Chapitre 40

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Une fois sorti de la pièce, Arthur distribua ses derniers ordres à ses généraux qui l'attendaient à l'entrée de la pièce, avant de se diriger vers les appartements de la Reine.

Il ne l'avait vue depuis les événements de la veille. Il avait fait placer des gardes devant ses appartements et avait demandé à être informé du moindre incident la concernant ; preuve qu'il se préoccupait encore de son bien-être. Ils devaient se parler au moins une dernière fois avant qu'il ne parte, car Dieu seul sait s'il reviendrait vivant de cette guerre, vu comment les choses allaient.

A son arrivée, il tint malgré à annoncer sa présence et attendre qu'elle lui donne l'autorisation de rentrer, avant qu'il ne pénètre dans la pièce.

L'endroit était vaste et arrangé avec recherche, dans les tons verts et bleus qu'affectionnait la Reine. L'entrée donnait directement sur de hautes et éclairées fenêtres qui s'ouvraient sur un large balcon. Un tapis couleur vert-eau allait de la porte, aux fenêtres, partageant la chambre en deux. A droite se trouvait un immense lit à baldaquin, à côté duquel trônait une coiffeuse dotée d'un très grand miroir, digne d'une reine. Et de l'autre coté, un paravent en bois rouge.

De l'autre coté se trouvait une immense armoire en bois rouge, ouvragée avec soin. Les motifs reprenaient un amalgame de feuilles et de branchages, dont toutes les feuilles étaient serties de pierres bleues et vertes. A côté de l'armoire se trouvait un paravent du même bois.

Au milieu de la pièce se trouvaient disséminées des sièges, sur lesquels se trouvaient des métiers à broderies, que les dames de compagnies avaient abandonnés avant de sortir, à l'annonce du Roi. Sur le balcon, de larges pots étaient disposant, dans lesquels poussaient de très nombreuses roses de toutes les couleurs.

Les murs étaient couverts de tapisseries représentant des paysages vierges, de jardins fleuris et d'autres scènes détaillant la vie au château, mais aucune représentation de combat ni de guerre car la Reine détestait la violence.

Arthur aimait l'ambiance sereine qui régnait dans cette pièce, et quand il avait du temps, il aimait beaucoup y rester en compagnie de Guenièvre.

Cette dernière était d'ailleurs sur un des sièges en face de la fenêtre ouverte, qu'elle avait abandonné également avant de faire une révérence à l'annonce du Roi.

Arthur la regarda à peine, cependant il remarqua à quel point son visage d'habitude serein et d'une beauté parfaite, était strié par la douleur. Elle était toujours d'une très grande beauté, mais la tristesse voilait ses traits :

- Releva-vous madame, lui intima-t-il d'un ton sec.

Il se plaça dans l'embrasure de la fenêtre, tandis que Guenièvre se tenait debout derrière lui, le visage tourné vers le sol. Ils restèrent un long moment silencieux :

- Nous partons demain pour le front, annonça-t-il finalement.

La nouvelle glaça Guenièvre. Elle avait toujours eu peur pour lui quand il se mettait en campagne, et avait l'habitude de passer de longues heures en prière, pour qu'il regagne le château sain et sauf. Ses prières avaient toujours été exaucées car à chaque fois, le Roi lui était revenu indemne. Cependant, elle avait un terrible pressentiment à propos de cette guerre, mais elle n'osa le dire à Arthur.

Elle l'avait trahi et bafoué aux yeux de tous. Elle méritait de bruler vive sur un bûcher au lieu de passer tranquillement ses journées à se prélasser dans sa confortable chambre. Il s'était montré bien clément, elle en était aussi conscience, et c'était justement ce qui rendait sa culpabilité aussi lourde à porter.

Jusqu'à présent elle avait été sure d'aimer Lancelot, plus que tout. Il la comprenait, et il l'aimait inconditionnellement et entièrement, et lui accordait chacune des secondes de son existence contrairement à Arthur. Evidemment la première chose qui l'avait atiré chez le Roi était sa magnificence, Arhur avait l'éclat du soleil et la fougue d'un lion, personne ne pouvait le voir sans être ébloui. Il accomplissait son devoir de Roi avec une constance. A ses côtés, elle se sentait en sécurité, choyée et aimée.

Cependant au fil du temps, elle ne voyait plus en lui que le Roi, et l'être entier, plein de douceur et de chaleur qu'elle avait connu, avait fini par être enseveli par toutes les charges qui lui incombaient.

Hier pourtant face à la souffrance à peine voilée d'Arthur, elle avait retrouvé celui qu'elle avait aimé. Et il était fou de dire que pour la première fois depuis des années, ils s'étaient enfin vus comme la première fois. Elle était mitigée, car si jusqu'à la veille, elle avait été sure de pouvoir s'enfuir avec Lancelot, aujourd'hui cette idée ne lui paraissait plus aussi bonne.

Devait-elle le lui dire, ou éviter de l'ennuyer d'avantage avec ses choses futiles :

- Sire, osa-t-elle quand même dire, avec votre permission, je souhaiterai me retirer au couvent, afin de passer le restant de mon existence à expier mes péchés.

C'était une bonne idée, qui lui évitait de réfléchir à un châtiment approprié, car la Reine ne pouvait éternellement demeurer enfermée dans ses appartements, au risque d'éveiller les soupçons. Au moins ainsi, la question était réglée. Néanmoins, cette nouvelle ébranla profondément Arthur. Car malgré ce qu'elle avait fait, il se demanda s'il pouvait passer le reste de son existence sans la contempler et l'avoir à ses côtés :

- Bien, répondit-il simplement.

- Arthur, tenta encore Guenièvre, je suis profondément navrée...

Mais Arthur l'interrompit en levant une main : c'était encore trop tôt, la douleur était bien trop vivace. Plein de questions l'assaillaient, la première étant évidemment combien de temps durait cette relation. Il se demandait aussi la raison pour laquelle elle lui avait préféré Lancelot.

Une colère sourde s'empara de lui, la nuit dernière cette même colère l'avait poussé à saccager entièrement ses appartements. Mais cette fois-ci, il se contenta de serrer les poings, et s'enfoncer les ongles dans la chair, pour se contenir.

Après quelques instants, il tourna les talons et sortit de la pièce. Il ne pouvait toujours pas la regarder dans les yeux, mais c'était bien assez pour des adieux.

Au cours de cette soirée, les hérauts annoncèrent dans toute la citadelle et la ville basse, les premières manœuvres des troupes prévues pour le lendemain. Des bancs furent également publiés partout. De nombreux cris accueillirent la nouvelle : certains étaient des cris de joie, pour ceux qui y voyaient là une nouvelle conquête du Roi qui allait agrandir la renommée du royaume. Pour d'autres, c'était au contraire l'annonce de cette longue période sombre emplie de crainte et de douleur qui accompagne la guerre.

En ce jour de Juin, le Roi Arthur entra officiellement en campagne contre Vortimer, et chacun de son côté, ils se préparèrent à se livrer une bataille épique et ultime.

Lost in a fairy taleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant