Partie 2 : Réelle - Ch. 8 Avec loquet de sécurité (fin)

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Corinne :

Je suis sans voix. Ma timidité me fait rougir, mes rougeurs me rendent timide, la boucle est bouclée dans le tourbillon de la honte, si fort qu'elle m'étrangle. Alors, c'était ça, il m'espionnait par plaisir, sans rien de calculé, rien de logique. Comment ai-je pu lui taper dans l'œil à ce point ? Il s'était drogué ou quoi, ce jour-là ?

—Je... je ne comprends pas, balbutié-je, je danse comme un robot détraqué.

—Si vous veniez voir un jour mes autres photos, vous comprendriez.

Ah, la voilà, l'invitation ! Je l'attendais... Mon corps se crispe à nouveau. Je ne suis pas une bête de foire ! Je ne suis pas dupe non plus ; me retrouver seule chez un type aux rituels louches ? Il rêve !

—Je vous l'ai dit, Renard, je n'aime pas être pris en pitié. Votre mansuétude de chrétien qui veut expier ses fautes, ça ne m'intéresse pas. Ma silhouette est spéciale, et alors ? Je vis bien avec !

Ses sourcils se lèvent bien haut et un rictus déforme ses lèvres. Il a retrouvé son goût du piquant ? Je ne sais plus à quoi m'attendre après ses déclarations grotesques. Mais il ne dit qu'un mot. D'une voix railleuse, aux tons suaves, tandis que son sourire s'élargit.

—Orgueilleuse.

Mes joues chauffent de plus belle. Mon regard noir semble le distraire. Adieu, l'homme honteux ? Il reprend la parole, vu que je garde mon silence par défi.

—Vous savez, quand vous avez écrit ne pas vouloir de ma pitié, c'est sans doute l'instant où j'ai eu le plus envie de vous rencontrer. Quand je lis vos lettres, j'ai l'impression d'être dans une caverne, avec beaucoup d'écho. Vous connaissez le mythe de la caverne de Platon ? Eh bien, je suis dans la vôtre, je contemple les reflets que vous m'autorisez à voir et j'espère me rapprocher du véritable « vous ». C'est lui qui m'intrigue.

—Je ne vois rien chez moi qui mérite d'intriguer un voisin.

Mes bras se recroisent. Ne me cache-t-il pas autre chose ? Son air devient grave, l'atmosphère s'alourdit et se réchauffe à la fois, tant son regard devient intense. Il se penche, laisse planer le silence, se racle la gorge et serre ses jolies lèvres. J'ai l'impression qu'il sonde mon esprit en percevant tout de mon mélange de malaise et d'attirance.

—Pourquoi êtes-vous gênée qu'on vous regarde ? Vous dites que vous vivez bien avec votre silhouette, mais vous êtes tendue comme une corde à linge dès qu'on complimente votre physique. Avouez que ce n'est pas très cohérent.

Merde, il s'est pris pour mon psy, ce gars ! De quel droit me pose-t-il une question si profonde ? Je décide d'éluder la question. Il a, hélas, bien trop raison.

—Vous êtes sûr que vous n'étiez pas charlatanrapeute, plutôt que photographe ?

Ses épaules se secouent sous le rire qu'il étouffe tant qu'il peut. Son œil malicieux me convainc de rester zen. Il a finalement plus une allure de sale gosse que de psychopathe. Mais je dois l'empêcher de se payer ma tête une seconde de plus.

—Au fait, pourquoi avoir arrêté, si ça vous plait tant que ça, la photo ?

—Comment savez-vous que j'ai arrêté ?

Ah, on retrouve son sérieux, tout à coup, n'est-ce pas ?

—Internet. Mais ils ne disent pas pourquoi. Vous avez retiré votre participation à une expo au musée de la photographie de Charleroi, ce n'est pas rien.

Mon regard sur toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant