Chapitre 20

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L'autel se situait au centre d'une sphère qui semblait avoir été découpée dans un même bloc de pierre autour duquel s'élevaient cinq menhirs. Ce bloc de pierre était marqué par trois cercles concentriques dont l'autel se trouvait au centre.

Ce dernier se composait d'un pied en pierre grossièrement polie dont le sommet représentait deux mains jointes, comme prêtes à recevoir un présent.

Morgane y déposa un bol en granite blanc. L'autel parvenait à peine à sa taille. D'une main elle tenait un petit couteau en silex, avec lequel elle se trancha la paume. La douleur lui arracha une grimace. Elle pressa ensuite le poing ensanglanté au-dessus du bol dans lequel fut recueilli le précieux liquide :

- Ma sœur, fit Elaine inquiète, cette voie est pleine de périls.

- Nous n'avons aucun autre recours, lui répondit amèrement Morgane.

- C'est une magie sombre qui entachera à jamais ton âme, enchaîna Morgause.

- De même qu'il n'y a pas de retour pour nous une fois que le Grâal aura été retrouvé, la gronda Morgane en la regardant. Seul un alter égo peut vaincre Arthur et Excalibur, vous le savez autant que moi.

- Et si le fils du dragon avait raison, son aura est trop pure pour être porteuse de malheur !

- Avant était le néant puis est apparue l'ancienne religion et son culte a permis de restaurer l'ordre sur terre en permettant aux humains et aux créatures magiques de cohabiter en paix !

- Peut-être que cette ère est révolu, et que le Grâal est annonciateur d'un nouveau monde ?

- Nous devrions prendre garde, ma chère sœur, ce rite est contraire à nos croyances.

- Que vaut une vie si elle est sacrifiée pour la survie de tout un peuple ? Maintenant taisez-vous donc mes sœurs, et préparons-nous pour la cérémonie ! termina Morgane en entendant des pas se rapprocher.

Mortifiées, Elaine et Morgause se placèrent de part et d'autre de l'autel, tandis que Morgane se retourna pour faire face au nouvel arrivant.

Celui-ci avait les cheveux bruns aux reflets roux, courts et très bouclés. Il avait un teint clair et le visage parsemé de tâches de rousseurs. Pour tout habit il portait une sorte de pagne en lin blanc, attaché au niveau de la taille, dont un pan très large lui recouvrait une poitrine du torse et de l'épaule droite. Il portait des spartiates à l'image des romains :

- Es-tu prêt mon enfant ? lui demanda Morgane en l'accueillant.

- Oui mère, je le suis.

Morgane faillit rajouter quelque chose d'autre mais l'inconnu l'arrêta :

- Je le fais pour vous, mais je le fais aussi pour moi. L'héritage d'Uther n'aurait jamais dû être. Et par mon action je restituerai les choses dans leur ordre originel.

Il s'avança jusqu'à l'autel où il s'arrêta. Morgane resta un court instant en retrait, luttant contre elle-même contre son désir de tout arrêter, car ses sœurs n'avaient pas tort : ce sort qu'elles s'apprêtaient à lancer appartenait aux ténèbres, et cela allait contre leur culte. Mais elle se convint que la lutte qu'elle menait allait au-delà du bien et du mal, car à la fin, seule leur survie comptait.

Quand elle rejoignit ses sœurs, elle arborait un air décidé qui cachait des inquiétudes encore plus grandes.

- N'oubliez pas mes sœurs, les avertit-elle, à aucun moment vous ne devrez interrompre vos incantations, autrement vous signerez notre arrêt de mort, et ça sera réellement la fin de tout.

D'une même voix, elles se mirent à scander les incantations. Toutes les trois, elles avaient formé une sorte de triangle, dans le dernier cercle gravé dans la roche. L'inconnu et l'autel se situaient au centre.

Au fur et à mesure qu'elles progressaient dans leur récitation, une à une chacune des lignes des trois cercles s'illuminèrent. Un pentagramme, dont chacune des branches se terminait au niveau du sommet d'un menhir, apparut alors au-dessus de leurs têtes. Puis au centre de ce pentagramme, apparut un œil immense. Il était entièrement rouge, excepté l'iris qui était noir.

Une peur viscérale s'empara des trois sœurs, et Morgane sentit même une sueur froide coulé le long de son échine. Elles ne s'arrêtèrent cependant pas de scander leurs prières. L'œil parut s'en réjouir.

Il leur lançait un regard glacial, dépourvu de la moindre émotion, puis ce qui semblait être une larme, d'un rouge brillant dégoulina de cet œil et tomba dans le bol en granit sur l'autel.

Le contenu entra alors en ébullition, et alors qu'il allait déborder du vase, tout s'arrêta. L'œil se ferma et disparut, mais avant que le pentagramme et le faisceau lumineux émanant des cercles, ne disparaissent, une main couverte de poils noirs et drus, aux ongles longs et tordus, apparues à la place de l'œil. Elle tenait une épée qu'elle laissa tomber vers le sol. La pointe de celle-ci s'enfonça mollement dans la pierre à proximité de l'autel. Puis tout disparut.

Tandis qu'Elaine et Morgause continuaient de prier, Morgane s'avança jusqu'à l'autel et jeta dans le bol quelques pétales de fleurs qu'elle avait arrachées de son bracelet. Elle prit celui-ci qu'elle tendit ensuite au jeune homme, qui de tout le rite, était resté immobile et silencieux.

En réalité pour lui, il n'y avait pas eu la scène du pentagramme et de l'œil dans le ciel, car à ce moment, il avait été figé, comme toutes les créatures non magiques qui se trouvaient dans les environs, au moment de la cérémonie.

Il prit le bol que lui tendait sa bienfaitrice, le vida et le lui rendit. Pendant un bref instant, ses yeux devinrent entièrement noirs, avant de reprendre leur couleur naturelle. Morgane reposa ensuite le bol, se saisit de l'épée et la lui tendit.

C'était une belle arme, outre la garde qui était en or, la lame était noire, légèrement argenté sur les tranchants. Le centre de l'épée était décoré par des tresses de couleur dorée, semblables à celles du bracelet de Morgane.

Le jeune homme prit la lame et la contempla d'un œil admiratif.

- c'est une belle arme, apprécia-t-il.

- En effet, approuva Morgane, comment allez-vous la nommer ?

Le jeune homme réfléchit quelques instants, avant de répondre :

- La tueuse de dragons, répondit-il sur un ton neutre, toujours en admirant la lame.

Morgane l'observa quelques instants, avant de tourner les talons et commencer à s'éloigner :

- Suivez-moi très cher, intima-t-elle, il est temps que nous rencontrions nos alliés.

La petite troupe s'éloigna alors dans l'obscurité.

Lost in a fairy taleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant