Mike :
Quand la porte des toilettes claque, je parviens enfin à descendre du nuage de confusion où mon inconnue m'avait propulsé. Je jette un œil aux photos éparpillées. Clairement, ce souci va plus loin que le choc de l'intimidation. Elle est coincée au-delà du bête silence judiciaire, on la dirait... acculée. Des photos « hideuses »... Merde, ce n'était pas ça, l'idée.
Un bip me sort de mes songes : message reçu. D'Anne-Lise.
Alors, ce rendez-vous « privé » ?
Dans un soupir, je lui réponds. Je sens mes doigts se raidir tandis qu'ils tapotent l'écran, puis récupèrent les photos. Dextérité fine difficile, ce n'est pas bon. Soudain, la tension est retombée trop vite et je sens poindre le mal de tête. Je n'ai vraiment plus l'habitude de ces jeux de séduction et il faut bien avouer que je ne pars pas gagnant du tout. Et quel cadre de rêve : photos intimes, menaces... y a pas à dire, je suis un pro du romantisme.
Bof. Je crois que je lui fais peur.
En même temps, c'était un peu ton objectif de départ, ducon ! Alors pourquoi suis-je plus honteux qu'autre chose ? J'ai assuré mon avenir avec Amélie, protéger ma famille et ma carrière de la honte... mais l'homme en moi se dégoûte.
Elle est partie en courant quand tu l'as menacée avec ta béquille ? Lol t'es vraiment nul en drague, l'estropié !
D'ordinaire, j'aurais ricané, mais là, ne voyant pas Corinne revenir, je n'en ai pas du tout envie. Qu'est-ce qu'elle fout ?
Non, elle est aux toilettes. Mais c'est mal engagé. Comment t'as su que c'était une femme, fouineuse ?
Je fixe toujours la porte où elle a filé, avec ses larmes au coin des yeux. Elle ne va quand même pas s'y terrer jusqu'à la fermeture en espérant que je parte ! Pas sûr de vouloir me diriger jusqu'au bord de la porte avec ma canne. Si jamais elle l'ouvrait... non, quelle horreur ! Et si elle était bloquée bêtement pas une pénurie de papier toilette ?
J'ai rien fouiné du tout, ingrat ! T'avais une pointe de fierté en parlant de ce rendez-vous, et vu comment tu traines ton célibat, pas besoin d'être devin pour comprendre. Bon, ben maintenant, t'as plus qu'à te rattraper. Je te laisse te sortir comme un grand de ta merde, tu me raconteras hein ?
Ça va être compliqué, elle n'a aucune idée de la nature de notre simulacre de relation. Les bases sont mauvaises, Corinne a raison. Pour le dîner courtois, on repassera ! Je me conduis comme un salaud avec cette femme, alors que je devrais faire le paon devant elle, tellement elle attire mon regard depuis des semaines. Même si je ne sais plus comment offrir une parade correcte et un chant attrayant. Est-ce une raison pour être odieux, alors qu'elle a joué le jeu plus encore que je ne l'espérais ? Définitivement non. Je me redresse lentement et m'empare de ma canne aussi sombre que moi. Mon cœur accélère pendant que je claudique vers la porte mystérieuse. Surtout, faites qu'elle ne s'ouvre pas ! Un roc bloque mon souffle et déboule dans le ravin au moment où je me retrouve devant le battant. Je colle mon oreille au bois : des gémissements.
—Est-ce que tout va bien, Corinne ? Madame Leclercq ?
Une voix assourdie et étranglée me répond entre deux souffles :
—Tiens, j'ai droit aux familiarités, maintenant ? Vous avez découvert le mot « respect » dans le dico durant mon absence ?
Je crois entendre un rire amer, suivi d'un « je rêve », mais ce n'est pas assez fort pour que j'en sois sûr. Si c'est le cas, elle est loin. Paumée. Il faut que je trace un sentier qu'elle pourrait suivre tranquillement en ma compagnie. Ce n'est pas gagné. Depuis quand n'ai-je plus dû calmer les colères d'une femme dépassée ? Tout cela me parait si loin.
![](https://img.wattpad.com/cover/135932753-288-k957049.jpg)
VOUS LISEZ
Mon regard sur toi
RomanceCorinne Leclerq a 30 ans et mène une vie... Enfin, elle mène une vie. Elle travaille, rentre, dort. Un couple, un crédit hypothécaire ? Il n'en est rien. Corinne a sa chatte Cristie, un studio, point. C'est ainsi, quand personne ne nous remarque, sa...