Chapitre 35 : Une soirée de confidences (3/3)

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Le carrosse s'emballa sur les pavés. Les chevaux hennissaient d'affolement, effrayant le petit garçon qu'il était. Sa mère le gardait contre son cœur pensant le protéger de l'inévitable qui allait suivre. Il ne connaissait que trop bien la suite. Un bruit de bois qui se brise se propagea dans les ténèbres de la nuit et la seconde d'après... le petit Dave se sentit en lévitation dans le carrosse, avant de se sentir chuter toujours dans le mobile qui dans un bruit fracassant percuta l'eau de plein fouet et s'enfonça progressivement dans le fleuve. Le mobile entra dans le liquide. Le petit garçon put sentir la fraîcheur du liquide sur ses habits pompeux d'enfant noble et lui caresser les os de façon mordante. L'eau entra dans ses poumons, l'air lui manqua. Et il sombra dans l'inconscience. 

Lorsqu'il revint à lui, la nuit n'était plus. Tout comme la sensation de ses vêtements mouillés. Il se sentait étrangement sec. Il n'était plus dans le carrosse, mais dans sa chambre. Il se leva péniblement de son lit, trop grand pour sa petite taille d'enfant de sept ans. Il traversa la chambre à petit pas. Atteignant difficilement la poignée de la porte, il se mit sur la pointe des pieds et ouvrit le battant sur son père.

Le général afficha un soulagement qu'il ne lui connaissait pas. Pour la première fois de sa vie, il lui semblait que celui-ci n'était plus le héros qu'il fantasmait lorsque celui-ci n'était pas au domaine.

— Dave ! s'exclama-t-il en le prenant dans ses bras et l'embrassant sur les deux joues avec ferveur. Tu as mal quelque part ? lui demanda-t-il en lui palpant le front.

— Non, répondit lascivement l'enfant.

— Allez lui chercher à manger et demander au médecin de passer, ordonna-t-il à un serviteur.

— Oui, monsieur.

— J'ai eu tellement peur, confia le père de famille en prenant son fils dans ses bras.

— Où est mère ?

Le général se raidit. Il posa l'enfant à terre et le regarda intensément, ouvrit la bouche pour commencer une phrase. Il se mit à conter le récit, mais Dave n'entendait rien. C'était exactement comme si il était devenu soudainement sourd, mais étrangement il comprenait chaque mot. Et il avait l'impression que ceux-ci le transperçaient au plus profond de son âme, comme mille lames acérés qui perforaient son cœur et en faisait de la charpie.

Une douleur fulgurante se propagea dans tout son être. Il avait envie de crier, mais il était devenu muet. Les larmes ne coulaient plus, il était comme bloqué, piégé, condamné à vivre cette scène jusqu'au bout. Un mot le réveilla : « morte ».

Subitement, Dave ouvrit les yeux dans un cris d'épouvante complètement en sueur. Sa respiration s'accéléra et il crut qu'il allait endurer une fois de plus cette épreuve seule, mais une ombre à côté de lui, se détacha dans la pénombre et accourue à son secours :

— Hé ça va, calme-toi, j'suis là.

Dans sa peur, Dave reconnut l'accent si caractéristique d'Élias. Savoir qu'un de ses amis venait d’assister à une de ses crises suffit à ce qu'il revienne à lui rapidement. Bien entendu, Élias ne cherchait qu'à l'aider, et il lui taper exagérément le dos comme on le faisait pour prévenir un étouffement, mais à part lui donner mal au dos, ce geste n'était d'aucun secours à l'héritier Valincourt.

— Qu'est-ce que tu fais, cria presque Dave.

— Ben, j'taide. T'étais pas bien il y a quelques minutes. Tu gigotais dans tous les sens, tu parlais comme un fou donc je suis venu voir et je t'ai trouvé comme ça.

— Où ils sont les autres, ils m'ont entendu !

— Ils sont là-bas, tu t'es couché près de l'arbre, seul. Tu t'en souviens pas ?

Tribu : La Flamme [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant