Partie 3 INTIME - Ch. 21 la brume sur le verre (fin)

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Corinne :

La douche chaude appelle les mises au point, le ralenti sur ma vie. J'en avais bien besoin. Tout est allé si vite. Mikael Renard, cet homme si étrange, mais maintenant, je sais pourquoi. Il sait aussi pourquoi moi, je le suis. C'est pire qu'une thérapie. Il a tout fait ressurgir, tel un gourou en plein rituel. Je ne luttais plus, j'étais mise déjà à nu sur le canapé sous cette dernière épreuve, le faire ensuite physiquement était devenu facile. Il m'a accueillie avec tous mes démons. Et les siens... comment puis-je l'aider à passer outre ? La trahison de Laeticia... la maladie... Guillain-Barré, il a dit. Faudra que je cherche ça sur le net.

Est-ce que tout ça te répugne ? Non. Mike est bien des choses, mais il n'est pas répugnant. Je saisis mieux l'idée des lettres, la distance physique. Il n'aime pas son corps. Je n'aime pas le mien. Je le comprends. Il l'a su bien avant moi. Dur de prédire sa souffrance, il est si bel homme, avec son regard hypnotique. Mais alors, c'est pareil pour lui, il me voit belle et pas que pour chatouiller mes complexes ? Il croise mon regard et se dit « Bon sang, pourquoi se rejette-t-elle comme ça ? » ? Parce que moi, c'est ce que je me dis sur lui. Sa santé ne me fait pas peur. Il faudra juste que j'intègre les réflexes. Ils ne m'empêcheront jamais de découvrir les journées écoulées avec un homme à aimer. Lorsque je sors pour m'essuyer, un petit coup retentit sur la porte du fond.

— Je peux venir ? demande une petite voix ensommeillée.

Oups ! Amélie. Je me dépêche d'enfiler mes habits d'hier.

— Attends une minute.

Oh non, je vais devoir remettre la même culotte ! Celle qui n'est pas sortie indemne de nos galipettes... Seigneur, la honte ! Faites que les gosses soient encore assez innocents à cet âge-là pour ne pas m'embarrasser encore plus. J'ouvre la porte et me frotte le visage avec l'essui pour justifier mes rougeurs.

— Corinne ? T'as dormi ici ?

Je baisse le tissu... Courage, il va bien falloir affronter la situation ! « Oui ma puce, j'ai même couché avec ton papa ». Oh misère... Mon regard croise ses yeux ronds et son air surpris me désarçonne. Elle est ravie, déçue ?

— Euh... Oui, il était tard, je parlais avec ton père et je... ben je suis restée, du coup.

Bravo Corinne, quelle répartie ! Pas étonnant que Mike se paye si souvent ma tête quand j'essaye de répliquer à ses piques. Amélie a toujours les sourcils haussés, mais étire un sourire en s'avançant dans son pyjama licorne.

— Papa t'aime bien.

Elle pose ses habits près de la douche, comme si rien ne changeait dans ses habitudes. Son attitude et sa franchise me ramènent le sourire. Je me maquille avec les accessoires de secours tirés de mon sac à main.

— Ha ! Oui, c'est vrai. Et je l'aime bien aussi. Et toi ?

Je m'écarte pour la laisser prendre un gel douche sous le lavabo. Elle prend un petit genre de future dame, les gestes un peu maniérés et le ton badin, ce qui me fait rire intérieurement. On parle de choses profondes comme si on discutait de la météo.

— Moi ? Je t'aime bien aussi. T'es pas barbante. Puis tu fais du bien à papa. Pas comme maman. Elle sait même pas qu'elle lui fait mal, elle est co... elle est bête, se rattrape-t-elle aussitôt.

Ma moue hésite entre le soulagement et l'envie de la gronder. Serais-je déjà en train de jouer les belles-mères ?

— Voyons, il ne faut pas l'insulter, c'est ta maman quand même. Elle serait triste d'entendre ça, elle s'occupe de toi. C'est vrai qu'elle n'a pas été cool avec ton papa, mais ça ne change rien à son amour pour toi. Ce sont des choses différentes.

Mon regard sur toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant