Chapitre 86 : Pirates et pêcheuses

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Point de vue d'Ariane :

Je m'assois sur le sol poussiéreux de la cabane et sors le carnet et le stylo rangés dans ma poche arrière de mon jean. A côté, j'entends la respiration régulière de Carol. Je soupire et ouvre le carnet sur une nouvelle page blanche tout en regardant les précédentes que j'ai remplies durant ces trois derniers mois. Dehors, seuls les grillons brisent le silence nocturne qui nous englobe depuis quelques heures.







« Jour 89 : La journée a encore été éreintante, mais elle m'a permis, comme toutes les autres, à me faire oublier pour un temps les sombres problèmes que j'ai laissé derrière moi. Le bateau retourne à Oceancide demain et Carol et moi seront du voyage. J'ignore encore si celle-ci souhaite repartir après ; on n'en a jamais réellement discuté ».







Je lève la tête lorsque j'entends des voix provenir de l'extérieur. Deux gardes passent devant la cabane avant de s'éloigner pour faire leur tour de surveillance. Je joue quelques secondes avec mon stylo avant de replonger dans mon journal.







« Je me souviens du jour 0. Nous avions vogué plus d'une journée dans le bateau de pêche, mais je ne regrette pas d'être partie. Daryl avait raison en me disant de m'éloigner pour quelques temps. Peut-être devrais-je rester plus longtemps... ».







Je relève la tête et réfléchis à ce qu'il se passerait à mon retour. Les problèmes que j'ai fuis seront toujours présents. La douleur que j'ai tentée d'amoindrir ne fera que revenir pour m'étouffer. La haine qui passait dans mes veines ne fera que renaître. Et la culpabilité que j'ai essayé d'enfuir au plus profond de moi reviendra me happer de l'intérieur.







« J'aimerai ne pas revenir. Je sais que Carol souhaite la même chose. Elle n'a pas besoin de me le dire pour que je sache qu'elle pense la même chose que moi. Je voudrai partir loin. Prendre la route sans jamais m'arrêter jusqu'à trouver un endroit qui me conviendrait. Au fond de moi, j'aimerai changer de vie et en recommencer une nouvelle avec Evan et Daryl. Mais je sais que c'est impossible. Ce n'est qu'un rêve inaccessible et bien trop douloureux à formuler ».







Je ferme finalement mon carnet, le pose avec mon stylo sous mon oreiller et m'allonge, un bras sur mes yeux. Au 91ème jour, je serai de retour à Oceancide. Je sortirai du bateau de pêche pour retrouver ma famille. Je finirai par demander s'il y a eu des problèmes et la réponse que Daryl me donnera ne me surprendra pas.

J'avais oublié la sensation de tenir un journal. Lorsque j'ai trouvé ce petit carnet vierge niché en haut d'une étagère poussiéreuse, je n'ai pas hésité une seconde à le prendre. Au début, je ne savais pas quoi écrire. Je bloquais à chaque mot, comme s'ils refusaient de sortir du stylo. Ils ne faisaient que se bousculer dans ma tête sans pour autant glisser sur le papier. Mais au lieu de fermer ce petit cahier, je me forçais à écrire les trois premiers mots avant que la bille du stylo ne dessine lui-même les lettres. Maintenant, ce petit carnet si précieux à mes yeux est bien rempli et les pages, que j'ai tellement tournées, commencent à se corner par endroit. Le trouver m'a fait resurgir des moments de ma vie où je me suis vraiment sentie heureuse. Où je me sentais enfin épanouie, comprise. Aimée tout simplement. Il me fait remonter dans le temps ; des années plus tôt dans cette forêt près de cette autoroute, cachée derrière un tronc d'arbre ridicule pour espionner deux inconnus éventrer un rôdeur comme un vulgaire morceau de viande. Il me permet de me souvenir de ces moments simples et si fugaces que j'ai pu ressentir en rencontrant ce groupe désespéré sur l'autoroute, bloquée par des centaines de cadavres en acier. Il me replonge dans mes émotions les plus profondes et les plus anciennes que j'ai pu ressentir durant ces années à leur côté. A la ferme et à la prison. Malgré la mort qui semblait me suivre comme un aimant, je ne garde de ces moments que des souvenirs remplis de joie, malgré les épreuves et les pertes que nous avons subies. Je n'échangerai ces moments de ma vie pour rien au monde, pas même pour un antidote qui pourrait sauver le monde. Cette famille que j'ai tant aimée, et que j'aime plus que tout au monde, a fait de moi ce que je suis : une combattante et une survivante. Mais surtout, il m'a fait comprendre que rien n'est jamais gagné... Ou perdu.

Je souris et je tente de garder une boule au fond de ma gorge qui semble vouloir humidifier mes yeux. J'inspire profondément et ferme les paupières avant de me tourner sur le côté pour me mettre face à la petite fenêtre, où la lumière de la lune illumine l'intérieur de notre cabane.







Je me penche par-dessus la rambarde pour regarder l'eau bouger au rythme du bateau. Les yeux fermés, je sens les gouttes salées perler ça et là mon visage, sentant avec joie la maigre fraîcheur qu'elles me procurent tandis que le soleil est haut dans le ciel. Alors que le vent me fouette le visage, j'entends quelqu'un régurgiter son repas de l'autre côté du petit bateau. J'esquisse un sourire, en apercevant le jeune Edward grimacer de dégoût et le visage pâle.

Je me retourne vers la mer, sachant que d'ici peu de temps, je descendrai et poserai mes pieds sur le ponton pour me retrouver avec ma famille qui m'a tant manquée. A mes côtés, Carol regarde l'horizon, les yeux plissés pour se protéger du soleil se réfléchissant sur l'eau. Aucune de nous d'eux n'ose rompre le silence. Nous voulons juste profiter de cette sensation de liberté avant de retrouver nos proches, mais également de peurs. La peur de perdre plus que ce qu'on nous a déjà arraché.

Des gémissements derrière moi me fait deviner qu'Edward n'avait pas encore complètement vidé son estomac. Du coin de l'œil, je vois sa sœur lui tapoter gentiment le dos pour le rassurer. Carol et moi échangeons un regard complice avant de nous replonger dans notre contemplation. A certains endroits, j'aperçois au loin des cadavres mouvants, tentant vainement de s'approcher du bateau. A quelques centimètres de la coque, une grosse caisse supporte un rôdeur décomposé, la peau gluante et glissante sur son visage comme un vulgaire morceau de caoutchouc. Ces rôdeurs ne signifient qu'une chose : nous approchons de la côte.

Je pose mon regard sur Carol, son carquois sur le dos. Sa mâchoire crispée montre l'inquiétude qu'elle ressent à retrouver l'endroit que nous avons quitté pour nous ressourcer ailleurs. Je vois ses mains se crisper sur la rambarde tout en essayant de cacher son angoisse. Je m'approche d'elle tout en observant l'eau éclabousser la coque du bateau.

- Ça va bien se passer.

Mon amie se tourne vers moi et hoche légèrement la tête, un mince sourire sur les lèvres. Je lui pose ma main sur son épaule avant de m'éloigner pour aller récupérer mes maigres affaires. Je retourne dans la cabine, où je trouve Gabriela diriger le bateau d'une main de maître.

- Nous arriverons d'ici quelques minutes, m'annonce-t-elle en haussant la voix pour se faire entendre.

- Super ! Je vais prévenir les autres.

Je m'empare de mon épée que j'accroche à ma ceinture, ainsi que mon sac à dos. Je vérifie que mon carnet et mon stylo sont bien rangés dans ma poche arrière de mon jean avant de sortir de la cabine pour me diriger vers l'arrière du bateau. Je marche vers Edward et sa sœur Charlie ; lui assis contre le bord du bateau, la bouche ouverte pour inspirer de grandes goulées d'air frais.

- Gabriela m'a dit que nous arriverons d'ici quelques minutes.

Le garçon soupire de soulagement.

- Enfin... Bégaie-t-il. J'ai cru que ce voyage ne se terminerait jamais.

- Si tu as le mal de mer, pourquoi tu es venu ? Je demande.

- Nous devons ramener des vivres d'Oceanside, m'explique Charlie. Et on nous a demandé d'y aller.

J'esquisse un sourire rempli de compassion avant de retourner à l'avant du bateau. Lorsque je reviens près de Carol, je vois au loin une ligne d'horizon qui se dessine peu à peu face à nous. L'estomac noué, j'inspire profondément pour sentir l'air marin entrer dans mes poumons. « Tout va bien se passer » résonne dans ma tête tandis que mes mains se crispent sur la rambarde, apercevant plus précisément le ponton où je reconnais deux silhouettes. Soulagée de les savoir sains et saufs, un sourire éclaire mon visage, entendant le sifflement perçant de Daryl nous intimant de vite débarquer. 

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Hey ! Je suis de retour sur Wattpad et la suite de la fanfiction est désormais disponible ! J'espère que cela vous plaira. 😉 

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