HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE II

S04 - EP 20 ✦ part IV

ÉPISODE 110 - (partie 4/6)

Face au miroir de la salle de bain, Dean avait du mal à reconnaitre le regard tourmenté que lui renvoyait la glace. Comme les fibres de la tête de sa brosse à dent électrique, ses pensées tourbillonnaient. C'était une nuit de cyclone ; la météo de sa planète annonçait un typhon.

Parler. Mot étrange, pour qui ne savait que dire. Par quoi ou par où commençait-on, quand il y avait tant de choses à raconter ? En outre, à cause de leur nombre, elles s'étaient mélangées, imbriquées les unes aux autres, et avaient perdu en clarté. Leur exactitude lui faisait défaut, aujourd'hui. Le poids d'une décennie de silence en avait enseveli certaines, quand celui de la maturité en émoussait d'autres.

À trente-quatre ans, Dean n'appréhendait plus son passé comme à vingt-quatre. Désormais, une partie des raisons de ses actes lui semblait caduque. De quoi le mettre en querelle avec lui-même. Ce n'était pas tant ses conflits avec les siens qui le minaient. Il était son propre adversaire. Son pire adversaire. Sa « Petite Voix », sa foutue conscience, était l'engrais de sa culpabilité envers une situation pour laquelle il refusait cependant de subir le châtiment.

Mais le doute avait semé ses graines, et leur germination générait cette remise en question horripilante. Comment continuer de reprocher des choses à son passé, quand son présent se révélait coupable des mêmes crimes ? Pourtant, sans sa scission avec ses origines, il ne serait pas devenu cet homme qui s'accomplissait et dont il pouvait parfois être fier. Parce qu'il avait rencontré un autre homme ; embrassé son univers, happé par son courant.

Voilà qu'Andy lui demandait de parler. De l'inviter dans son monde. Il le lui devait. Mais par quelle porte l'y introduire ? Ce n'était pas facile d'en briser les sceaux d'entrave. Pourquoi je me prends la tête ? Ce n'est pas comme si j'allais lui lire mon autobiographie ou lui narrer mes mémoires.

Parler de ses craintes, de ses sentiments face à certaines situations, serait libérateur. Il le savait. En réalité, l'épreuve consistait à se départir de sa lâcheté. À se montrer à la hauteur du courage de son amant. Red avait osé briser sa glace et mettre à nu une âme couverte de cicatrices. Certaines blessures suppuraient encore. À lui d'exposer les siennes. Ou à défaut, sa plus grande peur : l'éloignement de son fils, cet ange qui l'avait sauvé de sa perdition.

Plus tard. Pour l'heure, il avait besoin de réconfort. Il se sentait nauséeux, pris à la gorge par une déprime biliaire. Se remémorer son passé avait toujours un effet émétisant. Ses manquements, son absence de discernement, sa position d'instrument... Son white project en L.E.A.D-4 l'avait changé en faux de l'Empire. Tant d'avenirs et de présents détruits par sa main, et rien d'entrepris pour réparer. Parce qu'il avait fui. Sans doute par couardise, par peur, ou à cause de sa jeunesse ; mais plus que tout, il ne savait pas comment s'amender. Et c'était toujours d'actualité.

Dean Lightfoot III Leblanc avait trop de bagages. Ce serait cruel d'en partager le fardeau à Andy Rell, connaissant le vécu de ce dernier.

Au moment de se mettre au lit, le sourire bravache de son amant face à son silence lui fendit le cœur. Du temps. Comme son fils, il avait besoin d'ordonner ses pensées, de les aligner avant de les exposer.

— Accorde-moi du temps, et je parviendrais à tout te dire, murmura-t-il, comme il se lovait contre Red.

Son bras possessif autour de la taille du jeune homme trahissait surtout ses incertitudes. Sa crainte un peu infondée de l'abandon de Red, parce que lassé d'attendre. Dean ne le laisserait pas s'envoler. Il déposa un baiser tendre sur son épaule. La pression sur sa main lui indiqua que Red appréciait l'attention. Il s'endormit, passablement apaisé.