Partie 3 INTIME - Ch. 21 la brume sur le verre (1)

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Mike :

Des picotements. Des picotements dans mon rêve. Non ! Dans mon corps réel. Je récupère tout doucement mes sensations, mes putain de sensations douloureuses. Pourtant, en général, mon médicament le soir tient ma souffrance au loin jusque six heures du matin au moins. Mais cette fois, mes fourmis cannibales sont à pied d'œuvre dans mes chevilles, gambadent sur mes guibolles, invisibles et cruelles.

Je m'éveille dans un geignement, au cœur de la nuit. Mais mes sons pitoyables s'interrompent au contact du corps chaud qui colle le mien. Je ne veux pas l'inquiéter ni m'éloigner. Alors, au-delà de mon souffle irrégulier, je contiens ma douleur. Bordel, j'ai forcé hier, je sentais que j'étais mou au restaurant, j'aurais dû fuir. Mais une part de moi voulait suivre Corinne, où qu'elle aille. Corinne, dont les seins m'offrent deux bouillottes de rêve, sur lesquelles je me concentre. Je referme les yeux et je perçois ses ongles apathiques sur ma clavicule, son souffle chaud qui dresse les poils de mes pectoraux, ses cheveux dans le creux de mon cou, le coin de sa délicieuse bouche sur ma peau.

Me focaliser sur sa présence me permet de mieux gérer les salves de lave qui traversent le bas de mon corps. J'oublie mes doigts qui picotent, je les atténue mentalement, comme si je réglais un réchaud. Puisque je ne peux rien y faire, je dois me résigner à être là. Comme je suis. Avec la joie d'étreindre ce sacré bout de femme. Sans le savoir, elle est ma planche de salut nocturne. Mais quand je parviens à m'apaiser, le sommeil est déjà parti au loin sans moi. Les picotis deviennent plus supportables. D'échardes, ils sont passés à paillasson.

Ma tête pivote vers mon amante, dont la tignasse semi-bouclée accueille le soleil au bout d'une bonne demi-heure. Seul mon cou se détourne parfois, oscillant entre le réveil et Corinne. J'ai perdu peut-être une heure de sommeil, mais j'en ai pris une à la regarder. Mon corps a encore moins envie de bouger que d'ordinaire. Je veux être la première image qu'elle verra après notre nuit. Mes inquiétudes ressurgissent, dans le calme du potron-minet : et si elle craquait rapidement ? Elle me dit maintenant que ça ne la gênera pas, mais elle n'a aucune idée de mon quotidien. Et Amélie ? Le prendra-t-elle bien ? Au moins, elle a l'air d'apprécier Corinne. Anne-Lise demandera-t-elle parfois à Corinne de m'emmener chez ma kiné ou mon ergo ? Le supporterais-je seulement ? Jamais je ne me suis autant dégoûté qu'au moment de ma chute, devant sa mine paniquée, à la piscine. Par chance, elle a trouvé une belle solution pour apaiser mon cœur. Mais Anne-Lise n'a pas tort, ça peut ressurgir et elle devra l'avoir en tête, sinon tous nos sentiments n'y feront rien. Cela signera la fin de nos espoirs de couple. Mes espoirs de couple, avec elle ou quiconque d'autre. Je ne veux pas d'une autre... Faites qu'elle soit assez forte !

Ses paupières s'entrouvrent et laissent passer la lumière dans mes sombres pensées. J'aime ses yeux verts, bordel ! Et son sourire en coin.

— Bonjour.

Son murmure me secoue la poitrine et je souris instantanément. Elle est tout à fait contagieuse. Je ne contrôle plus rien. Elle s'étire et ses bras m'encerclent davantage.

— Bonjour. Bien dormi ?

— Hmmmoui... Et toi ?

— Non. Mais ce n'est pas grave.

S'embrasser dans le confort chaud du matin est un luxe dont j'avais perdu le souvenir. Cependant, je préfère la laisser s'habiller en premier et ne pas montrer les douleurs de mes pas. C'est souvent difficile de relancer la machine, mais une fois dans le mouvement, c'est plus supportable. Et puis, je dois réfléchir à un aspect que Corinne me rappelle, au bord de la salle de bain.

— Je te laisse en parler à Amélie ?

— Ouais. J'espère que ça ira.

* * *

Mon regard sur toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant