S04 - EP 22 ✦ part V

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ÉPISODE 112 - (partie 5/7)


— Jeff, amène-toi deux secondes.

— J'ai pas le temps, Red.

— Allez, steuplait, supplia Red en lui faisant signe d'approcher.

Jeff ravala un soupir quand sa cible disparut en coulisses. Peu serein après ce que lui avait dit Will, il comptait en discuter avec Jay. Mais la fin de la première répétition avait révélé de nombreux points à perfectionner, et Jay travaillait déjà dessus avec leurs ingénieurs du son. Premier défi à relever : dompter l'acoustique particulière du Palais d'Opale.

L'opéra de Saunes se présentait comme trois salles de concert, de capacité décroissante. La plus grande, le Great Symphony Auditorium, comptait 2700 places, contre 1600 sièges pour l'Orchestra's Palace, la plus petite. Le Palais d'Opale, d'une capacité assise de 2000 spectateurs, pouvait accueillir jusqu'à cinq cents personnes supplémentaires, debout. Il se distinguait par son acoustique exceptionnelle, raison de sa réservation exclusive pour les représentations scéniques. Les deux autres accueillaient aussi des congrès, des cérémonies d'Awards, et des cocktails.

Les locaux techniques s'apparentaient à un labyrinthe de dédales, de tapisserie luxueuse et de lustres. Jeff n'avait aucune chance d'y rattraper Jay, s'il ne savait pas avec exactitude où se rendait ce dernier. Il prit sur lui pour écouter la complainte de Red.

Son chanteur, comme tous, n'était pas satisfait de la séance. Mais contrairement aux autres, les raisons du mécontentement de Red voguaient sur des eaux plus étranges. Ajuster les instruments et réarranger les temps de musique entre l'orchestre et le groupe n'étaient pas ses principales préoccupations. Leur professionnalisme gommerait cette tache au tableau, que le problème subsisterait toujours. Red peinait, cependant, à verbaliser son ressenti.

— Je ne sens pas de... « communion musicale ». Tu vois ce que je veux dire ?

— Red, on joue, pour la première fois de notre vie de groupe rock, dans un opéra avec une acoustique unique. Laisse-nous le temps de nous adapter.

— Ne le dis pas en soupirant. Et c'est pas de ça que je parle. Viens, insista Red.

Il prit Jeff par le bras et l'entraina vers le fond de la scène.

— Si je l'approche avec toi, il n'aura pas envie de prendre la poudre d'escampette. Il t'aime bien.

Jeff réalisa sa méprise, puis s'impatienta :

— Putain, Andy, lâche-lui les miches !

— On ne s'est pas vus depuis Soslë, et il m'évite depuis mon arrivée. Je crois que je le trouble.

— Sans blague, lâcha Jeff. Tu ne serais peut-être pas « toi », il t'éviterait moins.

Red lui lança une œillade offusquée. Mais Jeff comprenait que le chef d'orchestre, Edvin Srzenski, ait toutes les raisons du monde de tenir son chanteur à distance. Pour son malheur, l'homme cumulait les qualités d'une proie du prédateur Red Kellin.

À commencer par un patronyme que Red jugeait exotique, quand Jeff le considérait juste plus polonais que tchèque. Venaient ensuite sa blondeur scandinave et des yeux d'un bleu si clairs, que ses iris en paraissaient translucides. Enfin, son caractère n'avait pas le charme de son physique, et difficile, hélas, de dire si c'était un mal pour un bien. Edvin était hautain, jusque dans sa répartie cinglante ; un contraste qui, tantôt, attisait le mauvais génie de Red, tantôt attirait son cœur d'artichaut.

Plutôt jeune pour sa profession, trente ans, Edvin justifiait son attitude par son talent. Impossible de le lui nier, en tenant compte de la durée d'études et du nombre d'aptitudes requises pour diriger un orchestre philharmonique de 75 musiciens. Polyglotte, il s'exprimait couramment en tchèque, langue de la patrie de son père, maitrisait le finnois, langue apprise d'une mère finlandaise, et parlait allemand. Il cherchait de temps en temps ses mots en anglais, mais seul un sot se moquerait des lacunes d'un individu possédant un tel bagage linguistique.

HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant