The Walking Dead : Silence in the face of death [Tome 3]

Chapitre 93 : Confrontation

Point de vue de Daryl :

En arrière du groupe, je reste silencieux et tente de répondre aux questions qui me hantent l'esprit. La nuit tombe et nous ne sommes plus très loin de la frontière. Je déglutis. Je ne veux pas retourner là-bas, mais je ne peux montrer ce sentiment à personne. Mon corps entier ne demande qu'à faire demi-tour, mais je m'oblige à avancer et à ne pas me laisser distancer. Devant moi, je vois les silhouettes de Rick, Michonne et Carol se dessiner entre les troncs d'arbre. Aucun son ne vient troubler le silence pesant entre nous, hormis les feuilles d'arbre bougeant au gré du vent.

Je ralentis le pas lorsque j'aperçois la frontière à quelques mètres des derniers arbres de la forêt, au milieu de la colline. Une sueur froide coule dans mon dos. Je frissonne. Devant moi, les trois silhouettes ralentissent le pas et observent à leur tour les dix pieux où se tenaient l'horreur il y a plusieurs de mois. J'inspire profondément pour faire bonne figure lorsque je vois Rick se tourner vers moi.

On s'arrête devant la frontière. Le cœur battant la chamade, j'observe l'horizon de l'autre côté. Tout est calme.

- Posez vos armes.

Du coin de l'œil, je vois Carol jeter un regard de biais vers Rick. Il est le premier à déposer les armes, suivi par Michonne. À mes côtés, ma meilleure amie finit par capituler et pose son arc et ses flèches à ses pieds. Je lève la tête vers le dixième pieu et m'avance vers lui. Je ne m'arrête qu'à quelques centimètres et ferme les yeux. Je me remémore chaque seconde de cette journée où notre vie a basculé. Les grognements enfantins de mon fils me font serrer la mâchoire. Les cris d'Ariane résonnent dans ma tête comme si elle était à mes côtés. Chaque seconde me broie de l'intérieur. Je serre les poings. J'entends encore Rick s'emparer du couteau d'Anna et s'avancer vers les têtes décapitées. Par instinct, je m'étais de nouveau retourné pour le regarder passer derrière chacune d'elle. J'entends encore la lame transpercer leur crâne. Chaque pas qu'il faisait était un crève-cœur. Chaque tête qu'il transperçait était une nouvelle condamnation au supplice. J'observais mon frère parcourir les derniers mètres vers mon fils. Lorsqu'il eut transpercé le crâne d'Henry sous les pleurs désespérés de Carol, je m'étais retenu de hurler. Ce n'était pas à Rick de le faire, mais à moi. Erwan était mon fils et je devais abréger ses souffrances. Rick avait levé la tête comme s'il cherchait mon approbation. J'avais alors levé la main et m'étais emparé d'un de mes couteaux de chasse. Je me souviens m'être détachée d'Ariane et m'être avancé vers le pieu où trônait la tête d'Erwan. J'entendais les chuchotements de Michonne pour tenter d'apaiser les souffrances d'Ariane. Mais rien ne pouvait l'aider. Rien ne pouvait nous aider. J'étais vide. Anéanti. Chaque pas résonnait en moi. Les yeux embués de larmes, le corps tremblant, je m'étais arrêté juste devant le visage de mon fils et l'avais observé de longues secondes. Ses cheveux ternes volaient devant ses yeux mornes. Au lieu des rires enfantins que j'aimais tant entendre, ce n'étaient plus que des grognements qui sortaient de sa bouche.

Je gémis. Je me souviens avoir contourné le pieu sans jamais quitter Erwan des yeux. Je m'étais arrêté près de Rick.

- Tu es sûr de toi ?

J'avais simplement hoché la tête. J'étais incapable de sortir le moindre son, hormis des gémissements de douleur. Une larme avait roulé le long de ma joue. Je me souviens avoir levé la main, la lame pointée vers le crâne d'Erwan. Rick était resté prêt de moi pour m'aider si je ne réussissais pas à faire ce qu'il fallait. Je me suis souvenu de la ferme lorsque mon frère a tiré une balle dans la tête de la p'tite Sophia. L'émotion était visible dans ses yeux et pourtant, il ne s'était pas effondré. Ce que je m'apprêtais à faire semblait être au-dessus de mes forces. Le visage de Merle m'a frappé en plein visage, comme si cette scène que j'espérais ne plus connaître recommençait encore et encore. Tuer mon propre frère m'avait anéanti. Mais tuer mon fils était destructeur.