Au château, dans la salle de conseil, Arthur distribuait les dernières instructions à ses généraux avant de mettre son armée en marche, quand dans un souffle, Merlin se matérialisa dans un coin de la pièce. Il savait que Merlin n'utilisait la magie au sein du château, qu'en de très rares occasions, ce qui lui permit de deviner assez vite la raison de son intrusion.
Il congédia les conseillers encore sous le choc de cette intrusion, car pour la plupart, c'était la première fois qu'ils voyaient l'enchanteur faire usage de ses dons.
- Arthur, tempêta Merlin dès que la porte se fut refermée sur eux, vous avez osé consigner Avalone dans ses appartements ?
Entendre le véritable nom de celle qui fut autrefois sa protégée, arracha une moue à Arthur. En effet la veille, Merlin lui avait avoué qu'elle s'appelait Avalone et non Dame Iris comme elle l'avait dit à son arrivée. Plus il en apprenait sur cette jeune femme, plus Arthur était perturbé.
Ynis Affalon ou île d'Avallon était un nom que seuls les initiés connaissaient, ceux au fait de l'ancienne religion et du culte de Ceridwen, déesse de la vie, de la mort et de la renaissance, qui régnait sur le cycle de la vie. Elle était la gardienne du chaudron de la sagesse, des lettres et des arts cachés et de la magie, elle abreuvait toutes les créatures qui lui vouaient un culte. Elle était pour ainsi dire la mère des créatures magiques pour lesquelles elle vouait un amour particulier. Il est dit que Ceridwen, les aima tellement qu'elle créa Avallon, une place mythique perdue entre le monde des vivants et celui des morts, qui est un lieu de retraite pour ces créatures enchantées. Cependant quoiqu'iconique, l'existence de cette île n'a jamais été prouvée.
Que cette jeune femme porta ce nom, et en plus qu'elle vienne du futur, le plongeait dans la plus grande perplexité :
- Après vos révélations la nuit dernière, c'est la seule solution qui nous restait, répondit calmement Arthur. Vous l'avez dit vous-même, elle détient des informations importantes et on ne peut la laisser tomber entre de mauvaises mains.
- Mais de là à l'enfermer dans ses appartements comme une prisonnière, s'indigna encore plus Merlin. Elle s'est assise sur le siège périlleux, rien que pour vous prouvez sa bonne foi Arthur. Moi-même je n'aurais jamais osé prendre pareil risque, ni vous-même d'ailleurs. Quelle autre garantie de sa bonne moralité vouliez-vous donc ?
- Il ne s'agit pas de moralité Merlin mais de sécurité, s'impatienta Arthur, vous le savez aussi bien que moi.
Le siège périlleux est le siège qui à la table ronde, se trouve à droite du Roi. Si toutes les autres places portaient le nom d'un chevalier, ce siège n'en porte pas. Et pour raison, car il est destiné au meilleur chevalier du monde, celui qui en trouvant le Graal, mettra un terme à cette quête. Ceux qui n'en étaient pas dignes mais qui osaient y prendre place, étaient engloutis par la terre, ou alors mouraient calcinés.
C'était ce qui avait le plus impressionné Arthur. Dame Iris ou quoiqu'elle se nommait, n'était pas un chevalier, ni même un apprenti. Pourtant, elle avait saisi mieux que certains des plus anciens chevaliers ce qu'était l'esprit chevaleresque. Et jusqu'à preuve du contraire, elle se portait encore très bien, après son acte d'une inconscience absolue.
Merlin attribuait cet exploit, au fait qu'elle était hors du temps et qu'aucune magie de leur monde n'avait de prise sur elle. Mais était-ce réellement le cas ? Arthur avait sa propre théorie : en effet si Dame Iris venait du futur, c'est qu'elle savait des choses ignorées par bien d'autres et même par Merlin, qui n'avait jamais pu leur indiquer l'emplacement du Graal. Dame Iris devait savoir où se trouvait le Graal, c'était comme si elle l'avait déjà en sa possession. Elle ne pouvait de ce fait pas être rejetée par le siège. C'était du moins l'explication qu'il se donnait.
C'était aussi, sinon la principale raison pour laquelle il la tenait enfermée : cette information ne devait jamais tombée aux mains des ennemis du trône. Il fulminait encore de savoir que Merlin avait pu se montrer aussi insouciant.
- Arthur, essaya encore Merlin, je suis bien conscient que vous avez de terribles griefs contre moi, et vous êtes dans votre droit, mais je vous en conjure, revenez à la raison !
A ce moment de violents coups heurtèrent la porte :
- Par tous les cieux, qu'est ce donc encore? soupira Arthur las des désagréments qui ne cessaient de poindre ces derniers jours.
Un chevalier entra en courant dans la pièce. Il n'avait plus de casque et avait un œil au beurre noir. A sa vue, Arthur comprit immédiatement qu'un incident venait encore de se produire :
- Sire, bafouilla le pauvre homme, Dame Iris vient d'être enlevée... Par Sire Perceval...
Arthur écouta, de plus en plus ahuri, le jeune homme leur raconter comment, alors que Dame Iris n'avait manifesté aucune sorte de résistance à l'annonce des ordres du Roi, et que tout se passait bien lors de tour de garde, Perceval avait surgi comme un beau diable. Il les avait assommés et avait enlevé la Dame.
De colère, Arthur donna un grand coup de poing sur la table, s'il avait pu, il l'aurait démolie :
- Je vous avais prévenu, s'emporta également Merlin, voilà ce que je redoutais. Maintenant il m'est absolument impossible de savoir où elle se trouve, parce que ma magie est impuissante sur elle.
Il n'eut aucun mal à deviner les intentions d'Avalone, et cela le paralysa. Malgré tous ses dons, jamais il n'avait pu localiser le Graal, ni même avoir un indice sur l'endroit où la coupe pouvait se trouver. Mais ce n'était pas le cas d'Avalone. Cette femme n'avait peur de rien, et rien ne l'empêcherait de réaliser ses desseins. Il se demanda, si finalement, il n'aurait pas agit de la même manière s'il avait été à sa place.
- Que se passe t-il donc dans ce château, pesta Arthur, avez-vous tous perdu la raison ?
Il se sentait emporter par un courant sur lequel il n'avait plus aucun contrôle, et cette impression d'impuissance alors qu'il avait été investi de tant de pouvoir, lui était désagréable au plus haut point :
- Rien de tout cela, lui répondit tristement Merlin. Ce n'est rien de plus que la roue du destin qui vient de se mettre en branle.
Arthur se releva, rengaina Excalibur, puis se dirigea d'un pas décidé vers la porte :
- Où allez-vous donc, demanda Merlin craignant que le Roi ne se lance à la poursuite des deux fugitifs.
- Il semblerait que mon tour soit venu d'aller à la rencontre de ma propre destinée, lança-t-il par-dessus son épaule en s'éloignant, je m'en vais au front Merlin !
Arthur partit de la pièce laissant un Merlin, anéanti par cette nouvelle. Ce dernier se demanda s'il avait le droit de se conduire aussi égoïstement que le faisait Avalone. Il n'avait jamais eu d'enfants et ne pourrait jamais enfanter, et même s'il ne pourrait jamais être digne de ce dernier, il considérait Arthur comme son propre rejeton. Il savait aussi l'existence même d'Arthur, desservait un dessein bien plus grand que celui qu'il ne pourrait l'imaginer.
Pourtant il lui était très dur de le voir aller avec autant de détermination vers sa propre mort. Il avait les pieds et les mains liés, car il ne pouvait absolument pas intercéder dans ce qui allait arriver, mais il se prit à souhaiter la réussite d'Avalone.
Merlin s'exhorta au calme, il lui restait encore quelques choses à régler pour ce moment fatidique. Après cela, il disposait de l'éternité entière, pour se plaindre sur son sort. Il s'évanouit dans les airs tout comme il y était apparu.
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Lost in a fairy tale
FanfictionAvalone a un lourd passé derrière elle, un fardeau si pesant, que parfois il lui semble impossible à surmonter. Et comme si cela ne suffisait pas, elle peine aussi à tisser des relations durables, car recherchant en chacun de ses compagnons, des qua...