Tribu : La Flamme [Tome 2]

Chapitre 33 : Le lien indestructible (2/2)

— Pardon ! s'écria Alpha. Vous avez fait tout ce chemin pour me dire que très bientôt, je vais devoir me marier avec la princesse Diana !

— Nous sommes navrés de vous annoncer les choses comme cela, Votre Altesse, mais c'est ce qu'il s'est décidé, commença le premier ministre, Sir Miandre.

Après avoir accompagné Esteban dans sa chambre, Emre avait prévenu Alpha de l'arrivée « surprise » de deux ministres bellevuains. Le prince s'en était vivement étonné. À aucun moment, lors de la préparation de son voyage, on ne lui avait fais mention de la venue de ses compatriotes. Si il avait accueillis la première nouvelle avec joie, il n'en avait pas été de même avec la seconde. À peine avait-il eu le temps de se mettre à l'aise, que les ministres : Sir Miandre et Sir Hathior, s'étaient mis à le harceler avec cette histoire de mariage. Il se pinçait depuis quelques secondes, en espérant que cette scène soit un cauchemar, mais il entendait toujours la voix agaçante de Sir Miandre.

Celui-ci était un homme qui avoisinait la soixantaine et dont le poids des années se faisaient sentir. Les cheveux complètement blanc, plaqués sur le crâne. Un air goguenard que la politique n'avait pas su lui retirer et une pointe de cynisme à chaque parole qui franchissait sa bouche. Depuis qu'Alpha l'avait vu, il n'avait pas cessé de boire encore et encore. Le prince s'étonnait que la carafe ne soit pas vide. Remarque, le ministre devait sans doute profiter de ses dernières années dans le gouvernement. Il avait entendu dire que la retraite était proche pour lui. Ce qui voulait dire, au revoir la vie de château. Bien entendu, il aurait une subvention pour toutes ces années de services, qui pourra lui assurer le gîte et le couvert, jusqu'à la fin de ses jours. Mais quand on avait été habitué à manger à la table du roi, cette paisible retraite revenait à donner un trou de souris à un chat.

— Ce qu'il s'est décidé ? rebondit le jeune homme.

— Oui, Votre Altesse. Une fois la guerre terminée, peu importe l'issu, il faut être sûr que cela soit à notre avantage. Les anatoliens sont belliqueux et moi-même, j'ai honte de le dire, mais ils sont forts au combat... Beaucoup plus que nous. Par ailleurs, c'est un peuple d'honneur, qui respecte ses alliances, expliqua le second ministre qui à l'instar de son collègue n'avait pas touché à une seule goutte de sa coupe. Son collègue ne manqua pas de le remarquer et se chargea de le décharger de son « fardeau », en avalant cul sec le contenu du verre, avant de déclarer de bonne humeur :

— Oui... enfin. Ils les respectent quand ça les arrange.

Un silence lourd s'abattit dans la pièce. Encore une énième référence au conflit Anatolien-Bellevuain. Sir Miandre finit une fois de plus son verre, soupira d'aise, propageant à proximité de lui, une haleine alcoolisée :

— Excellent vin, mais pas meilleur que les nôtres. Ce qu'il faut comprendre, Votre Altesse... C'est que quiconque aura une alliance avec les anatoliens est sûr d'être gagnant, si nous respectons les règles du jeux. Pour avoir cette alliance il faut...

— Vous marier avec la princesse, coupa l'autre ministre Sir Hathior.

Son collègue, mécontent d'avoir été interrompu, se contenta de retourner à sa coupe en maugréant :

— Vous serez le gendre du roi d'Anatolie et ce n'est pas arrivé depuis longtemps dans l'Histoire de notre continent.

— Il n'y a pas d'autres solutions ? demanda Alpha.

— Nous avons eu un débat avec les autres ministres. Soit la princesse Diana devenait votre épouse ou votre belle-sœur...

— Non ! s'écria Alpha, enfin je veux dire, tenta-t-il de se rattraper, dans tous les cas il y aura un mariage.

— Mais certains ministres et la majorité, ont refusé la seconde option, car cela voudrait dire qu'une anatolienne deviendrait la future reine du royaume bellevuain et même si les temps ont changé, mieux vaut être prudent.

— La princesse, est-elle au courant ?

— Non, nia le ministre alcoolique. Je ne pense pas et c'est pour cela que l'on vous prévient. Les anatoliennes ne sont pas considérées de la même façon que les bellevuennes. La coutume anatolienne veut que la princesse ait le choix de refuser ou d'accepter une demande en mariage. Bien entendu, pendant longtemps ce principe a été oublié de beaucoup, mais rien que pour nous embêter, le roi Sékou II d'Anatolie pourrait demander l'appui de sa fille qui vous refuserez le plus simplement du monde.

— Vous devez donc être charmant avec elle.

— Charmant ? interrogea le châtain qui avait du mal à réaliser ce qu'on lui demandait de faire.

— Si la princesse tombe amoureuse de vous, pourquoi refuserait-elle votre demande en mariage ? avança Sir Miandre avec une évidence criarde. De toute façon, ce n'est pas comme si on vous demandait votre avis, trancha-t-il excédé. À la fin de votre voyage, il faut que la princesse soit dans vos bras. Essayais de ne pas entacher son honneur dans la foulée aussi. Je sais que nous autres, bellevuains, avons le sang chaud.

Alpha rougit violemment à la dernière phrase du ministre. Il était incapable d'être aussi aventureux avec Diana. Il n'était pas Dave pour commencer et elle le stopperait avant-même qu'il ne tente quoi que ce soit. Pourtant, c'est vrai qu'en y réfléchissant bien, quelle joie ce serait de savoir que Diana sera à ses côtés et qu'ils seront unis devant les Hommes et devant les divinités.

C'était presque drôle quand il y pensait. Il avait secrètement rêvé de cela et maintenant que l'occasion se présentait... il avait peur. Séduire Diana sans pression passait encore, mais la séduire avec un enjeux politique derrière, allait être plus difficile moralement parlant. Si il avait comprit une chose avec son amie, c'est qu'elle avait horreur d'être prise pour une poupée dont on pouvait faire ce que l'on voulait. Si elle apprenait cette histoire de mariage arrangé, elle penserait que tous ses actes étaient dictés par les politiciens bellevuains et elle le mépriserait comme jamais auparavant. Dire qu'il avait réussi à lui arracher un sourire aujourd'hui... La partie promettait d'être longue les jours à venir.