Chapitre 13 : Un futur soldat

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Royaume de Bellevuannie, ville de Touar, sud-est du Territoire

Le cours avait commencé depuis trente minutes déjà à l'École royale d'arme et d'éducation de Bellevuannie. La matière des Bonnes Manières, débutait sur une leçon de danse en ce beau jour d'aran qui clôturait la semaine et accueillait par la même occasion les deux jours de congé autorisés par l'établissement. Maître Noüarn, un bellevuain méticuleux à l'apparence travaillé présidait le cours en guidant les pas des élèves essentiellement masculin dans la salle où l'on donnait habituellement le cours de Musique, improvisée salle de bal pour cette heure.

Maître Noüarn de sa baguette, tel un maître d'orchestre, félicitait certains élèves, en rabrouait, donnait des conseils à d'autres et parfois observait un duo longuement sans émettre de commentaires avant de diriger son attention vers d'autres garçons.

Dans ce brouhaha, Timothée du Valvaire au lieu de danser avec ses camarades avait pris place au piano et jouait les morceaux que le professeur lui demandait. Pour lui, être suspendu de danse n'était pas une grande perte, il avait en horreur cet exercice. Étant l'un des meilleurs élèves de dernière année, bien entendu, il fournissait les efforts minimum lors des leçons lorsqu'il était dans l'obligation de danser, mais dans la vie réelle, à l'extérieur des murs de l'établissement scolaire, il doutait d'être capable d'inviter une femme à se joindre à lui.

Il voyait cet exercice comme une simple et bonne torture cachée derrière des pas, de la musique et un semblant de séduction mêlée aux bonnes manières et à la tradition courtoise de la culture bellevuenne. La preuve, les anatoliens n'avaient pas de danse de couple si ennuyante, eux.

En changeant de note, Tim laissa son regard se promener parmi ses camarades. Certains étaient de piètres danseurs ou faisaient exprès de l'être afin d'écraser volontairement les pieds de leurs camarades, tandis que d'autres prenaient l'enseignement très au sérieux et s'amusaient à le faire. Par exemple, son meilleur ami d'enfance : Dave de Valincourt excellait dans cette matière, dansant avec grâce, sérieux et suivant le rythme de la musique, se moquant gentiment de son partenaire qui devait adopter les pas féminins : Leane de Mont-Argent.

Leane n'avait pas l'air franchement heureux de ce choix car sa face affichait une grimace d'exaspération mêlé à l'indignation. À coup sûr, Dave avait promis de faire la femme et lors d'un changement de musique, étant donné qu'il maîtrisait l'art de la danse, il avait changé de pied et repris ceux de l'homme. Leane n'étant pas aussi assidu s'était fait entourlouper par Dave avec brio. Il devait ronger son frein. Timothée sourit depuis son piano.

Il joua les dernières notes du morceau et les danseurs s'arrêtèrent en formant une allée parfaite au centre de la salle. Le maître Noüarn traversa l'allée d'un pas gracieux avec sa baguette derrière le dos, le menton haut puis il dit :

— Une pause de cinq minutes. Monsieur du Valvaire, de Farge va vous remplacer. Rejoignez les rangs.

Pendant la courte pause, un brouhaha se propagea dans la salle. Et pour la plupart le sujet de conversation tournait autour de l'actualité du moment : la guerre. Voilà presque douze jours environs que celle-ci avait été déclarée contre la Montaudréanie et la nouvelle s'était propagée dans tout le royaume. Elle était sur toutes les lèvres. Maître Noüarn qui n'avait pas la réputation d'être le professeur le plus laxiste de l'école, frappa de sa baguette le dessus d'un pupitre vide avec brutalité attisant la curiosité de tous.

— Si quelqu'un prononce une fois encore le mot « guerre » dans cette salle, je le bannis du cours avec en prime un retrait de cinquante points.

Tout le monde se tut sur le champ. Le système de point était la notation de l'école. À chaque nouvelle année, ils en avaient cinquante d'office et en fonction de leurs notes et leur comportement, ce score augmentait ou baissait. Le redoublement n'existait pas, mais si on était en dessous de la moyenne attribuée pour être en classe supérieure, il était interdit d'assister à la Cérémonie et de recevoir la broche d'or qui était un honneur pour tout étudiant de l'école. Étant des élèves de dernières années, ne pas avoir le nombre de points requis, leur signifiait qu'ils étaient des incapables et qu'ils entreraient dans la vie adulte sans avoir les honneurs de l'École une dernière fois. Et il pouvait dire adieu à la Cérémonie où ils ne recevront pas leurs talismans de fin d'étude, n'assisteraient pas au bal et seront la risée de leur famille et de l'école entière.

Tribu : La Flamme [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant