Dans sa chambre, Raphaël tenta de se calmer même si c'était beaucoup trop lui demander. L'heure du déjeuner arrivait, mais il n'avait pas faim ou il était trop en colère pour penser à avaler quoi que ce soit. Et aucun bons mets ne pourrait le faire sortir de son état de rage.
Il avait quitté le château depuis quelques minutes déjà, mais les explications de Dave trouvaient toujours un moyen de le tourmenter même dans son intimité. Gwendal là-bas ? C'était une injustice sans nom ! Évidemment que le responsable direct du massacre des siens était Thamay de Filatine. D'ailleurs, il lui avait bien réglé son compte. Mais cette consolation paraissait bien maigre à côté de ce qu'il avait vu ce matin. Elle était même insuffisante.
Gwendal méritait de payer au même titre que son ancien employeur, peu importe qu'il ait été contraint à faire ça pour sauver sa tête. On avait toujours le choix... La vie n'était faite que de choix et tôt ou tard, on devait en assumer les conséquences. Cela ne servait à rien de les justifier par des : « J'y étais obligé », « Je n'avais pas le choix », « Si c'était à refaire, je ne le ferai pas à nouveau ». Lui, quand il avait ôté la vie froidement à Thamay, il ne s'était pas sentit obligé de le tuer. Il en avait eu tout simplement envie. Il aurait pu détourner la tête de son corps ensanglanté pris au piège, appeler des renforts, l'aider à se rétablir et laisser la justice faire son travail. Au lieu de ça, il avait décidé de le tuer. Si c'était à refaire, il le referai de la même façon et il savourerait davantage chaque seconde et il recommencerait encore et encore jusqu'à ce que ce spectacle ne lui fasse plus aucun effet. Il n'avait même pas fait cela pour sauver sa peau ou par vengeance, il avait tué Thamay parce que c'était comme ça que les choses devaient se terminer. Il avait débarrassé le Territoire des trois Royaumes d'une vermine. Ils devraient tous lui en être reconnaissants, au lieu de ça, c'est les mêmes personnes qui assistaient cette ignominie qui se permettaient de conseiller les futurs gouverneurs du royaume. On marchait sur la tête !
Un peu pus calme mais pas pour autant complètement calmé, le jeune homme s'apprêta à sortir du manoir après avoir mis un papier dans sa poche. Il déambula dans les rues montaudréennes dont le cœur était à la fête. Il échappa de justesse à des badauds enjoués qui débordant de joie de vivre voulaient la partager avec des inconnus. Il réussit à se mouvoir à travers les rues de la ville et finit par trouver le coin qu'il cherchait.
Il monta sur une caisse, escalada un mur et bientôt se retrouva sur le toit d'un haut bâtiment qui surplombait la capitale. De là, on pouvait voir la place du marché, les remparts de la ville et plus loin, le château où la « fête des hypocrites » avait lieu.
Tranquillisé par la vue, Raphaël s'assit à même la toiture et sortit de sa poche le fameux papier qu'il avait emmené dans sa promenade. Il s'agissait d'une lettre couleur sable qui venait tout droit d'Anatolie. Un sceau de cire couleur or en forme de dauphin fermait le courrier. Comme si il s'agissait d'un trésor précieux, avec précaution, le Montaudréen ouvrit l'enveloppe pour y découvrir la lettre de son interlocutrice :
Diana
Il avait rarement vu son écriture, mais assez pour rougir rien qu'en la voyant. Lorsque les choses s'étaient à peu près calmées, il lui avait envoyé une lettre assez vague dans laquelle il expliquait la mort de son père, de Dornan et celle de Thamay sans avouer qu'il en était responsable. Mais en lisant horizontalement les lettres d'encre, il comprit que Diana avait réussi à lire entre les lignes de sa première correspondance car elle évoquait la flamme ancestrale. Il inspira un grand coup et commença à lire le courrier.
Cher, Raphaël
Je suis soulagée de savoir que toi et Nima soyez sains et saufs. Mon cœur est aussi attristé par les nouvelles que tu m'a rapportées. Je suis navrée pour la mort de ton père. Je me souviens encore de notre première rencontre et je me souviendrai toujours de lui comme le grand homme qu'il était, et qu'il sera toujours pour nous tous qui l'avons connu. Je partage votre peine, à toi et à Nima. Même si je ne peux pas venir vous témoigner mon réconfort en personne, sache que vous demeurez dans mes pensées et mon cœur.
Transmets mes plus sincère condoléances à Nima. Je sais que malgré la complexité de leurs sentiments, elle était particulièrement attachée à Dornan. Qu'il repose en paix.
J'ose espérer qu'avec le temps ainsi que la présence de vos proches, vous irez mieux. Sachez que si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai là pour vous deux. J'espère vous revoir en personne le plus tôt possible et vous présenter mes sincères condoléances de vive voix.
Je dois par ailleurs vous féliciter, je crois. J'ai l'intime conviction que la quête de la flamme ancestrale a joué un rôle déterminant dans l'issue des derniers événements. Toi, Nima et tous ceux qui vous ont aidés, vous nous avez évité une guerre qui aurait pu devenir un véritable bain de sang et un échec. Notre continent n'aurait jamais pu survivre à une telle atrocité. J'imagine que peu de gens sont au courant du rôle que vous avez joué dans ce conflit, c'est pour cela que je tenais à vous dire et à te dire que vous avez toute ma reconnaissance et mon admiration. Nous devons nous réjouir de cette victoire et rendre hommage à ceux qui se sont battus et ont péris en héros. Nous devons dans nos agissements futurs être dignes de leur mémoire.
Je ne sais si j'ai raison, mais je sens que même si le principal danger mortel qui menaçait les Tribus est écarté maintenant et à jamais, nous savons que les mystères du Territoire sont plus vastes que ceux des contes que l'on nous contait enfant. Des personnes mal intentionnées peuvent être tentées de s'en emparer à n'importe quel moment et à n'importe quel prix. Peu importe quand cela se produira et où cela aura lieu, je suis convaincue et persuadée d'une chose : nous serons prêts. Nous défendrons et protégerons les Tribus, ensemble.
Ton amie Anatolienne qui pense à toi à plusieurs kilomètres,
DianaRaphaël ne prit pas la peine de relire la lettre. Il savait qu'il le ferait ce soir avant de dormir. Les mots d'encre de la princesse couchés sur le papier se gravait en lettre d'or dans son cœur. Elle ne lui faisait pas de déclaration, mais elle prenait en cause sa tristesse ainsi que les actions qu'il avait mené en Montaudréanie. Ce n'était pas assez, mais pour le moment c'était suffisant. Cette lettre l'avait conforté dans deux choses. La première : il ne renoncerait pas à elle, peu importe le statut qu'avait Alpha ou qu'il aurait à l'avenir. Et peu importe les autres hommes qui oseraient se dresser entre lui et elle. La seconde : elle avait raison. Quelque chose se préparait à l'horizon et quoi que ce soit, il serait prêt à l'accueillir. Sa force vitale avec laquelle il était devenue de plus en plus proche ces derniers jours, pour montrer son assentiment crépita dans une vive étincelle sur ses doigts. Il sourit ravie de sa maîtrise et regarda le paysage chargé de promesses. Oui... Rien ne pourra les arrêter. Plus jamais !

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Tribu : La Flamme [Tome 2]
FantasyUn mois s'est écoulé depuis les évènements du tome précédent. Les deux royaumes d'Anatolie et la Bellevuannie se préparent à une guerre contre le royaume montaudréen. Parallèlement, Diana et Alpha s'apprêtent à ramener la dague au Grand Temple de Th...