Partie 3 INTIME - Ch. 14 "UN paravent devant la lucarne (2)"

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Je pouffe, mais il passe de la sottise au sérieux en se relevant. Il se penche, générant de l'embarras chez moi, tellement il ne me lâche pas du regard. Ses paupières se plissent et deux éclairs bleus me pourfendent, avec une voix en fond, sourde comme le tonnerre :

—Mangerais-tu le dessert avec moi, Corinne ?

Quoi, tout ce cinéma pour ça ? Soudain, je me remémore la scène chez moi. Sa colère de me voir refuser ma part de tarte à cause de mon poids au derrière. Il n'a rien oublié, rien ne changerait dans son discours virulent. Ma gorge se noue en y repensant, alors je me contente d'opiner du chef.

—Tant mieux. Parce que tu n'as aucun kilo à perdre.

Il l'a dit sans détour et sans s'écarter de moi, articulant à peine. Mais je ne sais pas comment l'encaisser, entre le plaisir d'une parole gentille et la tristesse de l'illusion jetée en pâtures. Je sais que je dois perdre, je sais que sinon, ça va se reproduire, encore et encore, mon quotidien ne changera pas pour les doux yeux de Mike. Je crois que j'ai hoché la tête sans réfléchir, dans un « non » subreptice, car il fronce les sourcils plus fort. Il est resté trop près pour que je ne grimace pas face à sa mine grave. Il devient un peu flippant. Mais, dans un soupir, il détend ses traits, et c'est le dépit qui remplace sa colère.

—Mais enfin... pourquoi ? Pourquoi es-tu si dure avec toi, qu'est-ce que... ?

Il amorce un geste vers moi et je recule d'un bond. Mon sursaut accompagné d'un cri étouffé a dû résonner dans toute la pièce. Stupéfait, Mike me fixe. Je crois qu'il me perce de plusieurs parts, son expression est marquée par une stupeur clairvoyante, un cerveau aux idées nouvelles sur ma personne. Je me sens une fois de plus trop transparente ; mes bras se replient, mes doigts aussi, comme si j'étais nue et que je cachais ma poitrine sous mes poings et mon pubis entre mes cuisses.

—Putain de merde... grogne-t-il lentement, on t'a fait ça ? Touchée de force ?

Je ne vois pas quoi lui répondre. La stupeur m'a volé ma voix. C'est un cauchemar, d'où il sort ça ? J'en parle quasiment jamais.

—Corinne... c'était un viol ?

J'aimerais lui dire que cette fois, c'est lui qui imagine trop de choses ; pour une fois, j'aimerais une parole qui allège l'atmosphère, mais rien ne me vient. J'en suis incapable, je ne suis pas Mike. Je secoue juste la tête pour dire « non ». Mon regard se pose au sol. Je ne peux pas le laisser lire dans mes yeux les mauvais souvenirs qui défilent en moi.

—Des attouchements ?

J'oscille le cou, je ne sais pas si ça vaut ce terme, mais... y a un peu de ça.

—Pourrais-tu être plus claire sur cet aspect de ta vie ?

Dans un soupir à trancher mon âme, je le regarde à nouveau, mimant un refus désolé. Je crains qu'il ne l'emploie pour me harceler, que ça se répète... Lui aussi soupire, revenant près de mon corps tendu.

—Ce doit être compliqué à évoquer, admet-il plus doucement. Tu m'assimiles à ceux qui t'ont fait ça, n'est-ce pas ? Parce que je force tes barrières, moi aussi. Quand tu fais la guerrière avec moi, que tu mets des holàs, c'est une façon de combattre, non ? Je paye pour les autres...

Je n'avais jamais vu ça sous cet angle, mais maintenant qu'il le dit... Sa main revient, courbée vers mon front, comme on prend la température au toucher. Son mouvement prudent m'inspire confiance, je ne recule pas. Il est dans la confidence, c'est différent. Il caresse ma chevelure, puis le bord de mon visage. Mais s'écarte, d'une façon brusque qui tranche avec la délicatesse de son contact.

Mon regard sur toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant