À mon retour chez moi, Nora est directement venue me voir, même s'il était plus de 22h. Elle voulait visiblement s'assurer que j'étais rentrée en un seul morceau.
—T'exagères, soupiré-je.
—Quoi ? J'exagère ? C'est un pervers !
—Il n'a pas pris de photos malsaines ce soir ! Et il ne compte pas les diffuser.
—Ouais, qu'il dit. Ensuite, dès que tu ne feras pas comme il veut, il te menacera encore. Ne sois pas naïve, Corinne !
Nouveau soupir. Je repense à ses dernières paroles, aux médicaments, à sa crampe étrange... aux propos du gérant...
—Nora, il... je pense qu'il est malade.
—On est d'accord !
—Mais noon, pas dans ce sens-là, ricané-je. Physiquement !
—Sérieusement ? Un type te mate sans honte comme une pute en vitrine et tu ne penses qu'à soigner sa grippe ?
Je lève les yeux au ciel, exaspérée par son entêtement.
—Je ne parle pas d'un petit virus soigné à l'antibiotique. Il a un semainier, il marche bizarrement et... Seigneur, tout à l'heure, il... !
Je m'interromps en expirant avec tristesse, l'œil perdu vers mon balcon entrouvert. Je ne sais pas s'il est bon d'en parler à Nora. Nadia serait sans doute plus compréhensive.
—Il quoi ?
—Il a eu très mal, voilà, résumé-je, dépitée. Il ne m'a pas touchée contre mon gré et il m'a traitée correctement, tu ne veux pas juste admettre qu'il a peut-être revu son comportement ? En tout cas, je lui offre le bénéfice du doute, aujourd'hui.
Et je ne peux pas lui dire pourquoi. Je ne veux pas revenir sur ce qu'il s'est produit. J'ai encore en tête les détails de cette montée d'angoisse incontrôlable. Les détails de son étreinte demandée avec précaution, de ses questions bien placées, de... son odeur. Et ses yeux perçants. Bon sang, je les revois tout le temps ! « Mangerais-tu un dessert avec moi, Corinne ? », dire que tout est parti d'une question si anodine. La force de son expression et de son regard a fait le reste. Nora me sort de mes réminiscences teintées de taches bleu électrique.
—Ça ne se balaye pas comme ça. Il aime te mater, bon dieu ! Vous allez vous revoir ? Il t'a proposé quelque chose ?
—Non. Ce sera dans une prochaine lettre, je présume...
C'est fait, j'ai préféré mentir. Je suis lasse, j'ai pas envie de l'entendre dire qu'il va se branler sous l'eau devant mon corps en maillot. Il est certes étrange, mais il n'est pas comme ça. Par contre, je mettrais ma main au feu qu'il a déjà eu envie de m'embrasser. Toi aussi. Peut-être, oui. Je redoute la réaction de mon corps comme de mon esprit. Ce soir, aurais-je accepté ou envoyé une claque bien sentie ? Ça m'a remué les tripes, qu'il caresse mon visage de sa main hésitante pour mieux me fixer. J'ai senti mes joues chauffer et ses lèvres s'entrouvrir à cet instant, je pourrais encore le jurer.
—Il t'attire, pas vrai ? Corinne, juste... fais attention à ne pas t'attacher à un salaud. Je sais à quel point tu n'es pas parée contre ça. Je parle pas du petit con qui te siffle en rue, mais du gros, du pur salaud qui touche au cœur. Garde en tête qu'il peut aussi t'embobiner.
—À moins que ce ne soit moi qui l'embobine, rétorqué-je en souriant.
Je sens son regard perplexe dans mon dos pendant que je déploie le clic-clac et sors d'un tiroir en dessous de lui mes draps et ma chemise de nuit. J'aimerais qu'elle comprenne que je n'ai vraiment pas envie de la faire longue.
—S'il flashe assez sur moi, peut-être vais-je le convaincre de ne pas garder mes photos, sous peine de rompre tout contact... un chantage contre son chantage, tu vois ?
—Hmm... Retourner contre lui son intérêt pour toi ? Ça pourrait marcher...
Sur cette entente, je clos la discussion. Je veux garder les détails de cette expérience pour moi, pour nous. J'ai bien trop de mal à poser des mots sur ce que je viens de vivre.
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Mon regard sur toi
RomanceCorinne Leclerq a 30 ans et mène une vie... Enfin, elle mène une vie. Elle travaille, rentre, dort. Un couple, un crédit hypothécaire ? Il n'en est rien. Corinne a sa chatte Cristie, un studio, point. C'est ainsi, quand personne ne nous remarque, sa...