement gêné.

- Oui et non, répondit-il honnêtement. La situation est très complexe, les terroristes revendiquent des choses que l'Etat ne peut pas lui donner. Notre meilleur négociateur est sur le coup, cependant. Si aucun accord n'est conclu, l'équipe policière de Cracovie et un renfort venu de Varsovie se tient prêt à délivrer les otages. Mais je vais t'expliquer tout cela dans mon bureau, une fois que nous aurons régler les formalités et que tu te seras reposée.

Je n'avais pas envie de me reposer. Je voulais bouger, agir, réfléchir. Je voulais Frazer.

- Mandy, déclara l'homme à une femme qui venait d'arriver, veux-tu bien montrer sa chambre à mademoiselle et lui fournir des vêtements propres ?

- Une chambre ? m'étonnai-je.

- Tu es mineure, me rappela-t-il. Il est fort probable que nous te gardions ici quarante-huit heures, voire plus selon l'état actuel des choses. Mais, comme je te l'ai dit, nous aurons l'occasion d'en reparler très vite.

Il me fit signe de suivre la fameuse Mandy. Celle-ci emprunta un couloir puis un autre avant de s'arrêter devant une petite porte qu'elle ouvrit précautionneusement.

90 jours ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant