Une lettre est vite venue me proposer la sortie à la piscine de Blocry, un dimanche , durant une séance consacrée à la détente. Le but n'est pas de me faire enchaîner les longueurs, c'est déjà ça. Finalement, le jour de la sortie, je suis plutôt impatiente. Je tente de relativiser la situation, tandis que je longe la salle de l'Aula Magna. Après tout, il sera encore plus à découvert que moi. Il n'aime pas son corps non plus, ce qui est dommage vu ses si beaux yeux, sa peau douce, ses jolis traits, le soin qu'il porte à sa légère barbe et... Enfin, bref, moi j'aurai la chance de porter un maillot une pièce, là où il devrait se contenter d'un slip de bain. J'espère que le tissu noir amincira mes fesses. Mais s'il remonte quand je bouge et qu'après ça donne l'impression que ma chair en déborde, merde... Je suis entre gêne et excitation lorsque je récupère ma voiture sur le parking près du lac. La piscine est proche, mais je sens qu'après deux heures à patauger et stresser, je vais être épuisée. La semaine a été dure au bureau, avec beaucoup d'appelants vraiment pénibles, pour ne pas aider.
Une fois sur le Boulevard d'Oleffe, je bifurque vers le quartier du Blocry. Je bâille tout en cherchant une place dans cette zone fort habitée. Il est à peine neuf heures et quart. Un dimanche, bon sang ! Mais bon, pas le choix, la piscine ferme à midi, aujourd'hui. J'aperçois son toit pentu si caractéristique entre les constructions tout aussi récentes, obligée de passer mon chemin pour essayer de caler ma cacahuète high tech quelque part. Je commence à regretter de l'avoir prise. Ah, enfin, une voiture qui s'en va ! Je sors de ma Smart rouge à neuf heure quarante. Merde ! Je suis en retard ! Sac à main d'un côté et sac de piscine de l'autre, je détale dans l'allée. Je l'aperçois au loin. Sa silhouette me devient familière, avec ce côté à la fois droit et crispé quand il me fixe. Les petits saphirs de son visage ravi ne cessent de grandir, parce que je m'en approche, que je ne le lâche pas des yeux, ou que j'en ai encore rêvé cette nuit en frissonnant... les trois, sans doute.
—Ah ! Corinne ! Des bouchons ?
—Haha, très drôle.
Assurément, il a vu passer et repasser mon auto, conscient du peu de chemin à parcourir entre la Grand Place et ici. Son sourcil s'est arqué et son corps se penche, comme pour m'inviter à faire la bise, sans ouvrir les hostilités. Ce respect pour mon intégrité me surprend de manière agréable. J'accepte la bise cordiale et nous nous dirigeons vers le hall d'entrée.
—Prête ?
—Autant que toi.
Il éclate de rire en me tenant la porte. Son sourire me fait le même effet que son regard : j'aime le contempler, profiter de toutes les secondes où il reste visible. Légèrement derrière lui, je constate son pas précautionneux. Il va vraiment falloir qu'un jour il m'explique ses soucis. Mais, à vrai dire, je n'ai pas été très loquace non plus sur ce qui compte le plus. Je me demande si je remarquerai un élément particulier de son corps quand il sera en maillot, comme une jambe atrophiée ou une marque imposante sur la peau. Quand nous payons nos entrées, le lieu me parait assez calme et tant mieux : je ne tiens pas à m'exposer à trop de paires d'yeux curieux. On est en automne. Il fait froid. Et on est dimanche matin, premier jour du mois, qui plus est. Donc, logique.
—Alors, hâte de me voir en maillot ?
—J'en rêve, ironisé-je.
Mais son sourire en coin me désarçonne plus que je n'ose l'admettre ou même l'afficher. Il s'accole presque à moi et me scrute avec cette intensité qui m'embrouille le cœur. Sa voix plus grave et basse me fige dans un tsunami de chaleur au visage.
—Un rêve érotique ou un cauchemar ?
—Je ne sais pas, j'oublie toujours mes rêves, murmuré-je d'un souffle.
Mensonge, Corinne ! J'ai justement toutes les peines du monde à en oublier certains. Et ces secondes ne feront que les alimenter encore plus en images précieuses. Il pivote le cou pour m'observer de biais, toujours un étirement de lèvres narquois sur la face.
—Hmmm c'est dommage. À tout de suite, au pied du grand bassin, côté eau basse.
Pourquoi ai-je l'impression que la tournure de cette conversation a plus échappée à moi qu'à lui ? Mes mains tremblent lorsque je me change dans la cabine, le temps d'enfiler mon maillot une pièce noir. Je tire à fond derrière afin d'emballer mon satané postérieur et lui donner un aspect plus ferme. Hélas, mes cuisses sont toujours aussi immenses, avec ces vergetures affreuses. Seigneur, pourquoi ai-je accepté cette humiliation ? Pourquoi je ne sais pas lui dire « non » ? Je cale mes mèches sous un bonnet gris collant et me dirige au-devant de cette nouvelle épreuve. Mike est repérable de loin, assis au bord de l'eau, occupé à s'asperger de flotte avec méthode. Je me douche rapidement, cavale un peu dans le bain de pieds glacé, puis le rejoins à pas de loup. Prise d'un soudain désir de vengeance, je plaque mes mains dans son dos et le pousse dans la piscine.
—Ehh ! s'exclame-t-il sous mon rire.
—Ça, c'est pour m'avoir entrainée ici, Renard !
—Quelle rancunière vous faites, Caty !
Il projette son bras sur la surface de l'eau pour m'éclabousser de partout et se régale de mon cri aigu. Je le vois masser ses fesses en grimaçant, le temps que je m'accoutume à mon tour au liquide tiède. Lorsque j'ai fini de m'asperger les zones plus sensibles et que je glisse mes jambes dans l'eau, je l'observe s'étirer avec volupté. Je détaille son maillot bleu et noir, les courbes et la fine tonsure de son buste, ses bras pâles, sa glotte apparente, ce côté mâle que je n'avais jamais matérialisé au-delà de sa tête à barbe éparse. Il me regarde venir vers lui, l'eau frôlant mes hanches. Clairement, son œil se balade avec malice tout le long de mon corps, sans perdre son sourire fier. Il ne parait pas vraiment souffrir de se montrer, lui. Ses cheveux cachés sous le bonnet font place nette pour son regard pénétrant et ses traits amusés. J'y décèle cette flamme d'intérêt qui l'anime quand il va me faire subir un de ses tests à la noix.
—Comment te sens-tu ?
—Pas très à l'aise.
Mon aveu en est à peine un : difficile de louper mes bras le long du corps et mon immobilité gênée au milieu des quelques badauds qui batifolent. Il s'avance vers moi en deux brasses.
—Tu as un souci avec le lâcher prise, c'est indéniable.
—Ne me dis pas que tu as encore prévu une playlist déprimante quelque part, soupiré-je.
—Haha ! Pas besoin, il y a la radio ici ! On l'utilisera, ne t'en fais pas. Mais si on s'amusait d'abord un peu ?
Il me reprojette une vague d'eau dans la figure, tout à fait gratuitement cette fois !
—Mais hééé ! Salaud, t'es pire qu'un gosse !
Je me jette sur son crâne pour le pousser dans l'eau en guise de représailles. Il attrape ma jambe sous l'eau et je hurle en me sentant perdre l'équilibre. Un grand « splash » rappelle au reste des nageurs à quel point je ne suis pas une crevette. Lorsque je récupère une ouïe fine en surface, j'entends encore le rire de Mike.
—Je vais te le faire payer, Mikaël !
—Ohh madame est en colère, alors je redeviens Mikaël, me raille-t-il en plaçant ses paumes devant lui, prêt à répliquer.
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Mon regard sur toi
RomanceCorinne Leclerq a 30 ans et mène une vie... Enfin, elle mène une vie. Elle travaille, rentre, dort. Un couple, un crédit hypothécaire ? Il n'en est rien. Corinne a sa chatte Cristie, un studio, point. C'est ainsi, quand personne ne nous remarque, sa...