Chapitre 30

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Le lendemain matin, la ville fut réveillée par une annonce des hérauts. En effet, mandatés par le Roi, ces derniers lisaient des bancs annonçant l'entrée en guerre du royaume de Camelot sans pour autant évoqué le mystérieux cavalier qui avait fait irruption dans l'arène lors du tournoi. Les mêmes affiches furent placardées un peu partout en ville.

Cependant, le lien entre les deux évènements, se fit automatiquement dans la tête de la population, qui attribua alors l'intrusion de Mordred lors du tournoi à une manœuvre et ultime provocation de leurs ennemis, qui avait entrainé la décision du Roi de rentrer en campagne. Exactement comme le souhaitaient les habiles conseillers du Roi.

Même si l'inquiétude et l'ombre de douloureuses et parfois définitives séparations à venir, étaient dans l'esprit de chacun, le moral de cette population était on ne peut plus haut, car le Roi Arthur n'avait jamais connu de défaite auparavant. Et ce banquet qui se préparait en l'honneur du tournoi, n'était qu'un avant-goût d'un autre plus grandiose qui s'annonçait, une fois que les troupes seraient rentrées victorieuses.

Ce fut donc le cœur en fête que chacun s'adonna à ces préparatifs et les camelotais se parèrent de leurs plus beaux atours et sortirent s'amuser sur une place spécialement aménagée pour l'occasion.

Au château, ce jour-là dès l'aube, plusieurs chevaliers s'étaient mis en route vers les demeures de certains seigneurs vassaux du Roi, afin de les informer de la campagne qui se préparait. Ces seigneurs devaient également rassembler leurs troupes et les envoyer à un point de rassemblement, au cas où la guerre serait effective.

Le conseil qui siégeait ce matin-là, devait décider des détails stratégiques de la bataille mais aussi du renforcement de la sécurité des places fortes dont Camelot arrivait en tête.

Alors que les discussions battaient leur plein, un garde informa Arthur de l'arrivée d'un noble qu'il se devait personnellement d'accueillir. En effet celui-ci occupait une grande partie des terres les plus fertiles de Camelot et possédait des réserves très importantes de grains mais aussi d'autres denrées telles que les patates. En cas de guerre son appui serait non négligeable pour ravitailler les troupes.

En l'absence d'Arthur, les discussions sur la protection de la citadelle reprirent. En effet Camelot était le centre de pouvoir du royaume et ils devaient à tout prix la protéger. L'un d'entre eux vint à évoquer la sécurité de la Reine :

- Il ne faudrait pas que quelqu'un d'autre profite de la situation et essaye de l'enlever pendant notre absence, comme cela s'est produit avec Méléagan.

- Ah ces bonnes femmes, dénigra Agravain, elles auront toujours besoin de quelque chevalier pour leur porter secours.

- Dame Iris est différente, intervint Gauvain, d'ailleurs je serais prêt à gager 10 pièces d'or qu'elle vous botterait l'arrière train en combat singulier.

La salle partit d'un grand éclat de rire tandis qu'Agravain pestait :

- Il n'est aucune dame qui puisse me battre dans aucun type de combat, fanfaronna-t-il. Et même si je ne suis pas aussi fort que Lancelot, on ne peut me reprocher d'être plus que loyal envers notre Roi.

- Prenez garde à vous Agravain, l'avertit alors un autre chevalier nommé Calogrenant. Nous en avons déjà discuté et vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez.

- Je n'en avais aucune avant, mais aujourd'hui j'en détiens toute une balayette, répondit Agravain, j'ai suivi Lancelot pendant son voyage. Vous n'avez pas trouvé étrange qu'il coïncide parfaitement avec la retraite de la Reine. Eh bien moi si ! Et je les ai vus de mes propres yeux, ils se sont retrouvé au bord du lac. Je puis également vous assurer qu'ils se sont encore vus hier alors que nous festoyions tous ici. Je les ai encore suivis mais malheureusement j'ai dû partir car une autre personne a failli me voir alors que je les épiais.

Le silence s'abattit dans la salle tandis que tous réfléchissaient. Cela faisait des lunes qu'Agravain affirmait une affaire honteuse entre Lancelot et la Reine. Certes il existait un lien particulier entre eux car Guenièvre avait elle-même adoubé ce dernier, quand Arthur en avait été empêché.

 Certes il existait un lien particulier entre eux car Guenièvre avait elle-même adoubé ce dernier, quand Arthur en avait été empêché

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Depuis Lancelot était aussi bien le champion du Roi que celui de la Reine, mais de là à proclamer quelque chose d'aussi déloyal. Ils avaient tous tenté de sortir cette idée de la tête d'Agravain mais en vain.

Et voilà que maintenant il disait en avoir la preuve. On pouvait reprocher à Agravain d'être vaniteux, mais le mensonge était loin de faire partie de ses défauts :

- Nous devons avertir le Roi, continua-t-il, autrement nous nous rendrons tous complices de cette trahison, et coupables autant qu'eux de félonie.

Mais tous savaient l'attachement d'Arthur à Guenièvre et ne pouvaient imaginer les conséquences d'une telle dénonciation, surtout en ces temps de menace.

- Prenez garde Agravain, le conseilla Gauvain, le moment est très mal venu pour ce type de révélation quand bien même vos accusations seraient véridiques. Pensez à ce que ferait Arthur s'il venait à l'apprendre. Avec cette guerre qui se prépare, Lancelot nous serait bien plus utile sur le champ de bataille que pourrissant dans une fosse commune, pensez-y. Nous devrions plutôt nous taire et attendre un moment plus propice.

Sur ces entrefaites, Arthur entra dans la salle :

- De quoi donc devrez-vous attendre une meilleure occasion s'enquit-il ?

Son arrivée les fit tous sursautés, et de surprise Gauvain lâcha sa hache dont il était en train de faire briller la lame.

Le mensonge est un défaut que les chevaliers font serment de bannir lors de leur adoubement, et bien que très peu parviennent à respecter ce sacrément, pour tous, il était très difficile d'y avoir recourt. Et encore plus dans le vif d'une conversation.

Ils se mirent alors à bafouiller, sauf Agravain qui conserva le silence. Arthur avait beaucoup de préoccupations en tête à ce moment, aussi ne remarqua-t-il pas leur gène. Et peut-être que l'incident aurait été clos, si Agravain n'avait décidé de passer aux aveux :

- Sir, commença-t-il, il est coutume que de dire jamais deux sans trois, aussi et puisque mes frères se refusent à accomplir cette tâche, je serais le terrible messager de ce troisième malheur.

- Qu'est-ce donc ? demanda Arthur soudain intrigué.

- Au nom du Tout puissant Agravain, s'énerva Gauvain, si vous tenez autant à votre Roi que vous le dîtes, vous vous devez de lui épargner cette humiliation.

Arthur qui allait vers son siège, s'arrêta pour observer ses compagnons. Il était désormais clair qu'ils tentaient tous de lui cacher quelque chose. Il leur fit alors face, sans dire un mot, se contentant de les fixer :

- Sire, continua Agravain après un rapide coup d'œil à Gauvain, Sire nous avons découvert, enfin j'ai découvert...

Puis inspirant un grand coup pour se donner un courage qui lui manquait soudain :

- Sire, la Reine entretient des rapports concupiscents avec un de vos chevaliers qui siège ici même à la table ronde. Il s'agit de Messire Lancelot du lac. Croyez-moi Sire, je n'oserai jamais me prêter à de telles allégations sans apporter une preuve et même un second témoin à mes dires.

Arthur ne dit mot, pas plus que quelqu'un d'autre dans la salle. Tous restaient immobiles, osant à peine respirer. Même les mouches arrêtèrent de voler, et se posèrent comme écrasées par la gravité de la situation :

- Continuez, dit simplement Arthur.

Lost in a fairy taleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant