L'ÉCRAMPOINT (partie 6) -- Propositions d'applications à d'autres domaines

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Propositions d'applications à d'autres domaines

Ayant démontré toute l'étendue du spectre des sens possibles du terme, ainsi que la perméabilité de multiples domaines d'activité à la notion meuble et fuyante de l'écrampoint, nous sommes en mesure de proposer de nouvelles acceptions possibles qui, si elles passaient dans la langue contemporaine (quoique la nature même dudit terme permette d'en douter), œuvreraient à la réhabilitation d'un lexème auquel on dénie depuis des siècles l'accès au lexique. Afin que l'écrampoint ne demeure pas perpétuellement, par sa destinée ou par son sémantisme, exclu de la langue, nous suggérons une liste non exhaustive de contextes dans lesquels il pourrait, en termes figurés, faire sens.

Dans le domaine des sports d'équipe, la « passe de l'écrampoint » pourrait désigner une feinte, dans laquelle le joueur, faisant mine de passer la balle à l'un de ses coéquipiers, la passe au dernier moment à un autre, déjouant à la fois les attentes de ses compagnons et celles de ses adversaires. L'on sent encore une fois le risque inhérent à l'utilisation d'une telle technique qui, tout en menaçant l'entreprise collective d'un échec cuisant, reste en accord avec les principes fondamentaux (s'il y en avait) qui présidaient autrefois à la construction des ponts à écrampoint.

La notion d'écran, immanquablement évoquée par l'écrampoint, nous amène tout naturellement à nous pencher sur des considérations de technique cinématographique et télévisuelle. L'on pourrait éventuellement parler, en termes cinématographiques, d'une « technique de l'écran-point », ou transition abrupte d'un plan à un autre qui, par une focalisation sur des objets aux formes similaires (par exemple, une bouteille de vin et la Tour Eiffel), semblerait préserver un semblant de continuité entre ces deux plans. Bien entendu, il faudrait, dans les instants qui suivent, démontrer une asymétrie fondamentale entre les deux objets qui ruinerait (en partie) la pseudo-continuité établie : si l'on passe de la Tour Eiffel à une bouteille de vin, il faut donc qu'une main quelconque se saisisse sur-le-champ de la bouteille pour se servir un verre, et détruise ainsi le pont à écrampoint établi par la transition d'un plan à l'autre. Nous concevons que cette acception du terme puisse sembler floue à des non-spécialistes, voire à des spécialistes (comme à nous-mêmes, dans une certaine mesure, puisque cette acception, après tout, n'existe pas), aussi nous contenterons-nous d'en revenir, pour notre dernière suggestion, à des concepts plus abordables.

À l'heure où le réseau internet pénètre chaque jour de nouvelles demeures, et où il suffit de « cliquer » sur un lien quelconque — donc, un pont en quelque sorte — pour se retrouver propulsé dans le cyberespace, nous proposons le terme « écrampoint » pour désigner tout lien erroné, périmé, ou qui, en d'autres termes, ne nous mène pas là où il promet de nous mener. Par extension, un écrampoint pourrait désigner toute invention n'atteignant pas son objectif, et dont l'existence, non justifiée, devient une contradiction.

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