Tribu : La Flamme [Tome 2]

Chapitre 4 : Bal funèbre (1/2)

Dave de Valincourt souffla d'exaspération par la fenêtre du fiacre. Presque six heures de trajet et il s'ennuyait ferme. Et pour ne rien arranger, il s'agitait comme une puce. Il n'était jamais tranquille dans un mobile sur roues. Il préférait de loin monter sur son cheval, mais étant invité à la cour de Bellevuannie pour les deux jours de fin de semaine, il n'avait pas eu le droit d'emmener son fidèle destrier : Khiärnak. Si au cours de son séjour il éprouvait l'envie de se promener, on lui donnera un cheval digne de son rang pour effectuer sa course. Il trouvait cette décision grotesque.

Il s'agita de plus belle sur son siège, ne supportant pas de rester assit. Il tenta de regarder par la fenêtre afin d'y puiser du réconfort, du courage ou quelque chose qui y ressemblait afin d'oublier qu'il était dans un carrosse. Il sentait les épaisses tentures et les sièges de cuir l'oppresser lentement. Il inspira et expira plusieurs fois, après quelques secondes d'exercice, il sentit que cette tentative de méditation ne lui était d'aucun secours.

Dave, nerveux, se passa la main plusieurs fois dans sa tignasse d'un beau noir de jais et projeta sa tête en arrière contre le dossier de son siège. Son regard sombre se porta un instant sur le paysage qui défila lentement devant ses yeux, puis il soupira de nouveau. Non, jamais il ne se sentirait bien dans ce genre de transport.

Heureusement pour lui, son ami Timothée du Valvaire connaissait ses crises d'angoisses, il ne s'en moquait donc pas et continuait avec assiduité sa lecture. Dave n'osait pas l'avouer à voix haute, mais il était jaloux de Timothée, plus communément appelé Tim. Celui-ci semblait avoir oublié le monde autour de lui, c'est à peine si depuis le début du trajet il avait levé le nez de son roman. Roman qu'il relisait depuis des lustres. C'était son préféré.

Tim possédait cette tranquilité que lui n'avait pas dans l'instant présent et qu'il n'avait pas tout court finalement. De leur groupe restreint, il était le plus agité. D'habitude, il ne se formalisait pas de ce trait de caractère qu'il aimait afficher en se moquant du qu'en-dira-t-on, mais voir son ami d'enfance si serein alors que lui agissait comme s'il s'attendait à voir sortir des buissons un bandit de grand chemin lui renvoyait une image de lui peu flatteuse qu'il refusait d'assumer.

— On est bientôt arrivé ? demanda-t-il un soupçon revêche.

Son ami ne prit pas en compte le ton sur lequel Dave l'avait questionné. Il se contenta de tourner une page noircie par l'encre et de déclarer solennel d'un ton neutre et détaché :

— Nous venons de dépasser la ville de Morthon. Dans moins d'une heure nous serons à la cour.

Fin de la conversation. Le jeune homme fut déçu. Lui qui s'attendait à ce que Tim engage la discussion en parlant de ce qu'ils allaient faire, une fois qu'ils auraient franchis le portail d'or du château royal. Mais à quoi il s'attendait ? Il avait déjà parlé à Tim plus tôt et cela lui avait fait oublier un instant la longueur du trajet. Il devait laisser son ami lire en paix, même s'il avait l'horrible impression que celui-ci préférait la compagnie d'un paquet de feuilles reliées datant de plusieurs siècles à sa compagnie. Un livre était donc plus intéressant que lui ? Cela lui donna envie de souffler d'exaspération davantage et se replonger dans sa contemplation du paysage bellevuain.

Rien n'avait vraiment changé. Il revint à son ami qui était toujours avec son livre. D'un mouvement, Dave se plaça à côté de lui et tenta de lire quelques phrases par dessus l'épaule de Timothée. Cela fut plutôt aisé, mais une phrase, deux phrases, trois phrases plus tard, la lecture ennuya le jeune comte. Il souffla une nouvelle fois mais cette fois-ci, quelque chose avait changé. Cela n'avait duré que quelques secondes mais il était certain que ce qu'il avait vu n'était pas le fruit de son imagination. Tim avait affiché un rictus suite à sa plainte bruyante. Donc, ses soupirs à répétition énervait son ami. Voilà une information qu'il pouvait bien tourner à son avantage.