Tribu : La Flamme [Tome 2]

Chapitre 43 : Une vie perdue, une guerre à gagner (1/2)

Royaume de Montaudréanie, forteresse Malkion, nord-est du Territoire

La flamme ardente des bougies semblait danser dans l'obscurité. Leurs lumières chaleureuses n'avaient rien de joyeux en ce moment. La pièce était baignée dans le noir. Un nombre restreint de personnes tenaient une bougie dans leur main, la tête prostrée et couverte. Seules les personnes proches de Dinan Ferr avaient le droit de s'approcher davantage de sa dépouille qu'on avait recouverte d'un drap blanc jusqu'au niveau de son cou, laissant transparaître son visage amaigri mais serein et paisible. Libre de son enveloppe charnel, loin de ce monde de souffrance et de guerre.

La mort n'était qu'un passage vers une autre vie après tout, pas une finalité. Mais dans ce moment, la tristesse accablait trop les Umpass pour qu'ils se souviennent de cette parole d'espoir. L'autel sur lequel reposait le dernier chef Umpass était bordé d'une multitude de bougies, et de pétales de fleurs. On psalmodiait un chant funèbre à la gloire et à la paix de Dinan qui avait été un excellent meneur pour l'Ordre et qui avait donné sa vie courageusement face à l'oppresseur.

— Merci, murmura Raphaël à Sekenope discrètement.

— J'aurais aimé faire plus, se lamenta l'ancienne prêtresse en regardant le corps inerte de son ami à tout jamais disparu.

Raphaël aussi aurait voulu qu'elle en fasse plus. Il avait longtemps pensé comme tous les Umpass qui connaissaient l'ancienne gardienne, qu'elle avait des pouvoirs surnaturels en mesure de changer la situation. Au final, comme elle le répétait souvent, elle n'était qu'un réceptacle de ses pouvoirs. Elle ne pouvait s'en servir pour sa propre cause.

Ressusciter un mort serait un sacrilège et maintenant qu'il voyait la vieille femme aux yeux violets écraser une larme entre deux vers, il se demanda si elle en était vraiment capable. Sekenope était humaine comme eux. Quelques minutes après la mort de son père, il en avait voulu à la prêtresse de ne pas avoir été plus précise dans ses prédictions. Assez rapidement, il avait compris fataliste que ses pressentiments sur la soirée et le rêve de Sekenope étaient liés. Son père devait mourir cette nuit.

Néanmoins, il n'était pas un ingrat. Il avait conscience que celle-ci les avait beaucoup aidé. C'est elle qui s'était occupée de conserver grâce à sa force vitale, le corps intact de Dinan pour qu'on puisse le transporter jusqu'à la forteresse Malkion où il pourrait bénéficier d'un enterrement digne entouré des Umpass. Bien entendu, il était interdit de faire enterrer un cadavre dans la forteresse. Un des membres de l'Ordre qui possédait une ferme à proximité avait libéré la pièce principale de sa maison pour la cérémonie.

Ils leur avaient suffi de répandre la nouvelle et les membres de l'Ordre traqué, étaient venu en masse faire leurs adieux à celui qui avait été leur chef pendant environ dix longues années. C'est encore Sekenope, Maïa, Dornan et Megan qui s'étaient occupés de tout ça. Raphaël pendant les jours qui avaient suivi la mort de son père, s'était sentit incapable d’initier le moindre geste ou de prendre la moindre décision. Quant à Nima, elle n'avait pas prononcé un seul mot depuis. Cela l'inquiétait, mais que pouvait-il faire ? Il ne savait même pas quoi dire à sa jumelle car lui-même n'avait pas de mots sur cette situation.

On leur avait tout prit : leur maison, leur famille, leur père... Que leur restaient-ils ? Ils n'étaient plus les enfants du chef Umpass, ni ceux de Dinan Ferr, ils étaient des orphelins. Pour une fois, malgré les sentiments profonds qui l'animaient, la force vitale du Montaudréen ne s'empara pas de lui. Elle se tut, comme affaiblit, comme une flamme que l'on étouffe dans la cire fondue. Elle se mourrait.

***

De là où il était, Dave ne voyait rien de la cérémonie mortuaire des membres de l'Ordre des Umpass, mais il arrivait parfaitement à imaginer la peine qui devait se trouver là-bas.  Il aurait dû être présent pour épauler Raphaël et Nima, mais il s'en était senti incapable à la dernière minute. Toute cette ambiance lui rappelait que trop bien de mauvais souvenirs, qu'il avait décidé de recaler au plus profond de son esprit. Il les avait laissé avec le petit garçon de sept ans, tout vêtu de noir, lavé et coiffé comme un petit prince. C'était il y a longtemps, mais il arrivait à se souvenir de chaque détails. Les parfums capiteux des dames, les bises glacées, les regards désolés, les murmures, la solitude toujours plus pesante.