ÉPISODE 113 - (partie 2/8)
Rey essayait un nouveau concept : assister en silence à un concert classique, en couvrant la pianiste d'anathèmes. Résultat de l'expérience : le temps s'allongeait, la prouesse devenait ennui, ce qu'on avait jadis savouré écœurait.
On trouvait les choses belles lorsqu'on était disposé à les voir « belles ». Rey avait été fan du talent qui recueillait à présent l'ovation du public. Mais depuis quelques jours, l'existence d'Heidi Mei était laide. Qu'on l'accuse d'un manque d'objectivité ne l'empêcherait pas de détester cette fille. Sa rancœur était son moteur. Nourrir sa colère l'aidait à garder la tête froide face aux rapides et cascades du cours agité de sa vie.
La culpabilité, corrosive, le rongeait depuis l'annonce du coma de Marshall, il y a deux jours. Mais la douleur lui permettait de garder le cap sur ses objectifs. Premier objectif : clarifier la situation avec cette Heidi Mei. Cette créature, surgie de nulle part pour semer le trouble dans son couple, mettait en péril sa relation avec son petit-ami. Dans l'hypothèse où elle n'y serait pour rien, Rey s'assurerait tout de même de lui faire comprendre ce qu'elle risquait en devenant un obstacle. Il n'éprouvait aucun remords à écraser un insecte s'étant trouvé au mauvais endroit.
Le plus irritant était de se douter de l'innocence de la jeune fille. Rudy n'était pas du genre à se faire avoir par une intrigueuse. Son petit-ami agissait par altruisme. Mais le ressentiment de Rey envers le déclencheur de ses tourments était bien réel. Elle n'aurait pas dû apparaitre dans leur vie.
« Rudy la connait depuis son enfance. L'arriviste, c'est toi. »
Rey ravala un grognement d'humeur. Inutile de comparer l'incomparable ! Son année et demi de relation avec Rudy valait toute une vie.
Il présenta au premier cordon de sécurité un badge le désignant comme agent de presse musicale. Il fallait montrer patte blanche pour passer. Soit la famille Meiridies avait subitement pris conscience de l'importance du talent de la virtuose, soit son statut officieux de « future bru de la famille Leblanc » imposait cette nouveauté.
Rey aurait pu profiter de sa proximité avec Will pour s'introduire en coulisses. Le créateur appartenait à la meute des invités d'honneur au concert de ce soir. Mais il comptait entretenir Heidi à l'abri d'oreilles indésirables. Et Will ne cachait pas son coup de cœur pour l'artiste au génie décalé. L'homme voyait en elle une muse, quand Rey ne discernait qu'une nuisance.
Grillant sans scrupule la politesse à ceux qui le devançaient, il se faufila dans la file de presse. Les agents de sureté assistèrent sans broncher à ce manque de convenance. Ils n'eurent pas plus de réaction lorsque Rey demanda l'accès aux loges. Rien d'imprévisible, il s'y attendait. Rey présenta sa pièce d'identité à l'un des deux gardes et se pencha vers lui. Il surplombait l'homme d'une tête, mais ce dernier possédait le double de sa musculature. Il en fallait cependant plus pour l'impressionner.
— On peut trouver un arrangement, Mr Monty.
Le concerné le toisa, à l'évocation de son nom. Rey afficha une assurance sans faille.
— Ce serait dommage pour votre start-up, que ma compagnie bancaire dédaigne le prêt dont vous faites la demande. Ça rapporte surement un pactole de garder une virtuose ; un tel talent se protège au prix fort. Mais est-ce suffisant pour vous assurer une retraite acceptable, en plus de la fac de vos gosses ? J'espère que vous avez souscrit à une bonne assurance vie, vu la dangerosité de votre métier. Un fan zélé, et un accident est si vite arrivé...
Du regard, Rey s'assura que l'homme lui accordait toute son attention. La réserve de l'agent en disait long sur son intelligence. Il se savait en position délicate.
— Ce serait attentionné de votre part de retenir ces braves gens derrière moi, pendant une dizaine de minutes. Coop-Company© vous renverra l'ascenseur.
— Pardon ?
Rey l'aida à saisir les enjeux en lui mettant sous le nez sa carte professionnelle. Pris de court, l'agent Kanye Monty la lut. De plus en plus effaré, il dévisagea Rey de la tête aux pieds. L'intervention de son acolyte fut interrompue d'un :
— C'est bon, Harper. Il n'y a aucun souci.
Rey lui sourit.
— Vous êtes bien aimable, Mr Monty. Je saurai m'en souvenir.
Ainsi passa-t-il le second cordon de sécurité, insensible aux imprécations indignées et aux regards furieux des premiers arrivés.
— Tu me crois, si je te dis que ce gamin est le patron de la banque et société de trader que j'ai choisi pour monter ma boîte ? fit Kanye à son comparse.
Ce dernier lui servit une œillade sceptique.
— Tu veux que je gobe ça ? Il m'a tout l'air de ces peoples. Vu sa dégaine, ça doit être l'un des poulains de l'écurie de l'autre créateur, là. Le type de W.M. Il court après la fille ou le scoop. Qu'est-ce qu'il t'a pris de le laisser passer avant les autres ?
— Je te dis que c'est Lee-Cooper, le directeur général de Coop-Com©.
Kanye tendit la carte professionnelle à son collègue. Le petit carton de belle facture, frappé du logo de la société, indiquait : « Mr Rey Lee-Cooper, Chef Executive Officer, Coop-Company©. » Sobre et efficace.
— Il connaissait mon nom, tu l'as entendu. Et il sait que j'ai fait une demande de crédit à sa compagnie.
— Sérieux ?!
— Si on lui gagne dix minutes, il m'accorde ce prêt. Y'en a pour soixante-quinze mille briques, frère. Tu vas pas me laisser tomber ?
Harper tourna et retourna la carte, sidéré. Kanye finit de le convaincre :
— J'ai vu sa pièce d'identité. C'est bien Lee-Cooper, le nom du big boss de Coop-Com©.
— Mais pourquoi il avait un badge « presse », au lieu d'une invitation VIP ? s'étonna Harper.
— Laisse couler, vieux.
Il était avisé de ne point chercher à connaitre les motivations de ces individus au patronyme puissant. Sur ce, les deux hommes dardèrent à nouveau leur regard de doberman blasé sur la file d'attente, sourds aux protestations de ceux qui faisaient le pied de grue devant l'accès aux loges.
Avec une satisfaction éphémère, Rey trouva sans difficulté la loge de la pianiste. Pour sa veine, elle se trouvait seule avec une visagiste, occupée à lui retirer le maquillage du personnage à la fois lugubre et féérique qu'elle incarnait sur scène. Les adultes responsables étaient plus soucieux de recevoir les présents et félicitations destinés à la virtuose, que de sa protection. Rey l'enleva sans tenir compte de l'avis des deux femmes.
— Ne discute pas et suis-moi.
Son ton autoritaire mit Heidi au pas. Docile, elle le suivit, comme conditionnée à obéir, hébétée par cette visite brusque et inattendue.
*o*o*
TBC ◊ EPISODE 23 – part 3
Partie courte. Elle introduit le long face à face entre Heidi et Rey. Qui sortira vainqueur de cette joute ? "See you for the next battle!" (*à lire avec la voix off du jeu Tekken ou Street fighter*)
*MEDIA*
Intro vidéo : Billy Talent - Pins And Needles. Une chanson qu'on trouverait bien dans la playlist de Rey.Is it worth the pain, with no one to blame?
For all of my insecurities
How did I ever let you go?
.
Questioning her good intention
Jealousy's a bad invention
When you push on glass, it's bound to break
.
Even when she was defensive,
It just gave me more incentive
The more you squeeze, the more it slips away
.
I never walked so far on a lonely street
With no-one there for me
Is it worth the pain, with no one to blame?
For all of my insecurities
How did I ever let you go?
![](https://img.wattpad.com/cover/136888680-288-k195737.jpg)
VOUS LISEZ
HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE II
Romance. Quand le rock se marie au classique, les Beat'ONE font des rencontres bénéfiques à l'évolution de leur carrière. Mais l'une d'elles semble vue d'un mauvais œil par Dean, qui pressent des complications pour son couple. ...