Chapitre 21 : Mise à l'épreuve

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L'après-midi était arrivé rapidement et avec elle, les derniers entraînements qui allaient durer jusqu'au soir. Les dires de son rival avait inquiété le jeune Valincourt, qui à présent redoutait les exercices. Comment avait-il pu oublier la compétition qu'était sa vie lorsque Antoine de Merbella était dans les parages ?

Peu importe, maintenant il ne devait pas faire partie des meilleurs, mais être le meilleur. C'était la solution qu'il avait trouvé pour que ses professeurs passent l'éponge sur son usurpation d'identité. Chose qui n'était pas difficile quand il était seulement avec des garçons du peuple.

À présent que les nobles et roturiers étaient ensemble pour les entraînements, il allait être sur le même pied d'égalité que beaucoup d'autres qui avaient reçu la même éducation que lui. Il devait se montrer vigilant. Aucun faux pas ne devait être commis à l'avenir.

Élias le sortit de sa torpeur en le prévenant que c'était l'heure de se rendre au rassemblement. De mauvaise grâce, il le suivit jusqu'au point de rendez-vous où d'autres étaient déjà massés. Sans surprise, le capitaine Morin apparue quelques secondes plus tard avec les autres instructeurs, inspectant les rangées de son regard d'aigle. Sa seule présence suffit à faire taire tous les jeunes soldats.

Le capitaine Morin était un homme qui inspirait la crainte et le respect. Il était rare qu'il se répète. Lorsque le calme fut total, il fit un bref signe aux jeunes hommes de son groupe de le suivre. Les soldats se retrouvèrent près du lac et constatèrent qu'un parcours avait été dressé à leur attention. Dave en avait eu vent dans la matinée. Regnald lui avait dit qu'ils avaient fait un parcours chronométré, mais dans les montagnes.

— Comme vous pouvez le constater, voici ce qu'on appel un parcours. Un parcours d'obstacle pour être plus précis. Voilà comment les choses vont se dérouler. La première partie se fait à terre, la seconde dans le lac. L'objectif est d'aller sur la berge de l'autre côté du lac et me donner le contenu de la boîte qui est sur le rocher là-bas, indiqua-t-il en montrant le côté opposé. Faites une file, ordonna le militaire.

Les garçons se mirent aussitôt en rangées ordonnées, prêts à commencer.

— Ah ! J'allais oublier. Bien-sûr, vous devez faire cet exercice en moins de dix minutes, dit-il en posant un sablier sur un rondin d'arbre. Vous passerez un par un.

Sur ces chaudes paroles, l'épreuve commença. Le premier garçon passa. Être le premier à débuter n'était pas une chose facile. Tous les garçons l'épiaient et le pauvre semblait chercher l'approbation du capitaine à chaque geste. Cela avait pour seul mérite de lui faire perdre du temps. Il trébucha, se releva et continua. Au moment où il se déshabillait pour entrer dans l'eau le capitaine cria un « stop » alertant pour l'empêcher de continuer. Le temps s'était écoulé.

Les autres passèrent et tous échouèrent, lamentablement pour certains. Des jeunes bellevuains traînaient lorsqu'il fallait passer sous le tunnel, d'autres étaient gauche lors de l'épreuve d'accrobranche, d'autres trop lents, d'autres trop confiants. Il y avait de tout, mais personne n'avait réussi à passer haut la main l'exercice et cela amusait le capitaine Morin tout comme Dave qui volontairement avait voulu passer le dernier.

Il attendait son tour, observant chaque technique de ses concurrents. Voir où il pouvait échouer et où était sa force et surtout, qu'est-ce que le capitaine Morin jugeait vraiment dans cette épreuve. La vitesse était un leurre et il le voyait. La solution lui apparue comme un éclair lorsqu'il entendit des candidats qui ressortaient bredouille de l'épreuve discuter avec d'autres.

La clé. La clé pour ouvrir le coffre était au fond du lac et impossible de la voir distinctement. C'est pour cela que la majorité traînait lors de la plongée. C'est la clé qui était la « clé » de cette épreuve. Tout le monde la cherchait, c'est ça qui leur faisait perdre réellement du temps et c'est ça qui enverrait Dave au succès.

— De Valincourt, appela le capitaine.

Il était le dernier à passer. Tous les regards étaient à présent sur lui. Cela le flattait d'une certaine façon, mais maintenant qu'il était le centre de l'attention, il ne devait pas échouer. Il n'avait aucune excuse à part l'échec de ses prédécesseurs.

— Montrez-nous ce que vous savez faire.

Le jeune homme avec un regard arrogant lorsque le sable commença à couler verticalement dans le sablier s'évertua à réaliser le parcours. Il passait les nombreuses épreuves avec succès, se mouvant, courant, sautant avec technique, rapidité et une grâce rare. Tout cela avec un brin de provocation, faisant quelques mimiques destinées à singer où baisser d'un cran la difficulté et la crédibilité de l'exercice.

Enfin devant le lac, celui-ci jeta un regard au sablier, un sourire malicieux aux lèvres, presque moqueur. Il lui restait peu de temps pour chercher la clé et passer le lac. Ses camarades le voyaient déjà échouer. Ils pensèrent qu'il allait se bouger et accélérer la cadence. Rien de tout cela ! Contre toute attente, Dave mit son temps d'avance à profit pour se déshabiller devant ses camarades avec un calme insolent.

Certains admirent qu'il avait du chien. D'autres se moquèrent ouvertement de son numéro et d'autres ne savaient que penser de cette provocation. Après avoir enlevé sa chemise et ses chaussures pour garder comme tout vêtement son pantalon, le grand brun plongea dans le lac et entama une brasse pour arriver de l'autre côté de la rive. À aucun moment il ne s'arrêta pour chercher ladite clé dans les profondeurs verdâtre du lac.

— Mais qu'est-ce qu'il fait ! s'étrangla Élias. À quoi ça sert d'aller ouvrir la boîte sans clé !

Les interrogations d'Élias restèrent en suspends, son ami ne l'entendait pas. Avec quelques secondes d'avance, il arriva de l'autre côté. Secoua ses cheveux courts mouillés pour enlever le peu d'eau qu'il y avait dessus et dans une démarche de prince, se dirigea droit sur le rocher où la boîte était posée, avec son cadenas, fermé à clé.

Il s'en empara comme si celle-ci avait le poid d'une feuille. Il courut quelques foulées jusqu'au capitaine Morin et au moment où le dernier grain de sable tomba sur les précédents, il lui tendit le coffre. Toute l'assemblée excepté les haut-gradés étaient médusés. Dave avait fait preuve d'une insolence rare.

— Vous pensez avoir réussi de Valincourt ? demanda le militaire avec son calme effrayant.

— Je ne le pense pas, capitaine. Je le sais. Tenez, tendit-il.

— Vous vous moquez de moi ?

— Non, mon capitaine.

— Alors, arrêtez votre numéro de charme, tout de suite. Dois-je vous rappeler les consignes de l'exercice ?

— En fait, commença Dave en baissant les bras et la boîte par la même occasion. Je sais exactement quelle était la consigne. Faire le parcours et vous donner le contenu de la boîte.

— Où est-t-il ?

— Dans le coffre, fit avec évidence Dave.

— Je n'ai pas demandé la boîte de Valincourt, mais le contenu, lui rappela l'instructeur.

— C'est vrai, mais le contenu est à l'intérieur. 

— Et que faites-vous de la clé pour l'ouvrir ?

— S'il fallait une clé pour ouvrir le coffre vous nous aurez signalé dès le début de plonger dans le lac pour la trouver. Vous nous avez demandé le contenu de la boîte. Vous ne nous avez pas précisé qu'il fallait à tout prix l'ouvrir. De plus, vous saviez que la plongée nous ferait perdre du temps à tous. C'est là que se jouait le vrai test : savoir écouter les ordres.

Le capitaine Morin prit la boîte sans délicatesse des mains humides de Dave. Il demanda à un autre soldat de l'armée bellevuenne de lui donner la clé sous les yeux ébahis des autres garçons. Le capitaine introduisit le morceau de fer dans la serrure du cadenas qui céda immédiatement, révélant le contenu du coffre... rien !

Personne n'osa parler ou ne serait-ce que murmurer quelque chose. Tous les yeux étaient braqués sur la boîte vide, le cadenas et Dave tout sourire d'avoir réussi. Le capitaine Morin ne le montra pas, mais une lumière d'amusement et de malice parcourue son regard furtivement, après avoir poussé un petit rire discret masqué par un raclement de gorge, il lâcha sincère avec solennité :

— Je suis content que votre père, ne vous ai pas renvoyé au pays de Valincourt.

— Moi aussi, capitaine, sourit Dave.

Tribu : La Flamme [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant