Chapitre 29 : Un matin comme les autres (4/4)

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— Entre, Megan... qui est-ce ? fit la jeune femme en dévisageant Dave.

— Un étranger que j'ai ramassé dans la rue la nuit dernière. Il est un peu fougueux sur les bords, mais pas agressif, ne t'en fais pas. Je ne l'aurai jamais emmené si il avait été dangereux.

L'inconnue, plus rassurée, fit entrer le jeune homme dans son humble demeure. Malgré le quartier peu ragoutant, l'intérieur du petit logis était présentable. Pour le jeune Valincourt, la taille du logement était équivalent à la plus petite pièce de son château familial. Tout tenait dans une seule et même pièce, divisée en deux parties. Le coin pour dormir était composé d'un lit, d'une armoire et d'une table où trainait une chandelle. L'espace à vivre était garnit d'une table à manger, une cheminée et un meuble pour garder les ustensiles et la nourriture.

Le jeune homme se sentit presque gêné d'être ici. Il détailla d'un bref coup d'œil celle qui les avait accueillis. Elle tentait désespérément de calmer le bambin, en lui répétant les paroles d'une berceuse, mais rien n'y faisait. Elle n'était pas spécialement belle ou laide. Elle était banale. Une peau caramel, des épaisses boucles brunes soyeuses et des yeux curieux sombres.

— Je t'ai tout emmené, dit Megan en posant le panier qu'elle avait trimballé avec elle toute la matinée. Tu as ici le nécessaire. Du linge propre pour le petit, du pain, du jambon, du beurre, du lait, des galettes et une gourde d'eau. Assez pour tenir sur la route. Et voici pour toi, dit-elle en lui tendant l'épaisse bourse volée.

— Megan, tout ça ! Je ne sais pas quoi te dire, merci.

— Tu me remercieras quand vous serez loin de la Montaudréanie. N'oublie pas de m'envoyer une lettre dès que vous serez arrivés à Soum. Saül passera ce soir te prendre avec le bébé et vos affaires. Il vous conduira jusqu'à la frontière et il t'aidera à trouver un passeur sûr. C'est le moment de commencer une nouvelle vie, Imane.

Larmes à l'oeil, la jeune mère était au bord de la joie. Même le bébé s'était calmé en entendant la nouvelle de leur prochain départ. La jeune mère trop émue, se perdit en remerciement, elle voulait tant prendre son amie dans ses bras, mais le bébé les empêchait de réellement le faire.

Elles échangèrent quelques mondanités puis Megan fit signe à Dave qu'il était temps de partir. Le Bellevuain salua leur hôte et s'en alla. Ce qu'il venait de voir l'ébranlait. Il avait jugé trop hâtivement Megan en dirait bien, du moins, il lui manquait des éléments de l'histoire pour comprendre tous les aboutissements. Comme si elle avait lu dans ses pensées, sa sauveuse répondit :

— Imane travaillait là où nous nous sommes rendus ce matin. Elle était femme de chambre. Elle est soumienne.

Dave se souvint rapidement de ses cours de Géographie à l'École royale d'arme et d'éducation de Bellevuannie. Soum était une petite cité perdue dans le désert au centre du continent. La culture anatolienne y dominait car nombreux d'entre eux y avaient immigrés il y a des années de cela. Elle se trouvait à plusieurs jours de la Montaudréanie. Il ne comprenait pas comment Imane avait pu se trouver à mille lieux de chez elle. Encore une fois, Megan lui répondit :

— Sa famille n'avait pas beaucoup d'argent et il était prévu qu'elle suive des études dans un temple à Hertia. Le seul pour femme. Elle a saisi sa chance. Mais ses parents ne pouvaient pas lui envoyer de l'argent régulièrement, ou très peu, alors elle a trouvé une place de bonne au manoir. Vu qu'elle était étrangère, la patronne ne faisait que la rabrouer ou l'humilier, quant à son mari il n'a pas été mieux et ayant la naïveté de la jeunesse, soupira un brin revêche la séductrice. Il lui a vendu monts et merveilles...

— Et elle y a cru, termina Dave.

Il savait parfaitement comment ce genre de choses se passait.

— Elle s'est retrouvée enceinte. Le temple ne pouvait tolérer une élève portant l'enfant d'un homme qui ne lui promettait pas le mariage et qui encore plus était marié. Ils l'ont renvoyée. Quand sa patronne a appris qu'elle était enceinte de son mari, elle l'a viré, sans ménagement. D'ailleurs, celui-ci n'a même pas voulu au moins lui donner un peu d'argent pour « compenser » sa faute. Je lui ai trouvé cet endroit en attendant, pour qu'elle arrive au terme de sa grossesse et qu'elle puisse subvenir aux besoins de son fils. Maintenant qu'elle a l'argent qu'on lui doit, elle peut repartir chez elle et avec la bourse que j'ai prise, il y en a assez pour qu'elle puisse démarrer une nouvelle vie à Soum loin de tout ce bazar. Viens, je t'emmène à Dornan de Rostevar.

Tribu : La Flamme [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant