S04 - EP 21 ✦ part II

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ÉPISODE 111 - (partie 2/6)

La tête que fit Regan, lorsque Natasha lui demanda de partager gentiment sa chambre avec son cousin, cette nuit-là, n'eut pas de prix. La susceptibilité du jeune homme était si aisée à chatouiller. Offusqué d'être tourné en bourrique, Regan se retira dans ses quartiers. Le « sans rancune » de Rudy rencontra une porte claquée au nez. Il pouffa. Il découvrait l'étendue de l'espièglerie de sa grand-mère, et il adorait.

Il se rendit enfin dans sa chambre. Son ancienne chambre. Elle l'attendait, inchangée. Ou presque. Seul le lit avait grandi. Le reste était figé, comme dans un arrêt sur image. Un arrêt dans le temps.

— C'est quoi cette blague glauque ? souffla-t-il, en proie à un malaise.

Pour le coup, cela n'avait rien d'espiègle. C'était un mauvais rêve. Mais une part de lui dut admettre qu'il aurait été déçu de ne pas retrouver la chambre de son enfance. Il aurait sans doute eu le sentiment qu'on en avait nié l'existence, si, à la place, il avait trouvé un débarras, un atelier, ou toute autre pièce non destinée à recevoir Morphée. Sa mémoire lacunaire en savait gré à ses grands-parents, de n'avoir rien touché.

Dans un état second, il arpenta la pièce. Alice au pays des Merveilles avait certainement ressenti cette émotion. Cette sensation d'avoir été catapultée dans un monde parallèle. Il reconnaissait tous les objets, mais ils lui paraissaient étrangers. Ceci avait constitué son univers, pourtant, cela appartenait à un autre monde. Une autre vie.

Personne n'y était plus jamais entré, si ce n'est pour faire le ménage ; nettoyer la poussière, aérer. Durant ses vacances de printemps dernier, il avait séjourné chez son oncle. Mais ses souvenirs, du mobilier à l'odeur, l'attendaient de pied ferme au manoir. Tout y était. Rires, larmes, cauchemars, jeux, rêveries, musique.

Le petit bureau en bouleau massif, les petits poufs aux teintes acidulées, le petit tapis duveteux au motif hypnotique qu'il reproduisait sur le moindre bout de papier, le petit pupitre à partitions, les petites frises nuance bleu zircon des rideaux – parce que le bleu était sa couleur préférée –, le grand tableau peint par son père, deux jours après sa naissance, le grand cadre fantaisiste où étaient aimantés ses photos de maternelle et de primaire, la grande bibliothèque trop imposante pour un enfant de sept ans, ses grands posters de voitures sportives...

Rudy saisit l'un des doudous posés sur la commode. Ceux qui n'avaient pas trouvé grâce aux yeux de son père, quand Dean avait décidé de partir. Il tourna sur lui-même et lutta contre un début de panique. Il sentait venir la crise d'angoisse. Une impression de tangage, face à son sentiment de déracinement. Il était chez lui, mais il n'était pas à la maison.

Pris d'une soudaine frénésie, il se jeta sur les étagères de sa bibliothèque. Le livre choisi au hasard fut à peine feuilleté, qu'il en sélectionnait un autre. Il ne savait pas vraiment ce qu'il cherchait. Juste assouvir le besoin de toucher. Remuer les panières de rangement, fouiller dans ses bacs à jouets, regarder sous le pupitre, ouvrir les armoires.

Quel était l'objet de sa quête ? Son passé ? Une preuve de sa légitimité en ce lieu ? Soudain, une odeur florale assaillit ses sens par surprise. Elle avait attendu qu'il baisse sa garde pour le projeter avec brutalité dans un voyage spatio-temporel. Ouvrir ce tiroir de sa commode avait été mal avisé.

Son père disait qu'il possédait une mémoire « olfactive ». Les souvenirs, les émotions, étaient plus fortement déclenchés par son nez. Rudy eut une révélation : il comprit enfin pourquoi il adorait le parfum de Red. Il sut d'où lui venait le sentiment de quiétude et de sécurité avec les câlins d'Andy. Ce n'était pas seulement parce que l'odeur du chanteur lui évoquait celle de Dean.

HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant