ÉPISODE 117 - (partie 5/7)
Un riche propriétaire organisait une soirée mondaine dans l'un de ses hôtels de luxe. Rudy n'avait pas cherché à savoir comment son père avait eu vent de cette réception, le deuxième soir de leur séjour. Peu lui importait l'identité de l'hôte ; seules celles de certains invités l'intéressait. Depuis la terrasse du dixième étage, il observait le ballet des convives à travers les baies vitrées.
Dean passait pour un paradoxe : capable de se fondre dans le paysage tout en se démarquant de la masse. Il renvoyait l'image d'un requin en haute mer, dans son élément, à l'approche d'un banc de poiscaille. Rudy se souvenait d'un père revêche au brunch Meiridies, réception toute aussi luxueuse que la présente. Il n'avait juste pas envie de se montrer sociable, conclut-il, comme Dean charmait son entourage sans retenue.
L'objectif paternel était limpide : s'approprier la soirée. Laissant Dean à ses affaires, Rudy tourna le dos aux portes-fenêtres. À cette hauteur, la place du Dôme de Milan, illuminée, en mettait plein la vue. Ils s'étaient procurés leurs costumes dans la galerie commerçante qui la prolongeait.
Vieille de plus d'un siècle et demie, la Galleria Vittorio Emmanuele II mariait le prestige des monuments historiques aux tendances contemporaines. Dans ce « salon de Milan », le style baroque néo-classique côtoyait Prada, Borsalino et Louis Vuitton. On déambulait d'une librairie à un café, d'un restaurant chic à un antiquaire, parmi une kyrielle de boutiques rivalisant en luxe.
Rudy aurait aimé visiter l'endroit en compagnie de Rey. Non qu'il n'apprécie pas celle paternelle ; mais faire du tourisme avec Dean revenait à l'entendre étaler sa science ! Alors qu'il s'extasiait de la prouesse architecturale du lieu, son père rétorquait :
— En termes de prouesse, le Dôme surpasse la galerie.
Rudy attendait de visiter le fameux Dôme avant de valider. Certes, des centaines de milliers de touristes faisaient le déplacement à Milan, pour contempler la cathédrale de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge, l'une des plus hautes au monde. Mais le charme du Duomo di Milano avait moins d'attrait pour Rudy que l'arche à l'entrée de la galerie. Sans doute une question de sensibilité artistique. Ce à quoi son père avait répondu :
— Inculte.
S'en était suivie une longue leçon d'histoire sur l'architecture italienne. Dans ces moments-là, Rudy se souvenait qu'il tenait son côté passionné de son père. La divergence survenait au niveau de leurs centres d'intérêts.
— Réalises-tu que tu dénigres plus d'un demi-millénaire de construction face à une pauvre décennie ? L'une a été bâtie en six-cents ans, l'autre en onze !
— Ils ont commencé à construire cette cathédrale au quatorzième siècle ?! Ça ne les a pas soûlés ?
— Quand on aime, on ne compte pas, avait pontifié Dean, avant de se retourner sur l'arc faisant corps avec la galerie. Je t'accorde que cette arche est magnifique, mais je préfère l'Arc de Triomphe de Paris.
— Je suis du genre à apprécier ce que je vois, là où je vais, quand c'est beau. Pourquoi se prendre le chou à comparer deux arcs de triomphe dont chaque pays se glorifie ?
— Tu n'as pas l'âge de la jouer flegmatique. Le flegme ne te va pas au teint.
— Tu parles comme Andy maintenant ?
Troublé par sa remarque, Dean avait haussé les épaules.
— J'ai sans doute adopté quelques-uns de ses tics de langage, à force de le côtoyer.
— T'as déjà été à Paris ?
— À douze ans. Puis je suis revenu deux ans plus tard, en voyage scolaire.
VOUS LISEZ
HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE II
Romance. Quand le rock se marie au classique, les Beat'ONE font des rencontres bénéfiques à l'évolution de leur carrière. Mais l'une d'elles semble vue d'un mauvais œil par Dean, qui pressent des complications pour son couple. ...