Partie 2 REELLE - Ch.13 Derrière la lucarne (fin)

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Maintenant, des notes brèves comme des bulles qui pètent entrent en piste. Son ordinateur m'envoie un message judicieux : attention. Non par le danger, mais par la présence de l'un dans la vie de l'autre, je pense. Je m'interroge sur le choix des morceaux. La voix aiguë masculine ondoie entre nous et je lui lance une œillade suspicieuse, penchée sur la table. Je parcours les dessins du vase ancien, le fait tourner, songeuse. Ça rime à quoi ? Mon pied bascule en rythme, encore, même si mon soupir reflète bien mon ennui soudain.

—Tu t'en sors très bien pour un premier essai.

Son compliment étire mes lèvres, même si je n'ose plus le regarder. Charlie Puth ne cesse de lui demander ce qu'il fout avec moi, comme un écho à mes questions, mais Mike n'en a cure. Que cherches-tu à faire de moi, Renard ? La musique s'arrête. Aucune ne la suit.

—Allez, courte pause ! Il faut que tu te remettes à respirer, je ne veux pas d'un meurtre involontaire sur le dos.

—Involontaire, hein ? ironisé-je en me relevant.

—Je ne connais pas de meurtre par appareil photo, même si mon réflex est une arme redoutable.

Il tapote amoureusement son appareil avant de me suivre hors de la pièce. Il poursuit sa marche vers le coin cuisine tandis que je m'assois à table, encore remuée par la séance. Dire que ce n'est pas fini... Qu'est-ce qui m'a pris de le laisser me guider dans ses délires ? Lui et ses satanés clichés de ma sale tête.

—Thé ou café ?

—Thé, dis-je laconiquement.

Il me montre une boîte et je choisis le Roïbos. Quand il revient avec deux tasses, son ton est aussi enjoué que le mien n'est morne.

—Tu vois mon mug blanc, là ? Il s'emboîte avec le noir qui est sur ta table, ce sont des visages qui s'embrassent. Sympa, non ? Je les ai gardés, après ma séparation. Je pensais qu'un jour, je pourrais les ressortir, mais y a que ma sœur qui passe ici et... ce serait un peu bizarre de les utiliser avec elle, non ?

—À quoi est dû ce comité restreint ? Tu es agoraphobe ?

—Haha c'est la meilleure ! Ton esprit part tellement au quart de tour, t'es terrible ! En général, ce sont les gens qui veulent moins me croiser, pas l'inverse.

—Oh oui, je présume que les paparazzis sont plutôt évités comme la peste, on se demande bien pourquoi, rétorqué-je amère.

—Je ne suis pas un paparazzi, maugrée-t-il aussitôt.

—Ah bon ? Tu n'as donc pas continué de me prendre en photo sans mon autorisation pour renforcer ton chantage ?

Ma remarque le refroidit et nous finissons nos tasses en silence, pendant que je le fusille du regard. Je veux qu'il comprenne que je ne lâcherai pas l'affaire. Il passe les mains dans ses cheveux à la frange rebelle et sur son visage soupirant. Eh oui, dur d'assumer de tels travers, n'est-ce pas, Renard ?

—Oui, OK, j'ai pris des photos de toi, parfois j'en reprends encore, mais... ne résume pas ça à du chantage ou... penser que j'irais me masturber devant les clichés comme un pervers esseulé, ce... ce n'est pas comme ça que je vois les choses ! Enfin... nos choses...

—Intéressant, ma lanterne est maintenant éclairée, persiflé-je, tout cela est angélique, évidemment ! Sûrement pas d'intérêt personnel à épier sa voisine tous les jours, tes intentions sont altruistes et pacifiques. Et pures ! J'allais l'oublier. Brave super héros.

Il pousse un grognement et va ranger nos tasses vides dans l'évier, l'air sombre. Lorsqu'il revient essuyer la table, il se penche vers moi. Son visage tout près du mien semble hésiter entre plusieurs expressions.

Mon regard sur toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant